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Pour mettre les points sur les i
Compléments aux interviews I et II de Luc Cédelle sur le blog Interro écrite

"De la zizanie chez les antipédagos"

Fin novembre 2010


Vous trouverez sur cette page sous formes de notes,  des compléments, liens, explications qui ne pouvaient être fournis dans le cadre l’interview. Ce fichier sera mis à jour, sans ordre théorique précis, au fur et à mesure des questions qui seront posées, des critiques qui seront faites et du temps dont je dispose..
Cet interview est composé de deux parties , dénommées ici  PartI  et PartII.
30 novembre 2010
Michel Delord


 Table des matières
Note 0 - A propos du GRIP (en préparation)
Note 1 – Fausses problématiques I Note 2 - Nous utiliser dans leur propre intérêt…
Note 3 - Travail dans ou hors de l’éducation nationale ?
Note  4 - Sans recul Note 5 - Références anti-étatiques
Note 6 - Fausse problématique II - Textes de Référence Note 7 - Antidogmatisme stalinien Note 8 - Avant l'Etat providence

Interview
Compléments
Note 1 – Fausses problématiques I

« La même situation - de refus d’une problématique que je considère comme fausse - s’est représentée plus tard, quand ma critique du néolibéralisme et de la mercantilisation de l’enseignement ne me poussait à défendre ni l’État ni la bureaucratie, syndicale en particulier. » [PartI]

Deux exemples de positions qui font que je ne rentrais dans aucune des problématiques sur l’école présentes à la fin des années 90 :

I) 1998 , publié sur le site de Nico Hirtt, l’APED 

Lorsque l’on réduit les moyens d’instruction, il reste Prioritairement l’Education, vielle recette du KulturKampf admirée déjà par les théoriciens de la Troisième République: bel avenir cumulant les tares tout à fait compatibles du “public” et du “privé”, celles d’une bureaucratie Bismarckienne et de la main invisible chère à Adam Smith.

http://users.skynet.be/aped/Analyses/Articles/zepfr.html

II) 1999, dans « Calcul humain, calcul mental et calculettes : Questions pédagogiques »

http://michel.delord.free.fr/txt1999/9_%20Conclusion.html

“L'avenir le dira

Il n'est pas déraisonnable de se poser la question du devenir de l'éducation Nationale ( fut-elle laïque et obligatoire et nationalisée) au vu de son état actuel et des possibilités existantes de l'empêcher de se transformer définitivement en instrument "d'edutainment", c'est-à-dire de décervelage incapable même d'apprendre aux enfants à lire, écrire et compter: la réponse pratique viendra assez vite. On verra si la société est capable de faire naître un mouvement s'opposant à cette véritable dégénérescence et si l'administration le tolérera.

Quoiqu'il en soit, et l'exemple des progressions en mathématiques suffit à le prouver, la pédagogie "classique" , bien que possédant un savoir-faire supérieur en qualité à celle des modernistes, n'a pas pu résister à la vague du décervelage structuraliste qui n'a pas commencé en 68. Pour qui veut se poser quelques vraies questions, la pierre de touche n'est donc pas la critique des modernistes mais la critique de l'impuissance des vaincus, sous peine de vouloir, au prix d'une perte d'énergie considérable, reconstruire un système qui a logiquement abouti au désastre actuel.”

Note 2 - Nous utiliser dans leur propre intérêt…

« J’avais tenté dès 2007 de prévenir que nous serions « en permanence dans une position difficile » vis-à-vis du ministère et des politiques qui n’auraient de cesse de « nous utiliser dans leur propre intérêt ». Hélas, je n’ai pas eu grand succès ». [PartII.].

Une citation plus complète datant d’une AG de 2007 dans laquelle j’essayais de poser le problème autrement qu’en disant « le pouvoir est intéressé par nos positions »:

« Nous sommes et serons en permanence dans une position difficile : le ministère et les politiques essaieront de nous utiliser dans leur propre intérêt même s’il ne coïncide pas avec celui de SLECC et du GRIP et ils y arriveront en partie : c’est à nous de le prévoir systématiquement et de faire ce qu’il faut pour en minimiser les conséquences. »


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Note 3 - Dans ou hors de l’éducation nationale ?

«Le premier [désaccord au sein du GRIP] renvoie à la problématique du libéralisme et de l’étatisme.
Le GRIP s’est majoritairement prononcé pour agir exclusivement dans le cadre des écoles publiques et des écoles sous contrat »
[ PartII.]


« Cela étant, la nature exclusivement psycho-pathologique des arguments employés pour demander mon exclusion du GRIP avait surtout comme fonction de masquer des oppositions à certaines de mes idées, auxquelles mes opposants étaient incapables de répondre. »
[PartI]

Dans ou hors de l'Education nationale ? On en trouve une forme  parfaitement explicitée  dans un mail du GRIP de janvier dernier :

Date: Fri, 29 Jan 2010 15:17:37 +0100
From: Michel Delord
Subject: Re: [GRIP: 1387] Travailler partout ?
[…]

a) Je voudrais dire, comme je suis à l'origine de ce débat, que LA POSITION QUE JE DEMANDE POUR LE GRIP ( je n'ai pas dit que c'était ma position), c'est-à-dire travail dans et hors de l’Education nationale, est une position de principe et qu'elle vise

-à ne bloquer aucune possibilité de travail pour le GRIP, que ce soit à l' extérieur ou à l'intérieur de l'éducation nationale

-à ce que le GRIP ne passe ni pour un appendice du marché ni pour un appendice de l’état ou du gouvernement .

Je n'en ai jamais demandé plus.

 b) Elle s'oppose non pas à une vision de l’esprit mais précisément à celle formulée par Muriel Strupiechonski [membre du bureau et du CA du GRIP, MD] , qui est elle aussi une position de principe, qui est la seule à l’avoir formulée ainsi et contre laquelle personne, à part moi, n'est intervenu :

[From: Muriel Strupiechonski

Subject: [GRIP: 546] Re: Re : [GRIP: 541] Re: Une école Hors Contrat Slecc !!!

Date: Wed, 9 Dec 2009 21:36:25 +0100

Il nous faut donc vraiment un texte clair publié qui ne permet pas de laisser une ambigüité sur notre objectif : notre travail dans l'éducation nationale (avec les écoles sous contrat) mais en aucun cas avec d'autres écoles [Souligné par moi, MD]. Si certains récupèrent ou utilisent notre sigle, on ne peut pas les en empêcher mais il faut qu'on publie que ce n'est pas avec notre accord et qu'on ne travaille pas avec eux.

Muriel]

position exprimée après la mienne qui date du CA de septembre, position qui dit explicitement que le GRIP ne doit travailler qu'à l'intérieur de l'Education nationale et qui considère cet argument comme fondamental.

Michel Delord
La position de Muriel sera reprise par la majorité du GRIP.
On peut donc constater qu'il y là a une divergence précise sur une question de fond entre mes positions et celles du GRIP. Il y en a d'autres  - voir ma profession de foi - mais celle-ci montre bien que " la nature exclusivement psycho-pathologique des arguments employés pour demander mon exclusion du GRIP avait surtout comme fonction de masquer des oppositions à certaines de mes idées, auxquelles mes opposants étaient incapables de répondre."
Voir aussi ici

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Note 4 - Sans recul

Vous étiez présent lors des deux réunions officieuses (car non inscrites à l’agenda officiel du ministre) auxquelles Xavier Darcos avait convié en 2008 le « gratin » des antipédagogistes. Avec le recul, quelle analyse faites-vous de ces rencontres ?

Sans aucun recul, c'est-à-dire au cours même de cette réunion avec Xavier Darcos, j’avais demandé que soient « nettement distinguées » les réformes conduites par le pouvoir politique et les expérimentations de type SLECC.[PartII]

‘Sans recul ’, mais ayant de considérables doutes sur la capacité de l’état et des divers gouvernements y compris celui qui nous invitait à réformer positivement l’école,  j’avais explicitement demandé à cette réunion, tout en gardant une forme d'intervention parfaitement conviviale,

« - que soient nettement distinguées deux choses qui peuvent certes entretenir des rapports mais sont nullement identiques et peuvent même être contradictoires : d’une part, la réforme générale de l’école conduite par le pouvoir politique et, d’autre part les « réformes » sous forme d’expérimentations qui ont un caractère dérogatoire et, en particulier la réforme représentée par l'expérimentation SLECC.

- que, au vu des limitations - possibles et mêmes probables - d’une réforme générale de l’école notées supra, l’expérimentation SLECC soit considérée avant tout comme la mise en place d’un modèle de référence, qui doit perdurer en étant le plus indépendant possible des limitations des pouvoirs politiques et des limitations de l’appareil scolaire, ce qui lui permet de ne pas avoir à essayer de s’adapter au niveau moyen forcément bas de l’école à un moment donné. »

Vous pourrez trouver une bonne partie de cette déclaration dans le texte «Rectificatif au compte-rendu de Jean-Paul Brighelli » dans lequel j’avais réagi publiquement sur Bonnet d’âne  contre la transcription de la réunion qu’avait faite JPB, transcription qui  déformait mes propos et gommait mes critiques par rapport au gouvernement.  Même si Jean-Paul Brighelli a essayé de les faire disparaitre dans son compte-rendu,  j'ai été le seul, au cours de ces réunions avec Xavier Darcos,  à émettre publiquement des doutes sur la volonté et la capacité du gouvernement à mener une réforme du primaire.

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Note 5 - Références anti-étatiques
Hommage à Friderich Engels : Bordel des nationalisations.
 La nationalisation des bordels est-elle une mesure socialiste ?
.. Je pensais qu’il ne fallait bloquer aucune possibilité de travail, que ce soit dans ou hors l’éducation nationale.

Comment ? Après tout votre discours sur la « mercantilisation », vous vous retrouvez finalement sur la même ligne que les libéraux qui veulent réhabiliter « l’instruction » dans les écoles hors contrat, donc hors obligation de programmes ! Là, je n’arrive plus à vous suivre…

C’est peut-être déroutant, mais beaucoup moins compliqué qu’il n’y paraît. Premier point : l’appartenance au secteur d’Etat n’est pas une garantie contre le  mercantilisme. Deuxième point : je suis un défenseur de l’instruction publique… et laïque ! Troisième point : cette instruction publique n’est pas obligatoirement - et même loin de là - une instruction d’Etat.

Il y a, sur le plan théorique, des textes très sérieux de Ferdinand Buisson sur le sujet. Va-t-on dire qu’il n’était pas favorable à l’instruction publique ? Et sur le plan pratique, le même Buisson a défendu le pédagogue libertaire Paul Robin et son orphelinat de Cempuis, qui ne dépendait pas de l’État mais d’une collectivité locale.

J’ajoute que, s’il faut donner des gages de gauche, ou tout du moins de « non-droite », qu’il n’y a aucun texte de Marx - présenté à gauche comme le plus étatiste des étatistes - qui défende l’école d’Etat. Au contraire tous ses textes y sont opposés.

Dans le même ordre d’idées, un congrès de la CGT d’avant la scission de 1921 a condamné à une forte  majorité l’enseignement d’Etat. Plus près de nous, je peux me permettre cette question : un enseignant laïque devait-il s’interdire de travailler à l’école privée hors-contrat de Célestin Freinet à St-Paul-de-Vence ?

a) C’est peut-être déroutant, mais beaucoup moins compliqué qu’il n’y paraît.

La preuve en est que, même à l'époque ou certains ne me voyaient qu'attaquer le "néo-libéralisme" - et j'ai été un des premiers à le faire -, je ne me précipitais pas dans les bras de l'étatisme de la gauche laïque et du PCF  puisque je présentais le danger central comme celui d'un  "
bel avenir cumulant les tares tout à fait compatibles du “public” et du “privé”, celles d’une bureaucratie Bismarckienne et de la main invisible chère à Adam Smith.”( Voir supra)

Je n'ai donc pas changé de position. Je pense même de plus en plus que la ligne de démarcation réelle entre partisans de l'instruction publique et ses opposants ne sera pas le clivage public/privé, notamment puisque l'on a pu observer une marchandisation de l'école d'état sans qu'elle passe sous statut juridique privé. Au contraire,  pour paraphraser une phrase célébre il est probable que

"L'instruction primaire ne pourra commencer à respirer que lorsque l'on aura pendu le dernier néo-libéral avec les tripes du dernier étatiste de principe"

b) Il y a, sur le plan théorique, des textes très sérieux de Ferdinand Buisson sur le sujet.
Va-t-on dire qu’il n’était pas favorable à l’instruction publique ?

Textes en cours de scan, mais les spécialistes les connaissent probablement. En tous cas, il est absurde de prétendre que la défense de l'Instruction publique par Ferdinand Buisson aurait fait de lui, théoriquement et pratiquement, un ennemi de principe des structures qui ne dépendaient pas de l'état national.

c) Et sur le plan pratique, le même Buisson a défendu le pédagogue libertaire Paul Robin et son orphelinat de Cempuis, qui ne dépendait pas de l’État mais d’une collectivité locale.

On peut consulter ici des extraits de l'article de
Maurice Dommanget sur Paul Robin dans Les grands socialistes et l'éducation, Collection U – Armand Colin 1970
.
 d)
J’ajoute que, s’il faut donner des gages de gauche, ou tout du moins de « non-droite », qu’il n’y a aucun texte de Marx - présenté à gauche comme le plus étatiste des étatistes - qui défende l’école d’Etat.

Comme il n'y en a pas, je ne peux pas en exhiber. Mais j'encourage
à exhiber des textes qui montrent que leur position est cohérente tous ceux qui se réclament de Marx et qui défendent des positions du type Fonds publics, argent public, qui expliquent que l'école d'Etat est meilleure par principe les défenseurs de la position de membres du GRIP définie ici , et en particulier Guy Morel.

e) Au contraire tous [les textes de Marx] y sont opposés.

J'ai donné, dés 1998, un ensemble de textes du mouvement ouvrier du XIXe siécle et du début du XXe s'opposant tous à cette conception étatiste de l'école. Les textes de Marx sont les suivants  :
I )    Karl Marx,  La bureaucratie 1844
III )  Karl Marx, Le Salaire 1849
IV)   Karl Marx , Ascenseur social ? 1867
V )   Karl Marx,  séances des 10 et 17 août 1869 au Conseil général de L'AIT
VI )  Karl Marx, Critique du programme de Gotha 1875
On les trouve ici ansi que des textes du début du XXe siècle.

Je  rajoute ici un extrait de "Socialisme utopique et socialisme scientifique",  suffisament clair :

Mais on a vu récemment, depuis que Bismarck s'est lancé dans les étatisations, apparaître certain faux socialisme qui même, çà et là, a dégénéré en quelque servilité, et qui proclame socialiste sans autre forme de procès, toute étatisation, même celle de Bismarck. Évidemment, si l'étatisation du tabac était socialiste, Napoléon et Metternich compteraient parmi les fondateurs du socialisme. Si l'État belge, pour des raisons politiques et financières très terre à terre, a construit lui-même ses chemins de fer principaux; si Bismarck, sans aucune nécessité économique, a étatisé les principales lignes de chemins de fer de la Prusse, simplement pour pouvoir mieux les organiser et les utiliser en temps de guerre, pour faire des employés de chemins de fer un bétail électoral au service du gouvernement et surtout pour se donner une nouvelle source de revenus indépendante des décisions du Parlement, - ce n'était nullement là des mesures socialistes, directes ou indirectes, conscientes ou inconscientes. Autrement ce seraient des institutions socialistes que la Société royale de commerce maritime, la Manufacture royale de porcelaine et même, dans la troupe, le tailleur de compagnie, voire l'étatisation proposée avec le plus grand sérieux, vers les années 30, sous Frédéric-Guillaume III, par un gros malin, - celle des bordels.
In Friederich Engels, Socialisme utopique et socialisme scientifique, Vers l'élimination du capitaliste individuel, pages 60/61 , Note 1.

Le chapitre "Vers l'élimination du  capitaliste individuel" est à lire intégralement car il  montre justement que l'élimination du capitaliste individuel basé sur la propiété personnelle privée des moyens de production, tout d'abord sous la forme de la Société anonyme puis sous celle de l'étatisation ne supprime en aucun cas  le capitalisme et le marché et représente même le passage à une nouvelle forme - supérieure - de ceux-ci.

f)
Un congrès de la CGT d’avant la scission de 1921 :
Extrait du programme de la C.G.T. ( XIVe congrès, sept.1919)
1. Le congrès constate la faillite de la classe bourgeoise en matière d'enseignement.
2. Il déclare périmé le système d'organisation de l'enseignement de la III République, système qui n'a su que substituer au dogme de l'Eglise, celui de l 'Etat et qui s'est préoccupé simplement de maintenir la classe ouvrière sous la tutelle de la classe bourgeoise.

PS : Pour montrer le changement fondamental et définitif de politique du PC dans les années 30 * [Voir infra],  voici ce qu'écrivait
en 1932 André Ferrat dans l'hommage que le PCF rendait à Jules Guesde lors du dixième anniversaire de sa mort :

Avec une vigueur et un talent remarquables il raille la pitoyable théorie « des services publics » défendue par Brousse, chef des possibilistes, et selon laquelle les institutions telles que les postes, les routes, l’éclairage communal, etc., seraient des embryons de socialisme dans le régime capitaliste. Il ridiculise ce pseudo-socialisme « découvert par Jehovah Joffrin et Moïse Brousse sur le Sinaï de la Butte Montmartre ».
....
Plus tard, Guesde, — reprenant les arguments d’Engels contre certains social-démocrates d’Allemagne qui voyaient du socialisme dans les mesures étatiques de Bismarck — critiquera de façon aiguë les réformistes qui baptisent socialisme la politique capitaliste des monopoles d’État. Il dénonçait un demi-siècle à l’avance la politique de duperie des socialistes actuels qui, comme Blum, — moderne « Jehovah de la butte Montmartre » — présentent la nationalisation des assurances comme « une pierre d’attente de la société future ».


Bien sûr quelques années aprés, le PC tournera définitivement le dos à cette position critique de la bureaucratie et reprendra l'identification nationalisation = progrès de l'aile droite
du PS, soit républicaine  soit des planistes et des néo-socialiste. Cette position restera la sienne - et celle des républicains - non seulement sous Staline mais jusqu'à nos jours.

*
Qu'on l'approuve ou qu'on ne l'approuve pas, il faudra bien reconnaitre que cette rupture existe. Mais ce sera difficile puisque  l'identification du socialisme et des nationalisations est une des base du consensus entre d'un coté le néo-liberalisme et de l'autre le stalinisme et la social-démocratie puisqu'ils définissent eux-mêmes ainsi leurs différences. Si l'antimercantilisme ne se définit plus par l'étatisation, le néo-libéralisme explose. 
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Note 6 - Fausse problématique II -
Textes de Référence

« Ma critique du néolibéralisme et de la mercantilisation de l’enseignement ne me poussait à défendre ni l’État ni la bureaucratie, syndicale en particulier. » [PartI]
Dés 1998, j'ai publié  un dossier intitulé Moderne - Vieux - Science de l'Education - Critique dont la partie intitulée Critique (Documents historiques du mouvement ouvrier en rapport avec l'enseignement) donnait une bonne partie des références nécessaires pour poser à peu correctement la critique du PCF et de la bureaucratie. Ce qui était explicite dans la présentation que je faisais de cette série de textes en Mai 2009 :

Ces textes ont été diffusés sur différentes listes entre 1998 et 2000, sans apparemment attirer l'attention de grand monde. Il s'agissait d'abord de faire connaître des textes peu connus,  oubliés ou inaudibles* parce qu'incompatibles avec les idées dominantes de ces années, y compris  celles des tendances qui faisaient mine de s'opposer. Il s'agissait ensuite de montrer par des exemples que  des idées présentées comme fermement établies aussi bien par la 'droite' que par la 'gauche', aussi bien par les 'pédagogistes' que par les 'antipédagogistes', aussi bien par les 'républicains' que par les 'comunautaristes'...  étaient  en fait peu fondées  historiquement et servaient de base à la culture du consensus. Bien que les textes présentent de nombreux exemples de ce types d'idées**, on peut citer comme exemple les supposées positions ‘étatistes’ attribuées à Marx. Or sa bête noire sera tout au long de sa vie la bureaucratie - voir les extraits de la ‘Critique de la philosophie du droit de Hegel’ en 1844- tout autant que  la 'servile croyance de la secte lassallienne à l'État'  en 1875 et ce encore plus dans le domaine de l’école : ‘Une « éducation du peuple par l'État » est chose absolument condamnable. Déterminer par une loi générale les ressources des écoles primaires, les aptitudes exigées du personnel enseignant, les disciplines enseignées, etc., et, comme cela se passe aux États-Unis, surveiller, à l'aide d'inspecteurs d'État, l'exécution de ces prescriptions légales, c'est absolument autre chose que de faire de l'État l'éducateur du peuple !
...
** Mais ce n'est bien sûr pas le seul point figurant dans ces textes dérangeant les acteurs du consensus  : on pourra y constater la volte-face historique du PCF et de la FSU sur l'appréciation portée sur 'l'école de Jules Ferry', l'analyse par Marx des examens  comme "une formule de franc-maçon, la reconnaissance légale du savoir étatique comme privilège [...] comme lien objectif entre le savoir de la société civile et le savoir de l'État, l'examen, [...] rien d'autre que le baptême bureaucratique de la science, la reconnaissance officielle de la transsubstantiation de la science profane en science sacrée", le lien étroit qu'entretiennent le contenu disciplinaire des réformes des années 1970 avec celui avancé par les "socialiste de la chaire" à la Eugen Dühring...

Les textes sont donc  ici ( XIXe siécle) et ici (XXe siècle) .
Note 7 - Anti-dogmatisme stalinien

« D’autres clivages qui passent aujourd’hui pour fondamentaux sont tout aussi surfaits, comme celui qui oppose intelligence et mémoire, ou, comme je l’ai dit plus haut, l’opposition privé/public réduite à l’appartenance ou non au secteur d’Etat. Au fur et à mesure que ces fausses oppositions perdront de leur pertinence, il est à parier que leurs partisans en feront une défense d’autant plus sectaire. »
[PartII]
On peut même prévoir les arguments de fond qui seront produits pour défendre au nom de Marx les positions de défense exclusive de l'école d'État puisque ce sont ceux que le PCF et le stalinisme ont utilisé pour les justifier à leur naissance,  arguments qui s'appuyaient eux-mêmes sur les positions de la droite socialiste d'avant 1914 (Millerand, Paul-Boncour, Albert Thomas) , puis sur le planisme et l'extrême droite des néo-socialistes ( notamment l'argumentation d'Adrien Marquet et Déat). 

Mais pour cela il faut revenir sur les caractéristiques fondamentales du stalinisme telles que je les présentais par exemple dans Ecole de la République ? , et en particulier au passage intitulé "Stalinisme et formes de pensée " qui date du 12 mai 2010 (Soit avant mon exclusion)

Et commençons par la fausse définition du stalinisme, celle que donne le libéralisme qui le considère comme dogmatique, rigide, trop logique, arc-bouté sur des principes, etc…
Or cette vision du stalinisme est complètement fausse puisque, dans le stalinisme la vérité n’est pas stable mais dépend des variations d’analyse du chef, himalaya de pensée et subtil tacticien du n’importe quoi,  qui décide  qu’un jour le soleil est bleu et  vert le lendemain. Ceci n’est pas une vision de l’esprit puisque le stalinisme historique a d’abord dénoncé l’Amérique comme centre de la ploutocratie mondiale, puis en a fait une puissance démocratique avec qui s’allier, puis à nouveau après 47 une puissance fasciste. Bien sûr les variations du chef  n’étaient pas indépendantes des intérêts de l’état russe , mais cela nous intéresse peu ici puisque nous nous intéressons seulement aux formes de la pensée.
Donc le stalinisme n’est pas du tout la défense d’une pensée trop rigoureuse et trop logique mais bien plutôt d’une pensée  qui « affirme blanc le premier jour, noir le deuxième et tente de démontrer le troisième jour que noir et blanc sont identiques » [
Pascal Dupré décrivant  Guy Morel, in Message 1211 du GRIP, janvier 2010. Voir Désaccords de fond ou "problèmes de comportement" ? ].
Ceci dit, pour agir, le stalinisme ne peut s’appuyer sur la continuité de la raison et de la théorie et il s’attache donc à une pratique aveugle et, dans la prise de décision, à la surestimation de l’aspect organisationnel, à la surestimation des méthodes contre les contenus. Et c’est là qu’apparaît aussi le rôle central joué non pas par l’avis des membres de l’organisation où par ses membres élus , mais par le secrétaire et en particulier le secrétaire général.
Il est aussi vrai qu’il est difficile au secrétaire général d’expliquer les changements permanents aux militants de base ou même aux cadres qui ont quelques intérêts au maintien du système. Même s’ils sont légèrement lobotomisés, certains finissent par se poser quelques questions et deviennent donc imperméables à l’irrationalité du système : dans ce cas le système les déclare irrationnels, fous incompatibles avec le bon fonctionnement de la société. Mais ceci est bien connu.
Ceci dit, il n’y a pas de différence de fond entre la défense absolue du marché et le stalinisme : les deux conceptions défendent un absolu, d’un coté la vérité du  marché, de l’autre  la vérité du secrétaire général.
Mais ces deux absolus sont tous les deux absolument relatifs puisque le marché est aussi imprévisible que les variations de positions du secrétaire général.

Le stalinisme n'est donc pas, comme le dit le libéralisme, un dogmatisme rigide mais un chantre de l'antidogmatisme appuyé par un autoritarisme d'autant plus présent qu'il est à contenu variable. Il est trés proche de l'idéologie managériale non seulement par sa surestimation de l'aspect organisationnel des phénomènes mais aussi parce qu'il est une théorie de l'innovation permanente*. En ce sens, ce qui sera probblement reproché à ma publication des positions antiétatiques de Marx  sur l'école sera tout bêtement ce qui a déjà été théorisé par Maurice Thorez et Georges Dimitrov dans les années 30   - et qui est mainteant repris en toute innoccence par une majorité de courants politiques -, c'est-à-dire qu'il serait dogmatique de s'en tenir à ces positions de Marx. Et, au nom de l'efficacité, qu'il ne faut pas avoir de postions dogmatiques pour pouvoir jouer sur les contradictions de l'adversaire, c'est-à-dire la jusitification des diverses magouilles. Comme explicité supra  :  lorsque l'on change trois fois d'alliance en six ans en présentant le meilleur allié démocratique comme étant ensuite le pire des fascistes,on comprend bien que ce soit fait au nom de l'efficacité antidogmatique, c'est-à-dire le droit de retourner sa veste en permanence**.

* Staline aurait très bien pu signer cette phrase de Peter Drucker, concepteur à la fois du Longlife learning et du Knowledge management :
In a fast-changing world, what worked yesterday probably doesn’t work today. One of the fathers of modern management theory herein argues that much of what is now taught and believed about the practice of management is either wrong or seriously out of date.
Peter Drucker, Management’s New Paradigms,1998.
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Note 8 - Nature des réformes / Avant l'état providence

"La nature des réformes scolaires n’est pas différente de celle des réformes générales de la société. Si le réformisme a d’abord été historiquement un synonyme général de progrès social, il est arrivé un moment où les partis politiques n’ont plus rien promis de positif pour ne pas avoir à trahir leurs promesses. Et maintenant, ils proposent - et appliquent - des réformes dont le contenu est partiellement ou entièrement régressif. [...]
Reste une question : sous la pression des mouvements sociaux, va-t-on voir refleurir dans l’enseignement comme ailleurs, des mouvements politiques qui se comporteront en véritables traîtres, c’est-à-dire qui feront des promesses positives qu’ils ne tiendront pas ?"
Avant l'état providence

Explicitons un peu cette position sur la nature des réformes : et comme je ne lis pas dans le marc de café, c’est dans le passé qu'il faut aller chercher la partie du futur dont on peut être sûr. Nous avons et nous aurons toujours sur le dos le fardeau de  l’histoire, récente ou non. Mais tant que nous ne l’avons pas comprise au moins dans ses grands traits, son poids  nous domine  et provoque un syndrome de répétition de négation de la réalité qui, ne peut que s’auto renforcer.

Politiquement, la nature des réformes générales de la société en est donc à sa troisième forme  : elles ont d’abord été  historiquement, même avec des gros bémols, un synonyme général de progrès social et c’était aussi l’époque où un homme politique de n’importe quel bord n’aurait pas osé, quelle qu’en soit la raison, se présenter à une élection sans profession de foi en appelant simplement à la confiance. Puis est arrivé un moment  où les partis politiques n’ont plus rien promis de positif pour ne pas avoir à trahir leurs promesses. Et maintenant, ils proposent - et appliquent - des réformes dont le contenu est partiellement ou entièrement régressif.

De plus, ce coup-ci socialement,  le futur a de fortes chances d’être directement dans le passé puisque tout le monde le dit  y compris M. Benoist Apparu, ministre du gouvernement : les réformes représentent maintenant des régressions et notamment par rapport à l'État-providence.

Recul vers une époque pré-Welfare ? Il est donc utile de questionner la nature et les problématiques historiques de ce qui est, par excellence, la période historique à la fois moderne et sans État-providence, c'est-à-dire le XIXème siècle jusqu’à sa fin en 1914. On y trouve les matrices de toutes les problématiques naissantes opposées ou favorables à l’état providentiel moderne et les modes de réaction de l’ensemble du corps social à ce qui est alors une nouveauté. Pour en montrer l'intérêt, je choisis deux  exemples pris en Allemagne car ils sont justement incompréhensibles du point de vue "français républicain" qui a de plus beaucoup de mal à envisager que le progrés social puisse avoir une origine chez les Boches :
- le Kulturkampf, lutte réactionnaire pour la laïcité, chose impensable en France puisque toute lutte pour la laïcité y est considérée, a priori, comme progressiste et faisant donc partie de la lutte contre la réaction.
- la naissance des assurances sociales sous Bismarck,  ce qui surprend tout autant le républicain moyen qu'il soit de gauche et au PCF ou de la droite gaulliste, sans parler du chevènementisme puisque l'Etat providence ne peut qu'avoir une origine progressiste ...

On pourra aussi savoir par exemple si la gauche – seulement française ? - des années 45-70 a "perdu la bataille de l’école - et du Welfare" -  parce qu’elle avait abandonné les principes politiques mis en place à l‘époque du Front populaire et renforcés à la Libération ou, au contraire, parce qu’elle les a appliqué.

Nature des réformes actuelles ou de l'utilité des idiots utiles

Si les réformes sont socialement et politiquement régressives, - et nous sommes dans cette situation - et tant que la politique ne se réduit pas strictement au bâton, les dites normes de la gouvernance rendent obligatoire pour le pouvoir de présenter les reculs sociaux et politiques comme des réformes au moins en partie positives.
Ce mode de gouvernance est nettement insuffisant s'il n'existe pas des représentants du peuple ou des diverses couches concernées  - les idiots utiles, conscients ou inconscients, dont c'est la période de triomphe médiatique - pour présenter ces réformes de manière si ce n'est complètement positives - ils seraient en ce cas inutiles -  mais au moins inévitables, point trop négatives c'est-à-dire de toutes les façons négociables.
Et dans un deuxième temps - celui où les négociateurs se font conspuer -, passe au premier plan le phénomène que je décris  dans l'interview  "Sous la pression des mouvements sociaux, va-t-on voir refleurir dans l’enseignement comme ailleurs, des mouvements politiques qui se comporteront en véritables traîtres, c’est-à-dire qui feront des promesses positives qu’ils ne tiendront pas ?",
Il est possible de prévoir aussi que, au moment où les négociateurs ont perdu leurs crédits, ils essaient de se racheter en prenant des positions velléitaires extrêmes, ce qui a été le cas des déçus du socialisme  et encore plus celui des déçus du sarkozysme

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