Interview |
Compléments |
Note 1 – Fausses problématiques I | |
« La même situation - de refus d’une problématique que je considère comme fausse - s’est représentée plus tard, quand ma critique du néolibéralisme et de la mercantilisation de l’enseignement ne me poussait à défendre ni l’État ni la bureaucratie, syndicale en particulier. » [PartI] |
Deux exemples de positions qui
font que je ne rentrais dans aucune des problématiques sur l’école présentes à
la fin des années 90 : I) 1998 , publié sur le site de Nico Hirtt, l’APED “Lorsque l’on réduit les moyens d’instruction, il reste Prioritairement l’Education, vielle recette du KulturKampf admirée déjà par les théoriciens de la Troisième République: bel avenir cumulant les tares tout à fait compatibles du “public” et du “privé”, celles d’une bureaucratie Bismarckienne et de la main invisible chère à Adam Smith.” http://users.skynet.be/aped/Analyses/Articles/zepfr.html II) 1999, dans
« Calcul humain, calcul mental et calculettes : Questions pédagogiques » “L'avenir le dira Il n'est pas déraisonnable de se poser la question du devenir de l'éducation Nationale ( fut-elle laïque et obligatoire et nationalisée) au vu de son état actuel et des possibilités existantes de l'empêcher de se transformer définitivement en instrument "d'edutainment", c'est-à-dire de décervelage incapable même d'apprendre aux enfants à lire, écrire et compter: la réponse pratique viendra assez vite. On verra si la société est capable de faire naître un mouvement s'opposant à cette véritable dégénérescence et si l'administration le tolérera. Quoiqu'il en soit, et l'exemple des progressions en mathématiques suffit
à le prouver, la pédagogie "classique" , bien que possédant un
savoir-faire supérieur en qualité à celle des modernistes, n'a pas pu résister
à la vague du décervelage structuraliste qui n'a pas commencé en 68. Pour qui veut
se poser quelques vraies questions, la pierre de touche n'est donc pas la
critique des modernistes mais la critique de l'impuissance des vaincus, sous
peine de vouloir, au prix d'une perte d'énergie considérable, reconstruire un
système qui a logiquement abouti au désastre actuel.”
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Note
2 - Nous utiliser dans leur propre intérêt… |
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« J’avais tenté dès 2007 de prévenir que nous serions « en permanence dans une position difficile » vis-à-vis du ministère et des politiques qui n’auraient de cesse de « nous utiliser dans leur propre intérêt ». Hélas, je n’ai pas eu grand succès ». [PartII.]. |
Une citation plus complète datant d’une AG de 2007 dans laquelle j’essayais de poser le problème autrement qu’en disant « le pouvoir est intéressé par nos positions »: « Nous sommes et serons en permanence dans une position difficile : le ministère et les politiques essaieront de nous utiliser dans leur propre intérêt même s’il ne coïncide pas avec celui de SLECC et du GRIP et ils y arriveront en partie : c’est à nous de le prévoir systématiquement et de faire ce qu’il faut pour en minimiser les conséquences. »
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«Le premier [désaccord au sein du GRIP] renvoie à la
problématique du libéralisme et de l’étatisme.
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Dans ou hors de l'Education nationale ? On en trouve une forme parfaitement explicitée dans un mail du GRIP de janvier dernier : Date: Fri, 29 Jan 2010
15:17:37 +0100
From: Michel Delord Subject: Re: [GRIP: 1387] Travailler partout ? […]
a) Je voudrais dire, comme je suis à l'origine de ce débat, que LA POSITION QUE JE DEMANDE POUR LE GRIP ( je n'ai pas dit que c'était ma position), c'est-à-dire travail dans et hors de l’Education nationale, est une position de principe et qu'elle vise -à ne bloquer aucune possibilité
de travail pour le GRIP, que ce soit à l' extérieur ou à l'intérieur de
l'éducation nationale -à ce que le GRIP ne passe ni pour un appendice du marché ni pour un appendice de l’état ou du gouvernement . Je n'en ai jamais demandé plus. b) Elle s'oppose non pas à une vision de l’esprit mais précisément à celle formulée par Muriel Strupiechonski [membre du bureau et du CA du GRIP, MD] , qui est elle aussi une position de principe, qui est la seule à l’avoir formulée ainsi et contre laquelle personne, à part moi, n'est intervenu : [From: Muriel Strupiechonski Subject: [GRIP: 546] Re: Re : [GRIP: 541] Re: Une école Hors Contrat Slecc !!! Date: Wed, 9 Dec 2009 21:36:25 +0100 Il nous faut donc vraiment un texte clair publié qui ne permet pas de laisser une ambigüité sur notre objectif : notre travail dans l'éducation nationale (avec les écoles sous contrat) mais en aucun cas avec d'autres écoles [Souligné par moi, MD]. Si certains récupèrent ou utilisent notre sigle, on ne peut pas les en empêcher mais il faut qu'on publie que ce n'est pas avec notre accord et qu'on ne travaille pas avec eux. Muriel] position exprimée après la mienne qui date du CA de septembre, position qui dit
explicitement que le GRIP ne doit travailler qu'à l'intérieur de l'Education
nationale et qui considère cet argument comme fondamental. Michel Delord
La position de Muriel sera reprise par la majorité du GRIP.
Retour à la table des matièresOn peut donc constater qu'il y là a une divergence précise sur une question de fond entre mes positions et celles du GRIP. Il y en a d'autres - voir ma profession de foi - mais celle-ci montre bien que " la nature exclusivement psycho-pathologique des arguments employés pour demander mon exclusion du GRIP avait surtout comme fonction de masquer des oppositions à certaines de mes idées, auxquelles mes opposants étaient incapables de répondre." Voir aussi ici
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Note
4 - Sans recul |
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Sans aucun recul, c'est-à-dire au cours même de cette réunion avec Xavier Darcos, j’avais demandé que soient « nettement distinguées » les réformes conduites par le pouvoir politique et les expérimentations de type SLECC.[PartII] |
‘Sans recul ’, mais ayant de considérables doutes sur la capacité de l’état et des divers gouvernements y compris celui qui nous invitait à réformer positivement l’école, j’avais explicitement demandé à cette réunion, tout en gardant une forme d'intervention parfaitement conviviale, « - que soient nettement distinguées deux choses qui peuvent certes entretenir des rapports mais sont nullement identiques et peuvent même être contradictoires : d’une part, la réforme générale de l’école conduite par le pouvoir politique et, d’autre part les « réformes » sous forme d’expérimentations qui ont un caractère dérogatoire et, en particulier la réforme représentée par l'expérimentation SLECC. - que, au vu des limitations - possibles et mêmes probables - d’une réforme générale de l’école notées supra, l’expérimentation SLECC soit considérée avant tout comme la mise en place d’un modèle de référence, qui doit perdurer en étant le plus indépendant possible des limitations des pouvoirs politiques et des limitations de l’appareil scolaire, ce qui lui permet de ne pas avoir à essayer de s’adapter au niveau moyen forcément bas de l’école à un moment donné. » Vous pourrez trouver une bonne
partie de cette déclaration dans le texte «Rectificatif au compte-rendu de
Jean-Paul Brighelli »
dans lequel j’avais réagi publiquement sur Bonnet
d’âne contre la transcription de la
réunion qu’avait faite JPB, transcription qui
déformait mes propos et gommait mes critiques par rapport au
gouvernement. Même si Jean-Paul Brighelli a essayé de les faire
disparaitre dans son compte-rendu, j'ai été le seul,
au cours de ces réunions avec Xavier Darcos, à émettre
publiquement des doutes sur la volonté et la capacité du gouvernement à
mener une réforme du primaire. |
Note 5 - Références anti-étatiques |
Hommage à Friderich Engels : Bordel des nationalisations. La nationalisation des bordels est-elle une mesure socialiste ? |
.. Je pensais qu’il ne fallait bloquer aucune possibilité de travail, que ce soit dans ou hors l’éducation nationale.
Comment ? Après tout votre discours sur la « mercantilisation », vous vous retrouvez finalement sur la même ligne que les libéraux qui veulent réhabiliter « l’instruction » dans les écoles hors contrat, donc hors obligation de programmes ! Là, je n’arrive plus à vous suivre… C’est peut-être déroutant, mais beaucoup moins compliqué qu’il n’y paraît. Premier point : l’appartenance au secteur d’Etat n’est pas une garantie contre le mercantilisme. Deuxième point : je suis un défenseur de l’instruction publique… et laïque ! Troisième point : cette instruction publique n’est pas obligatoirement - et même loin de là - une instruction d’Etat. Il y a, sur le plan théorique, des textes très sérieux de Ferdinand Buisson sur le sujet. Va-t-on dire qu’il n’était pas favorable à l’instruction publique ? Et sur le plan pratique, le même Buisson a défendu le pédagogue libertaire Paul Robin et son orphelinat de Cempuis, qui ne dépendait pas de l’État mais d’une collectivité locale. J’ajoute que, s’il faut donner des gages de gauche, ou tout du moins de « non-droite », qu’il n’y a aucun texte de Marx - présenté à gauche comme le plus étatiste des étatistes - qui défende l’école d’Etat. Au contraire tous ses textes y sont opposés. Dans le même ordre d’idées, un congrès de la CGT d’avant la scission de 1921 a condamné à une forte majorité l’enseignement d’Etat. Plus près de nous, je peux me permettre cette question : un enseignant laïque devait-il s’interdire de travailler à l’école privée hors-contrat de Célestin Freinet à St-Paul-de-Vence ? |
a) C’est peut-être déroutant, mais beaucoup moins
compliqué qu’il n’y paraît. La preuve en est que, même à l'époque ou certains ne me voyaient qu'attaquer le "néo-libéralisme" - et j'ai été un des premiers à le faire -, je ne me précipitais pas dans les bras de l'étatisme de la gauche laïque et du PCF puisque je présentais le danger central comme celui d'un "bel avenir cumulant les tares tout à fait compatibles du “public” et du “privé”, celles d’une bureaucratie Bismarckienne et de la main invisible chère à Adam Smith.”( Voir supra) Je n'ai donc pas changé de position. Je pense même de plus en plus que la ligne de démarcation réelle entre partisans de l'instruction publique et ses opposants ne sera pas le clivage public/privé, notamment puisque l'on a pu observer une marchandisation de l'école d'état sans qu'elle passe sous statut juridique privé. Au contraire, pour paraphraser une phrase célébre il est probable que "L'instruction
primaire ne pourra commencer à respirer que lorsque l'on aura pendu le
dernier néo-libéral avec les tripes du dernier étatiste de principe"
b) Il y a, sur le plan théorique, des textes très sérieux de Ferdinand Buisson sur le sujet. Va-t-on dire qu’il n’était pas favorable à l’instruction publique ? Textes en cours de scan, mais les spécialistes les connaissent probablement. En tous cas, il est absurde de prétendre que la défense de l'Instruction publique par Ferdinand Buisson aurait fait de lui, théoriquement et pratiquement, un ennemi de principe des structures qui ne dépendaient pas de l'état national. c) Et sur le plan pratique, le même Buisson a défendu le pédagogue libertaire Paul Robin et son orphelinat de Cempuis, qui ne dépendait pas de l’État mais d’une collectivité locale. On peut consulter ici des extraits de l'article de Maurice Dommanget sur Paul Robin dans Les grands socialistes et l'éducation, Collection U – Armand Colin 1970 . d) J’ajoute que, s’il faut donner des gages de gauche, ou tout du moins de « non-droite », qu’il n’y a aucun texte de Marx - présenté à gauche comme le plus étatiste des étatistes - qui défende l’école d’Etat. Comme il n'y en a pas, je ne peux pas en exhiber. Mais j'encourage à exhiber des textes qui montrent que leur position est cohérente tous ceux qui se réclament de Marx et qui défendent des positions du type Fonds publics, argent public, qui expliquent que l'école d'Etat est meilleure par principe, les défenseurs de la position de membres du GRIP définie ici , et en particulier Guy Morel. e) Au contraire tous [les textes de Marx] y sont opposés. J'ai donné, dés 1998, un ensemble de textes du mouvement ouvrier du XIXe siécle et du début du XXe s'opposant tous à cette conception étatiste de l'école. Les textes de Marx sont les suivants : I ) Karl Marx, La bureaucratie 1844
On les trouve ici ansi que des textes du début du XXe siècle.III ) Karl Marx, Le Salaire 1849 IV) Karl Marx , Ascenseur social ? 1867 V ) Karl Marx, séances des 10 et 17 août 1869 au Conseil général de L'AIT VI ) Karl Marx, Critique du programme de Gotha 1875 Je rajoute ici un extrait de "Socialisme utopique et socialisme scientifique", suffisament clair : Mais
on a vu récemment, depuis que Bismarck s'est lancé dans les
étatisations, apparaître certain faux socialisme qui même, çà et là, a
dégénéré en quelque servilité, et qui proclame socialiste sans autre
forme de procès, toute étatisation, même celle de Bismarck. Évidemment,
si l'étatisation du tabac était socialiste, Napoléon et Metternich
compteraient parmi les fondateurs du socialisme. Si l'État belge, pour
des raisons politiques et financières très terre à terre, a construit
lui-même ses chemins de fer principaux; si Bismarck, sans aucune
nécessité économique, a étatisé les principales lignes de chemins de
fer de la Prusse, simplement pour pouvoir mieux les organiser et les
utiliser en temps de guerre, pour faire des employés de chemins de fer
un bétail électoral au service du gouvernement et surtout pour se
donner une nouvelle source de revenus indépendante des décisions du
Parlement, - ce n'était nullement là des mesures socialistes, directes
ou indirectes, conscientes ou inconscientes. Autrement ce seraient des
institutions socialistes que la Société royale de commerce maritime, la
Manufacture royale de porcelaine et même, dans la troupe, le tailleur
de compagnie, voire l'étatisation proposée avec le plus grand sérieux,
vers les années 30, sous Frédéric-Guillaume III, par un gros malin, -
celle des bordels.
In Friederich Engels, Socialisme utopique et socialisme scientifique, Vers l'élimination du capitaliste individuel, pages 60/61 , Note 1. Le chapitre "Vers l'élimination du capitaliste individuel" est à lire intégralement car il montre justement que l'élimination du capitaliste individuel basé sur la propiété personnelle privée des moyens de production, tout d'abord sous la forme de la Société anonyme puis sous celle de l'étatisation ne supprime en aucun cas le capitalisme et le marché et représente même le passage à une nouvelle forme - supérieure - de ceux-ci. f) Un congrès de la CGT d’avant la scission de 1921 : Extrait du programme de la C.G.T. ( XIVe congrès, sept.1919)
1. Le congrès constate la faillite de la classe bourgeoise en matière d'enseignement. 2. Il déclare périmé le système d'organisation de l'enseignement de la III République, système qui n'a su que substituer au dogme de l'Eglise, celui de l 'Etat et qui s'est préoccupé simplement de maintenir la classe ouvrière sous la tutelle de la classe bourgeoise. PS : Pour montrer le changement fondamental et définitif de politique du PC dans les années 30 * [Voir infra], voici ce qu'écrivait en 1932 André Ferrat dans l'hommage que le PCF rendait à Jules Guesde lors du dixième anniversaire de sa mort : Avec
une vigueur et un talent remarquables il raille la pitoyable théorie «
des services publics » défendue par Brousse, chef des possibilistes, et
selon laquelle les institutions telles que les postes, les routes,
l’éclairage communal, etc., seraient des embryons de socialisme dans le
régime capitaliste. Il ridiculise ce pseudo-socialisme « découvert par Jehovah Joffrin et Moïse Brousse sur le Sinaï de la Butte Montmartre ».
.... Plus tard, Guesde, — reprenant les arguments d’Engels contre certains social-démocrates d’Allemagne qui voyaient du socialisme dans les mesures étatiques de Bismarck — critiquera de façon aiguë les réformistes qui baptisent socialisme la politique capitaliste des monopoles d’État. Il dénonçait un demi-siècle à l’avance la politique de duperie des socialistes actuels qui, comme Blum, — moderne « Jehovah de la butte Montmartre » — présentent la nationalisation des assurances comme « une pierre d’attente de la société future ». Bien sûr quelques années aprés, le PC tournera définitivement le dos à cette position critique de la bureaucratie et reprendra l'identification nationalisation = progrès de l'aile droite du PS, soit républicaine soit des planistes et des néo-socialiste. Cette position restera la sienne - et celle des républicains - non seulement sous Staline mais jusqu'à nos jours. * Qu'on l'approuve ou qu'on ne l'approuve pas, il faudra bien reconnaitre que cette rupture existe. Mais ce sera difficile puisque l'identification du socialisme et des nationalisations est une des base du consensus entre d'un coté le néo-liberalisme et de l'autre le stalinisme et la social-démocratie puisqu'ils définissent eux-mêmes ainsi leurs différences. Si l'antimercantilisme ne se définit plus par l'étatisation, le néo-libéralisme explose. |
Note 6 - Fausse problématique II - Textes de Référence |
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« Ma critique du néolibéralisme et de la mercantilisation de l’enseignement ne me poussait à défendre ni l’État ni la bureaucratie, syndicale en particulier. » [PartI] |
Dés 1998, j'ai publié un dossier intitulé Moderne - Vieux - Science de l'Education - Critique dont la partie intitulée Critique (Documents historiques du mouvement ouvrier en rapport avec l'enseignement)
donnait une bonne partie des références nécessaires pour poser à peu
correctement la critique du PCF et de la bureaucratie. Ce qui était
explicite dans la présentation que je faisais de cette série de textes
en Mai 2009 :
Ces
textes ont été diffusés sur différentes listes entre 1998 et 2000, sans
apparemment attirer l'attention de grand monde. Il s'agissait d'abord
de faire connaître des textes peu connus, oubliés ou inaudibles*
parce qu'incompatibles avec les idées dominantes de ces années, y
compris celles des tendances qui faisaient mine de s'opposer. Il
s'agissait ensuite de montrer par des exemples que des idées
présentées comme fermement établies aussi bien par la 'droite' que par
la 'gauche', aussi bien par les 'pédagogistes' que par les
'antipédagogistes', aussi bien par les 'républicains' que par les
'comunautaristes'... étaient en fait peu fondées
historiquement et servaient de base à la culture du consensus.
Bien que les textes présentent de nombreux exemples de ce types
d'idées**, on peut citer comme exemple les supposées positions
‘étatistes’ attribuées à Marx. Or sa bête noire sera tout au long de sa
vie la bureaucratie - voir les extraits de la ‘Critique de la
philosophie du droit de Hegel’ en 1844- tout autant que la 'servile croyance de la secte lassallienne à l'État' en 1875 et ce encore plus dans le domaine de l’école : ‘Une
« éducation du peuple par l'État » est chose absolument condamnable.
Déterminer par une loi générale les ressources des écoles primaires,
les aptitudes exigées du personnel enseignant, les disciplines
enseignées, etc., et, comme cela se passe aux États-Unis, surveiller, à
l'aide d'inspecteurs d'État, l'exécution de ces prescriptions légales,
c'est absolument autre chose que de faire de l'État l'éducateur du
peuple !’
... ** Mais ce n'est bien sûr pas le seul point figurant dans ces textes dérangeant les acteurs du consensus : on pourra y constater la volte-face historique du PCF et de la FSU sur l'appréciation portée sur 'l'école de Jules Ferry', l'analyse par Marx des examens comme "une formule de franc-maçon, la reconnaissance légale du savoir étatique comme privilège [...] comme lien objectif entre le savoir de la société civile et le savoir de l'État, l'examen, [...] rien d'autre que le baptême bureaucratique de la science, la reconnaissance officielle de la transsubstantiation de la science profane en science sacrée", le lien étroit qu'entretiennent le contenu disciplinaire des réformes des années 1970 avec celui avancé par les "socialiste de la chaire" à la Eugen Dühring... |
Note 7 - Anti-dogmatisme stalinien |
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«
D’autres clivages qui passent aujourd’hui pour fondamentaux sont tout
aussi surfaits, comme celui qui oppose intelligence et mémoire, ou,
comme je l’ai dit plus haut, l’opposition privé/public réduite à
l’appartenance ou non au secteur d’Etat. Au fur et à mesure que ces
fausses oppositions perdront de leur pertinence, il est à parier que
leurs partisans en feront une défense d’autant plus sectaire. » [PartII] |
On
peut même prévoir les arguments de fond qui seront produits pour
défendre au nom de Marx les positions de défense exclusive de l'école
d'État puisque ce sont ceux que le PCF et le stalinisme ont utilisé
pour les justifier à leur naissance, arguments qui s'appuyaient
eux-mêmes sur les positions de la droite socialiste d'avant 1914
(Millerand, Paul-Boncour, Albert Thomas) , puis sur le planisme et
l'extrême droite des néo-socialistes ( notamment l'argumentation
d'Adrien Marquet et Déat).
Mais pour cela il faut revenir sur les caractéristiques fondamentales du stalinisme telles que je les présentais par exemple dans Ecole de la République ? , et en particulier au passage intitulé "Stalinisme et formes de pensée " qui date du 12 mai 2010 (Soit avant mon exclusion) Et
commençons par la fausse définition du stalinisme, celle que donne le
libéralisme qui le considère comme dogmatique, rigide, trop logique,
arc-bouté sur des principes, etc…
Or cette vision du stalinisme est complètement fausse puisque, dans le stalinisme la vérité n’est pas stable mais dépend des variations d’analyse du chef, himalaya de pensée et subtil tacticien du n’importe quoi, qui décide qu’un jour le soleil est bleu et vert le lendemain. Ceci n’est pas une vision de l’esprit puisque le stalinisme historique a d’abord dénoncé l’Amérique comme centre de la ploutocratie mondiale, puis en a fait une puissance démocratique avec qui s’allier, puis à nouveau après 47 une puissance fasciste. Bien sûr les variations du chef n’étaient pas indépendantes des intérêts de l’état russe , mais cela nous intéresse peu ici puisque nous nous intéressons seulement aux formes de la pensée. Donc le stalinisme n’est pas du tout la défense d’une pensée trop rigoureuse et trop logique mais bien plutôt d’une pensée qui « affirme blanc le premier jour, noir le deuxième et tente de démontrer le troisième jour que noir et blanc sont identiques » [Pascal Dupré décrivant Guy Morel, in Message 1211 du GRIP, janvier 2010. Voir Désaccords de fond ou "problèmes de comportement" ? ]. Ceci dit, pour agir, le stalinisme ne peut s’appuyer sur la continuité de la raison et de la théorie et il s’attache donc à une pratique aveugle et, dans la prise de décision, à la surestimation de l’aspect organisationnel, à la surestimation des méthodes contre les contenus. Et c’est là qu’apparaît aussi le rôle central joué non pas par l’avis des membres de l’organisation où par ses membres élus , mais par le secrétaire et en particulier le secrétaire général. Il est aussi vrai qu’il est difficile au secrétaire général d’expliquer les changements permanents aux militants de base ou même aux cadres qui ont quelques intérêts au maintien du système. Même s’ils sont légèrement lobotomisés, certains finissent par se poser quelques questions et deviennent donc imperméables à l’irrationalité du système : dans ce cas le système les déclare irrationnels, fous incompatibles avec le bon fonctionnement de la société. Mais ceci est bien connu. Ceci dit, il n’y a pas de différence de fond entre la défense absolue du marché et le stalinisme : les deux conceptions défendent un absolu, d’un coté la vérité du marché, de l’autre la vérité du secrétaire général. Mais ces deux absolus sont tous les deux absolument relatifs puisque le marché est aussi imprévisible que les variations de positions du secrétaire général. Le
stalinisme n'est donc pas, comme le dit le libéralisme, un dogmatisme
rigide
mais un chantre de
l'antidogmatisme appuyé par un autoritarisme d'autant plus présent
qu'il est à contenu variable. Il est trés proche de l'idéologie
managériale non
seulement par sa surestimation de
l'aspect organisationnel des phénomènes mais aussi parce qu'il est une
théorie de l'innovation permanente*. En
ce sens, ce qui sera probblement reproché à ma publication des
positions
antiétatiques de Marx sur l'école sera tout bêtement ce qui a
déjà été théorisé par Maurice Thorez et Georges Dimitrov dans les
années
30 - et qui est mainteant repris en toute innoccence par
une majorité de courants politiques -, c'est-à-dire qu'il serait
dogmatique de s'en tenir à ces positions de Marx. Et, au nom de
l'efficacité, qu'il ne faut pas avoir de postions dogmatiques pour
pouvoir jouer sur les contradictions de l'adversaire, c'est-à-dire la
jusitification des diverses magouilles. Comme explicité supra
: lorsque l'on change trois fois d'alliance en six
ans en présentant le meilleur allié démocratique comme étant
ensuite le pire des fascistes,on comprend bien que ce soit fait au nom
de l'efficacité antidogmatique, c'est-à-dire le droit de retourner sa
veste en
permanence**.
* Staline aurait très bien pu signer cette phrase de Peter Drucker, concepteur à la fois du Longlife learning et du Knowledge management : “In a fast-changing world,
what worked yesterday probably doesn’t work today. One of the fathers
of modern management theory herein argues that much of what is now
taught and believed about the practice of management is either wrong or
seriously out of date.”
Peter Drucker, Management’s New Paradigms,1998. |
Note 8 - Nature des réformes / Avant l'état providence |
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"La
nature des réformes scolaires n’est pas différente de celle des
réformes générales de la société. Si le réformisme a d’abord été
historiquement un synonyme général de progrès social, il est arrivé un
moment où les partis politiques n’ont plus rien promis de positif pour
ne pas avoir à trahir leurs promesses. Et maintenant, ils proposent -
et appliquent - des réformes dont le contenu est partiellement ou
entièrement régressif. [...] Reste une question : sous la pression des mouvements sociaux, va-t-on voir refleurir dans l’enseignement comme ailleurs, des mouvements politiques qui se comporteront en véritables traîtres, c’est-à-dire qui feront des promesses positives qu’ils ne tiendront pas ?" |
Avant l'état providence
Explicitons un peu cette
position sur la nature des réformes : et comme je
ne lis pas dans le marc de café, c’est dans le passé qu'il faut aller
chercher la partie du futur dont on peut être sûr. Nous avons et nous
aurons toujours sur le dos le fardeau de l’histoire, récente ou
non. Mais tant
que nous ne l’avons pas comprise au moins dans ses grands traits, son
poids nous domine et provoque un syndrome de répétition de négation de la réalité qui, ne peut que s’auto
renforcer.Politiquement, la nature des réformes générales de la société en est donc à sa troisième forme : elles ont d’abord été historiquement, même avec des gros bémols, un synonyme général de progrès social et c’était aussi l’époque où un homme politique de n’importe quel bord n’aurait pas osé, quelle qu’en soit la raison, se présenter à une élection sans profession de foi en appelant simplement à la confiance. Puis est arrivé un moment où les partis politiques n’ont plus rien promis de positif pour ne pas avoir à trahir leurs promesses. Et maintenant, ils proposent - et appliquent - des réformes dont le contenu est partiellement ou entièrement régressif. De plus, ce coup-ci socialement, le futur a de fortes chances d’être directement dans le passé puisque tout le monde le dit y compris M. Benoist Apparu, ministre du gouvernement : les réformes représentent maintenant des régressions et notamment par rapport à l'État-providence. Recul vers une époque pré-Welfare ? Il est donc utile de questionner la nature et les problématiques historiques de ce qui est, par excellence, la période historique à la fois moderne et sans État-providence, c'est-à-dire le XIXème siècle jusqu’à sa fin en 1914. On y trouve les matrices de toutes les problématiques naissantes opposées ou favorables à l’état providentiel moderne et les modes de réaction de l’ensemble du corps social à ce qui est alors une nouveauté. Pour en montrer l'intérêt, je choisis deux exemples pris en Allemagne car ils sont justement incompréhensibles du point de vue "français républicain" qui a de plus beaucoup de mal à envisager que le progrés social puisse avoir une origine chez les Boches : - le Kulturkampf, lutte réactionnaire pour la laïcité, chose impensable en France puisque toute lutte pour la laïcité y est considérée, a priori, comme progressiste et faisant donc partie de la lutte contre la réaction. - la naissance des assurances sociales sous Bismarck, ce qui surprend tout autant le républicain moyen qu'il soit de gauche et au PCF ou de la droite gaulliste, sans parler du chevènementisme puisque l'Etat providence ne peut qu'avoir une origine progressiste ... On pourra aussi savoir par exemple si la gauche – seulement française ? - des années 45-70 a "perdu la bataille de l’école - et du Welfare" - parce qu’elle avait abandonné les principes politiques mis en place à l‘époque du Front populaire et renforcés à la Libération ou, au contraire, parce qu’elle les a appliqué. Nature des réformes actuelles ou de l'utilité des idiots utiles
Si les réformes sont socialement et politiquement régressives, - et nous sommes dans cette situation - et tant
que la politique ne se réduit pas strictement au bâton, les dites normes de la gouvernance
rendent obligatoire pour le pouvoir de présenter les reculs sociaux et
politiques comme des réformes au moins en partie positives. Ce mode de gouvernance est nettement insuffisant s'il n'existe pas des représentants du peuple ou des diverses couches concernées - les idiots utiles, conscients ou inconscients, dont c'est la période de triomphe médiatique - pour présenter ces réformes de manière si ce n'est complètement positives - ils seraient en ce cas inutiles - mais au moins inévitables, point trop négatives c'est-à-dire de toutes les façons négociables. Et dans un deuxième temps - celui où les négociateurs se font conspuer -, passe au premier plan le phénomène que je décris dans l'interview "Sous la pression des mouvements sociaux, va-t-on voir refleurir dans l’enseignement comme ailleurs, des mouvements politiques qui se comporteront en véritables traîtres, c’est-à-dire qui feront des promesses positives qu’ils ne tiendront pas ?", Il est possible de prévoir aussi que, au moment où les négociateurs ont perdu leurs crédits, ils essaient de se racheter en prenant des positions velléitaires extrêmes, ce qui a été le cas des déçus du socialisme et encore plus celui des déçus du sarkozysme. |