Profession
de Foi
pour l'élection de Juin 2005 au Conseil d'administration de la
SMF
D'abord, je remercie tous ceux qui m'ont élu en 2002 sur la base
de ma
profession de foi qui indiquait notamment :
«
Ma candidature a pour but d'attirer l'attention de la S.M.F. sur les
questions de l'enseignement primaire et secondaire … je m'oppose
aux positions dogmatiques cristallisées par certains milieux des
Sciences de l'Education qui prétendent théoriser la
pédagogie hors de tout contexte, comme si les
mathématiques étaient privées de contenu objectif [0].
Il m'a semblé qu'à ce jour la S.M.F. n'a pas suffisamment
réagi au processus catastrophique ancien qui dénature
l'enseignement, et par exemple qu'elle n'a pas saisi l'occasion
même lorsqu'elle se présentait sous un angle facile:il n'y
a eu aucune réaction lors du projet de suppression
complète de l'enseignement de l'algorithme de la division en
primaire en 1999. Je peux comprendre que les
mathématiciens français ignoraient ce qui se passe
réellement au niveau du primaire et du collège mais je
souhaite être là justement pour qu'ils ne puissent plus
l'ignorer. »
J'ai agi depuis cette date selon les termes de cette profession de
foi en particulier :
- en demandant dès mon
élection en juin 2002 à participer à la commission
Enseignement de la SMF, participation acquise en septembre 2004,
- en obtenant de la S.M.F. une réunion sur l’enseignement
primaire en octobre 2003
[1] ;
- en travaillant au sein du
Groupe de Réflexion
Interdisciplinaire sur les Programmes présidé
par Jean-Pierre Demailly ;
- en participant, sur invitation, à Banff (Canada) au colloque "
Numeracy and beyond" en
liaison notamment avec les mathématiciens étrangers dont
nous partageons les positions. [
Version française
de mon exposé]
D'autre part, il me semble que l'importante publication du texte
de Roger Balian, Jean-Michel Bismut, Alain Connes, Jean-Pierre
Demailly, Laurent Lafforgue, Pierre Lelong et Jean-Pierre Serre, Les savoirs fondamentaux au service de
l'avenir scientifique et technique. Comment les réenseigner
(Fondapol, nov. 2004), montre à l'envi tout
l'intérêt que l'on doit accorder à l'enseignement
primaire.
On peut donc constater que, eu égard à la
nécessité d'une refonte complète de
l'enseignement, des progrès réels ont été
accomplis en peu de temps, même si cette prise de conscience n’a
pas encore été suivie d’effets concrets. Ainsi, lors de l'audition de
Jean-Pierre Demailly et de moi-même par la commission
Thélot , les membres présents de cette commission
(dont un IPR, seul spécialiste des mathématiques) se sont
déclarés favorables à deux mesures partielles mais
importantes que nous préconisions : apprentissage
simultané des quatre opérations dès le CP et
maîtrise complète des quatre opérations sur les
entiers et décimaux en primaire. Malheureusement,
- le rapport de la commission
Thélot préconise l'accentuation du retard dans
l'apprentissage des opérations et de la séparation de
l'apprentissage de la numération et des opérations
- les derniers programmes de collège (B.O. HS n° 4,
9/09/2004) se présentent comme la continuation des programmes du
primaire de 2002 et entérinent donc une
conception
aberrante de
l'apprentissage de la numération et du calcul.
- la loi récemment votée ne préconise aucune
révision des programmes.
L'erreur contenue dans la réforme dite des mathématiques modernes ne
résidait pas, au contraire, dans l'intérêt
porté par les mathématiciens à l'enseignement de la maternelle à
l'Université, mais dans la définition des contenus
et des méthodes préconisés. En ne prenant pas
position sur le primaire et le collège, certes, on ne risque pas
de faire d'erreurs sur un sujet que l'on ne traite pas mais on devient
prisonnier, dans les lycées, et plus encore dans les
universités, de l'indigence des contenus des programmes
précédents. En cette matière, toute
négligence des programmes d'enseignement en amont de
l'enseignement supérieur affecte à terme l’ensemble de la
recherche scientifique. S'ils sont déficients, on en est
réduit à ne s'intéresser qu'aux rescapés,
ce qui permet de pérenniser la ségrégation sociale
sans avoir à s'en réclamer ou même en
prétendant lutter contre elle.
Je me porte donc de nouveau candidat au CA pour poursuivre mon travail,
celui d’appeler la SMF à œuvrer pour obtenir une révision
des programmes du primaire et du collège. J'orienterai mon
travail à l'intérieur de la SMF notamment pour qu'elle
renoue explicitement avec la tradition [2]
qui fut la sienne de
défense de l'enseignement des mathématiques, de sa
cohérence pour tous les niveaux d'enseignement et pour qu’elle
contribue à la restauration d'un véritable enseignement
des humanités scientifiques.
Cabanac, le 15 avril 2005
Michel Delord
[0] Peter Lax ,
à l'occasion de sa nomination au Prix Abel 2005, déclare
justement dans un intervew au New
Nork Times du 29 mars dernier :
Claudia Dreyfus. Do you
believe that high school and college math are poorly taught?
Peter Lax.
By and large, that's correct. I would like to see the schools of
education teach much more math than methods of teaching and educational
psychology. In mathematics, nothing takes the place of real knowledge
of the subject and enthusiasm for it.
[Claudia Dreyfus, A conversation with Peter Lax : From
Budapest to Los Alamos, a Life in Mathematics, The New York
Times, 29/03/ 2005]
[1] Textes
préparatoires pour la réunion du 11 octobre 2003 :
1) Michel Delord,
"Précisons nos divergences - Réponse sur un point
à Roland Charnay et à la commission Joutard"
[2] Deux exemples parmi tant
d'autres : Charles-Ange Laisant, ancien
président de la S.M.F, ou Jules Tannery, qui
n'hésitaient pas à écrire sur l'enseignement
primaire.
- Charles-Ange Laisant, L'initiation mathématique,
Hachette, 1910. Extraits.
- Jules Tannery, Science
et philosophie, Félix Alcan, 1924, préface d'Emile
Borel. Extraits