Coup d'oeil rapide sur PISA 2013,
dans l’attente d’un article plus complet sur PISA, sa genèse et son utilité.
Michel Delord, 17 décembre 2013
27 février 2014 - Lire la mise à jour, complétée et augmentée "Vaccination contre le PISA-Choc" présentation et commentaires sur Mediapart .
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A- Quelques mots sur les évaluations en général - Extraits de « De la zizanie chez les antipédagos », interview 2010 par Luc Cédelle.
[J’ai rajouté quelques compléments qui ne changent pas le sens initial comme on peut le vérifier en consultant l’original]
Michel Delord : Et surtout, ces
nouveaux programmes [de 2007] allaient être publiés dans un contexte
national et international d'évaluationnite aiguë, d'ailleurs justifiée
par le mouvement antipédagogiste qui s'appuyait sur une analyse de part
en part fausse : si l'on obtient la liberté de l'enseignement, on doit
avoir un contrôle des résultats.
Luc Cédelle :Je vous trouve
osé, là... Dès qu'il est question d'évaluation, vous dégainez le
concept d'évaluationnite ! Vous voudriez que les enseignants fassent ce
qu'ils veulent comme ils le veulent et quand ils le veulent ? Avec
l'argent de l'État et sans jamais de comptes à rendre sur leurs
résultats ? Dans ces conditions, effectivement, il n'y aurait plus que
le marché comme arbitre...
MD : La question de
l'évaluation est au croisement de la liberté pédagogique, du rôle des
programmes et de ce que l'on appelle maintenant les modes de
gouvernance... Elle est centrale, très complexe et très mal abordée.
Ce que l'on appelle depuis une trentaine d'années « l'évaluation »
recouvre en gros toutes les méthodes de contrôle de fonctionnement du
système scolaire, en particulier du niveau des élèves, basées
principalement sur des tests et utilisant le plus souvent un fort
appareillage statistique, censé donner un caractère scientifique à la
chose.
Ces méthodes représentent l'extension des formes mercantiles, et des
formes mercantiles de gestion, c'est-à-dire en gros du management, à
l'enseignement. Un aspect *aujourd'hui* central à Bercy et dans tous
les rectorats est la nouvelle gouvernance de l'appareil scolaire,
centrée sur la gestion des flux d'élèves, considérant par exemple le
redoublement sous sa « *dimension économique tout d'abord* [...], sa dimension pédagogique ensuite » [in Principes de la planification de l’éducation, Réduire les redoublements : problèmes et stratégie, Étude de l’UNESCO, 1998, ].
Lorsque je dis *aujourd’hui*,
je veux dire depuis les années 60. C’est à ce moment que les
planificateurs de l’école - la gaulliste/PCF *ardente obligation du
plan* s’appliquait aussi à l’école- sont affolés par l’Explosion scolaire
selon le titre du best-seller de l’époque, c'est-à-dire par le coût
engendré par l’augmentation du nombre d'élèves à scolariser (notamment
génération des baby-boomers et augmentation de la scolarité à 16
ans).
Et les technocrates, pour utiliser le terme d’époque, essaient donc de
trouver tous les moyens pour que les élèves en scolarité
obligatoire la parcourent le plus rapidement possible : cela va de la
condamnation du redoublement -et la subvention des études sociologiques
qui justifient cette condamnation- à la mise en place de tests
dont le but essentiel est d’enlever à l’enseignant tout pouvoir
d’appréciation sur le niveau des élèves.
Petite remarque sur le redoublement. Entendons-nous bien : le
redoublement n’est pas une solution idéale. Mais ce que proposent les
diverses autorités académiques pour qu’il n’y ait pas de redoublements
- et ce depuis trente ans - est une panoplie de solutions
toyotistes « zéro défaut » qui sont en fait pires que le
redoublement. Et l’administration n’a d’ailleurs organisé aucune étude
comparative entre les efficacités pédagogiques respectives du
redoublement et des autres solutions : c’est compréhensible
puisque elle a atteint son objectif lorsqu’elle est arrivé à empêcher
le redoublement.
Cette conception managériale n'est pas éloignée de deux autres
conceptions, défendue notamment en leur temps par Xavier Darcos, Marc
le Bris et Jean-Paul Brighelli. Celle qui pose le problème en termes de
deal entre l'octroi de la liberté pédagogique
et « l'obligation de résultats ». Et l'autre, complémentaire, qui
confond l'appréciation de la valeur du système scolaire et
l'appréciation du travail d'un maître.
Cette dernière se passait sous la forme d'inspections dont le contenu
consistait avant-guerre non pas à construire son avis exclusivement à
partir de la leçon du jour - c'est ce qui est fait aujourd'hui et c'est
cela qui mérite d'être taxé de ringardise - mais notamment à poser aux
élèves des questions permettant de savoir ce qu'ils avaient retenu des
leçons des mois précédents.
Il n'est nullement question que les enseignants fassent « ce qu'ils
veulent... » car ils doivent suivre les programmes . La liberté
pédagogique ne signifie pas l'autorisation de faire n'importe quoi et
s'exerce dans le cadre des programmes, à condition qu'ils soient
cohérents et riches. Ce qui signifie bien que le refus d’appliquer de
mauvais programmes ne ressort pas de la liberté pédagogique.
Mais se réclamer de la liberté pédagogique devient effectivement n'importe quoi lorsque
-les programmes sont de piètre qualité. C’est le cas en primaire depuis 45 ans,
-l'enseignant n'a pas une formation disciplinaire
suffisante. La DEPP le reconnait maintenant : après 1986, les
performances en calcul des élèves sortant de l’école primaire se sont
effondrées pendant une douzaine d’années - le terme effondré
n’est pas de moi - , et est resté depuis à ce bas niveau. Il serait
alors audacieux de prétendre que le niveau des enseignants qui étaient
élèves pendant cette période de baisse généralisée n’a pas lui-même
baissé.
-l’enseignant est en face d’élèves qui,
majoritairement ne possèdent pas les prérequis nécessaires pour
assimiler ce que l'on est censé leur apprendre : c’est le cas,
principalement sous l’effet de la chasse au gaspi du redoublement.
Je n'ai pas la prétention de convaincre qui que ce soit en quelques
mots sur un sujet aussi fondamental. Cependant une remarque : l'école
primaire jusqu'aux années 50 en France, n'organisait ni tests, ni
évaluations au sens où cela est entendu maintenant. Il serait peut-être
judicieux de comprendre comment elle procédait.
[...]
LE FOND DU PROBLÈME EST QUE LA MISE EN PLACE DES "SYSTÈMES D'ÉVALUATIONS", QUE CE SOIT LE SIMMS, TIMMS, PISA, PIRLS OU LES ÉVALUATIONS NATIONALES DE LA DEPP A EU COMME OBJECTIF ET COMME RÉSULTAT DE DÉPOSSÉDER LES INSTITUTEURS QUI, NE L'OUBLIONS PAS, ÉTAIENT LES SEULS À RÉELLEMENT CONNAÎTRE LEURS CLASSES, DE TOUT POUVOIR SUR LES ORIENTATIONS DE LEURS ÉLÈVES.
C'EST DONC UNE RÉFORME QUI - CONTRAIREMENT AUX AFFIRMATIONS DE CEUX QUI SE PLAIGNENT DE L’IMPOSSIBILITÉ DE RÉFORMER L’ÉDUCATION NATIONALE - A ATTEINT GLOBALEMENT SES OBJECTIFS.
Attention : ce disant, je ne mets pas, par exemple, sur le même plan le
TIMMS qui tente de saisir un niveau mathématique, et PISA, qui ne tente
même pas de le faire.
* *
*
B- PISA ne teste pas les mathématiques
On peut donc avoir un certain nombre de doutes sur la valeur de la
majorité des « tests de niveau » et pas seulement ceux de PISA. Et même
si on peut en utiliser certains aspects, c’est à condition d’être
extrêmement circonspect. Je suis donc partisan de la prudence a priori pour l’interprétation des résultats de ces tests. Ceci dit venons en à PISA et aux mathématiques.
PISA ne teste en aucun cas des mathématiques. Avec l’aide notamment de Klaus Hoechsmann,
qui fut le conseiller scientifique de Ivan Illich, j'ai développé cette
analyse en détails en montrant que les tests type PISA faisaient partie
d’une longue tradition historique beaucoup plus que centenaire de
tentative de réduction de l’instrution à l’enseignement des
compétences. Ceci se passait dans une réunion organisée par la
Société Mathématique de France et sa correspondante finlandaise en
octobre 2005 juste au moment du 1er PISA, triomphe de la Finlande.
Toutes les interventions à ce colloque sont ici et vous pouvez lire la
traduction française de la mienne "Programmes de mathématiques de la
scolarité obligatoire - Quelques conceptions historiques"
J'y explique - preuves à l'appui et ça n’a jamais été contesté - que la
"culture mathématique" testée par PISA n'a pas grand chose à voir avec
les mathématiques puisque en sont absents "algèbre, calcul littéral,
raisonnement déductif, trigonométrie (angles) et objets géométriques".
C’est la DEPP qui le disait en 2005 sous la forme suivante :
"Cependant,
ce découpage par contenus de la Culture mathématique ne couvre pas
entièrement l'ensemble des mathématiques enseignées en France. Certains
domaines en particulier, considérés en France comme essentiels dans
l'apprentissage des mathématiques, et inscrits dans les directives
pédagogiques, en sont absents : algèbre, calcul littéral, raisonnement
déductif, trigonométrie (angles) et objets géométriques."
On sent bien ici la volonté bureaucratique d’œcuménisme
malpropre de la
DEPP qui ne tient pas à se brouiller avec PISA et l’OCDE, ce qui la
pousse
à affirmer ce qui est quand même
une grande découverte conceptuelle : i) le contenu des mathématiques
dépend fondamentalement du pays dans lequel on se trouve et ii) il y
aurait donc, par exemple, des pays où les mathématiques se font "sans
raisonnement déductif".
Autrement dit, ce qui est testé par PISA n’est pas "des mathématiques",
les mathématiques étant au minimum une conception organisée de la
pensée, mais
quelques ersatz transformant au mieux les mathématiques en « un
tas » comme le disait
Lebesgue critiquant le bachotage.
Et en ce sens
- PISA ne teste donc pas des maths
- Les variations de niveau repérées par PISA n’ont strictement aucun
sens par rapport aux mathématiques : on peut avoir un progrès en
mathématiques et une baisse de l’évaluation PISA, ou le contraire ou
toute autre combinaison.
- A moins de prouver expressément le contraire, il n’y a
pas un intérêt majeur - je n’ai pas dit que ça n’avait aucun
intérêt - à essayer de savoir ce que teste précisément PISA sous le nom
de « culture mathématique » puisque l’on sait que ce ne sont pas des
mathématiques et qu’en fait, c’est le niveau en mathématiques qui est
intéressant. Pour ceux qui sont intéressés par le sujet, il existe une
critique intéressante de la notion de « culture mathématique
estampillée PISA », c’est celle du mathématicien britannique Tony
Gardiner - élu en 2011 à la commission éducation de la LMS -London Mathematical Society - dans son article de 2003 « What is mathematical literacy ? »
Ce qui était assez plaisant à l'époque de la réunion franco-finlandaise
était ce que m’avait dit un des mathématiciens finlandais, je crois
qu’il s’agissait de G. Malaty* :
" Vous
avez de la chance, vous, vous n'êtes pas premier à PISA. Nos étudiants
à l'Université ont un niveau particulièrement faible et qui continue à
chuter mais ce constat est encore plus inaudible en Finlande
depuis qu’on est premier à PISA »
Je pense que l’on pourrait dire exactement la même chose sur la partie
« maîtrise de la langue » de PISA que ce qui est dit plus haut des
mathématiques : ce que teste PISA est strictement « la langue de la com
» et non tout ce qui pourrait se rapprocher de ce que l’on pourrait
appeler un niveau élémentaire de connaissance académique (ou
disciplinaire ou universitaire) de la langue**. Mais il faut dire que
ce que l’on peut caractériser de disciplinaire, académique ou
universitaire n’est pas tout à fait à la mode…[Voir infra]
*[Rectificatif MD, 11 décembre]. En fait c'était probablement
Olli Martio comme on peut le comprendre en lisant le texte de 2005 : "Severe shortcomings in Finnish mathematics skills"
**
Ceci rappelle furieusement ce que disait Henri Poincaré à propos de
l’apprentissage des langues étrangères au début du XXème siècle.
"La méthode directe nous apprend de
l'allemand tout ce qu'en savent les Allemands sans aller à l'école, et
cela n'est certes pas à dédaigner; combien d'entre nous, ayant
imprudemment passé la frontière, ont à rougir de leur ignorance devant
les garçons de café. L'allemand d'un garçon de café, ce serait déjà une
conquête ; mais le français des garçons de café, c'est peut-être un peu
maigre "
in
Henri Poincaré, La science et les humanités, 1911,
* *
*
C- Compétences et connaissances
i) Et propter vitam, vivendi perdere causas. J’ai parlé de compétences/ connaissances. Je tiens tout d’abord
à préciser une chose. Un certain nombre de défenseurs - honteux ? - des
socles et autres compétences, jurent leur grands dieux que c’est leur
faire un bien mauvais procès que de prétendre qu’ils ont opposé
compétences et connaissances au profit des compétences et que tout au
contraire ils n’ont jamais diminué l’importance des connaissances. On
peut montrer que les susdits défenseurs des compétences ont précisément
fait le contraire : on peut le montrer, malgré toutes les précautions
oratoires prises, pour la commission Kahane et je le ferai
ultérieurement. Mais on va le voir sur un exemple simple, celui
de la position commune défendue d'une part par le recteur Philippe
Joutard, président de la commission Joutard qui a écrit les programmes
primaires de 2002, et d'autre part par Claude Thélot -
responsable de la DEPP et de la commission du Grand Débat de 2003/2004.
On trouve cette position dans un livre qu'ils ont co-écrit « Réussir l’école », écrit en 1999 et publié en 2000, livre qui est leur programme commun.
On peut donc y lire - le texte est cité beaucoup plus complètement dans "Pour vivre, perdre la raison de vivre" (Michel Delord ,2003) -
«
Que l'enseignement d'une discipline trouve une justification non en
elle-même mais dans les compétences et comportements que les élèves
peuvent acquérir à travers elle, est éclatant dans le cas des sciences…
L'enseignement scientifique, dès lors qu'il est fondé sur l'observation
et l'expérience et qu'il n'est pas réduit à des mathématiques au
tableau noir, permet cette expérience [du monde réel] ».
Non pas « le » mais « un
» des problèmes est que si l’on néglige « les mathématiques au tableau
noir », il ne reste plus grand-chose des mathématiques. Je renvoie donc
les amateurs des programmes de 2002 qui se prétendent ennemi de la
réduction de l’enseignement aux compétences à une relecture attentive
des dits programmes et au complément à ce texte écrit en 2003 signalé supra.
ii) La corde des druides et le théorème de Pythagore. Pour montrer ce qui distingue compétences et connaissance, prenons en un exemple.
- Il existe d'une part ce que l'on appelle "3-4-5" ou "Le théorème du maçon" et qui était déjà utilisé par les égyptiens sous le nom de corde à 13 noeuds et au moyen-âge sous le nom de Corde des Druides.
Pour tracer un angle droit au sol, un maçon trace approximativement un
angle droit puis porte une longueur de 3 mètres sur un coté et de
4 mètres sur l'autre : il mesure la distance entre les deux points
donnés et s'il trouve 5 mètres l'angle est droit. Excellent procédé qui
permet de vérifier, à un epsilon près, qu'un angle est droit ou de
tracer un angle droit dans de multiples situations. Mais ce procédé -
qui est une compétence puisqu'elle permet de faire - atteint ses
limites lorsque par exemple on ne peut plus manipiuler parce que les
distances sont très grandes ou très petites. Le théoréme du maçon
permet, en considérant que la multiplication des cotés d'un triangle
par le même nombre conserve la mesure des angles, de montrer qu'un
triangle de cotés 6-8-10 ou 9-12-15, etc. est un triangle rectangle.
Mais il ne permettra en aucun cas de montrer qu'un triangle dont les
cotés mesurent 13 m, 12 m et 5 m est exactement un triangle
rectangle. D'autre part, à part l'expérience, rien de l'ordre du
rationnel ne permet de comprendre pourquoi cette méthodemarche.
- Il existe d'autre part le théorème de Pythagore qui dit - en simplifiant à l'extrême
- que si le carré du plus grand coté d'un triangle est égal à la somme
des carrés de ses autres cotés, ce triangle est rectangle. Il permet
d'expliquer pourquoi le théorème du maçon marche ( car 3² +4²
=9+16=25=5²) mais il permet également de montrer que que le triangle
13-12-5 est est rectangle ( car 13² =12²+5²) .
La différence entre le théorème de Pythagore et le "théorème du maçon"
est donc d'abord que le théorème de Pythagore permet de justifier le
théorème du maçon mais pas l'inverse et donc qu'il s'agit d'un outil
plus puissant et donc obligatoirement plus abstrait au sens où il a un
domaine d'action plus étendu. Mais la différence principale est que le
théorème de Pythagore est un théorème, c'est-à-dire qu'on le démontre
et qu'il est donc lié à d'autres "idées" alors que le "théorème du
maçon" n'est justement pas un théorème parce qu'il ne se démontre
pas et ne fait donc pas partie d'un système de pensée logiquement
organisé.
iii) Gramsci, Mussolini et l'instruction. Si Il faut également revenir un petit peu en arrière vers le début du XXème
siècle pour faire remarquer que ce n’est pas la « gauche historique »
qui s’est déclarée favorable aux compétences contre les connaissances
et aux écoles professionnelles contre les « écoles formatrices, non
immédiatement intéressées » mais bien au contraire la droite et en
particulier la droite la plus musclée : voir comment Antonio
Gramsci défend les connaissances et la culture classique contre
Gentile, le ministre de l’éducation de Mussolini et comment Pétain
explique que les programmes du primaire sont trop « encyclopédiques » .
En particulier voir : Michel Delord, Note à propos du texte de Gramsci sur la grammaire, 2005
Regardons a contrario ce que Gramsci disait de l’évolution de l’école dans les années 20, cité intégralement dans "Programmes de mathématiques de la
scolarité obligatoire - Quelques conceptions historiques":
«
Les écoles professionnelles, c'est-à-dire préoccupées de
satisfaire des intérêts pratiques immédiats, prennent l'avantage sur
l'école formatrice, non immédiatement intéressée. L'aspect le plus
paradoxal de cette situation, c'est que ce nouveau type d'école paraît
démocratique et est prôné comme tel, alors qu'il est au contraire
destiné non seulement à perpétuer les différences sociales, mais à les
cristalliser comme le ferait une bureaucratie céleste à la chinoise. »
iv) "La
réduction de la formation professionnelle à une formation sur le tas,
amorcée pour le travail ouvrier est susceptible d'extension à d'autres
secteurs " (VIIIème plan,1980) Il y a donc une vieille
tendance permanente et plus que
centenaire à l’utilitarisme, au centrage de l’école sur la formation
professionnelle et donc à la mise au premier plan des compétences
contre les connaissances. Ce qui peut être nouveau depuis les années
50/60 : d'un coté, les entreprises françaises ont pensé à faire
passer le coût de la formation professionnelle à la charge de l'état -
ils veulent embaucher des individus prêts au travail - en la faisant
prendre en charge par l’éducation nationale; et de l'autre coté, les
syndicats concernés se sont dépêchés d’encourager et d’accepter la
chose parce que ça leur faisait plus d’adhérents, de cotisations et
d’importance politico-sociale. Or - vite dit, on pourra préciser
ensuite - l’Éducation nationale n’est capable de réaliser une
formation professionnelle efficace que pour les secteurs à emploi
dévalorisés et notamment ceux de la production de masse qui justement
... ne demandent pas de formation professionnelle qui peut se faire «
sur le tas » ; ceci est maintenant également vrai pour des professions
pensées à l'origine comme intellectuelles puisque l'emploi de
l'ordinateur a automatisé le travail intellectuel comme la
machine-outil avait mécanisé le travail manuel.
C'est ce que prévoyaient déjà pour la France il ya plus de trente
ans les travaux préparatoires du VIIIème plan qui étendaient même explicitement cette notion à d’autres secteurs que le travail ouvrier « Ces considérations amorcées à propos du travail ouvrier - réduction de la formation à une formation sur le tas, MD - sont susceptibles d'extension aux autres professions. » Mais
l’éducation nationale est incapable, par exemple, d'organiser une
formation professionnelle pour des secteurs qui nécessitent un fort
investissement matériel et là où ‘les processus sont flexibles’ (Si une
entreprise ne sait pas comment se fera sa production dans trois ans, on
se demande comment l’EN le saurait). Ceci n'est pas une analyse du
problème mais une sensibilisation à l'existence de deux questions que l'on ne pose
plus explicitement :
- Dans quelle mesure l'éducation nationale est-elle capable de prendre en charge la formation professionnelle ?
- Dans quelle mesure est-ce souhaitable ?
D) Coup d’œil sur les robinets qui fuient …
Maths modernes
Puisqu’il va être questions des maths modernes et pour réduire - mais
surement pas supprimer- le nombre d’incompréhensions possibles, je
donne quelques précisions.
Lorsque l’on parle d’une partie des « maths modernes » comme « la
théorie des ensembles », on ne peut en faire une condamnation globale
car on ne peut avoir le même avis sur la proposition de l’enseigner en
CP, en primaire où en maitrise de mathématiques. Or s’il est tout à
fait souhaitable de l’enseigner en maitrise de mathématiques, il est
tout à fait impossible de le faire en primaire : c’est pourtant ce
qu’ont proposé et fait les partisans des maths modernes. Autrement dit,
si une partie des contenus de la réforme des maths modernes pouvait
avoir une application positive à partir du lycée, son application
notamment en primaire était une catastrophe. Or on peut constater que
c’est « le monde à l’envers » puisque
- d’une part un certain nombre de problématiques issues des maths
modernes pour le primaire - c'est-à-dire à l’endroit où elles
sont le plus nocives - se sont maintenues notamment par
l'intermédiaire de psychologues ou des théoriciens de la didactique des
mathématiques qui se réclament ouvertement des maths modernes -
Rémi Brissiaud - et en sont le plus souvent issus comme par
exemple Guy Brousseau ou Yves Chevallard. On peut citer comme exemple
de la permanence des idées des maths modernes
l’abandon de l’enseignement des quatre opérations en CP qui date des
programmes de maths modernes en 1970 et qui est toujours en vigueur, y
compris avec les programmes de 2008.
- d’autre part ce qui était positif et qui faisant partie du programme du lycée a été abandonné.
Ceci dit, les partisans des maths modernes ont critiqué l’école
précédente - dite de Jules Ferry - comme utilitariste et
mécaniste, ce qui est en partie vrai mais pas au sens de la
critique qui était faite. Et une des cibles privilégiées de cette fausse critique était le problème d’arithmétique,
c'est-à-dire les problèmes de robinets qui fuient, de trains qui se
croisent… Les réformistes, pétant plus haut que leurs culs et prétendant enseigner la mathématique axiomatique en CP - ce sont les termes de la fondamentale Charte de Chambéry de l'APMEP de janvier 68 - reprochaient aux problème d'arithmétique d'être des
"problèmes pratiques », des problèmes de la « vie courante ». Or
n’importe qui peut constater que n’importe quel problème de trains qui
se croisent ou de robinets qui fuit n’est pas un « problème pratique »,
encore moins un « problème de la vie courante ».
Savoir combien de
temps il faut à une petite pelleteuse pour creuser une tranchée si une
grosse pelleteuse met 5 heures et si les deux mettent ensemble 3 heures
est un « problème d’arithmétique » dont l'enseignement ne peut qu'être recommandé. Mais c’est un problème qui ne se
présente jamais « dans la vie courante » : c’est un problème
intéressant à de multiples points de vue, que ce soit pour montrer
qu’il se résout entièrement de tête et sans prendre un crayon - ni une
machine - ** soit pour simplement répondre à l’objection qui est toujours faite « On ne peut pas le savoir car on ne connait pas les dimensions de la tranchée ».
Mais quel que soit le point de vue
auquel on se place, la caractéristique positive du "vieux problème
d'arithmétique", qui n'a donc pas à être réaliste, est que l’élève est
censé connaitre la - ou les - propriété(s) mathématique(s) sur
lesquelles il se base.
Or aussi bien les partisans des maths modernes que les partisans de
la « tradition » considéraient tous que les problèmes d’arithmétiques
étaient des « problèmes pratiques », les uns pour dire qu’il ne fallait
plus en faire et les autres prétendant qu’il fallait en faire justement
pour cette raison. Et c’est bien là une des sources de la disparition
des problèmes d’arithmétique dont l'enseignement est extrêmement important justement
parce que ce ne sont pas des problèmes de la vie courante. Les
partisans des maths modernes ont certes œuvré directement à cette
disparition mais la position des défenseurs des problèmes d'arithmétique comme "problèmes pratiques et concrets" les
ont bien aidés justement parce qu’ils les comprenaient, les
enseignaient et les défendaient comme des problèmes « concrets », comme
des « problèmes pratiques », comme des « problèmes de la vie
courante », ce qui leur faisaient perdre toute valeur puisque la
tendance était alors à les enseigner hors des soubassements mathématiques
auxquels ils correspondaient.
C’est toujours la même analyse stupide qui est dominante aujourd’hui
et, après les maths modernes en primaire qui ont été critiquées parce
qu’elles étaient ‘trop abstraites’ - fausse critique s’il en est-,
on
est donc revenu à la mise en avant des « problèmes concrets », à la
formation quasi exclusive à des supposées "maths appliquées" et à
la volonté que le système produise des élèves qui ont des connaissances
« qui leur permettent de trouver du travail et qui leur servent dans le
vie professionnelle ». Cette conception de l'école - partagée au moins par de nombreux utilisateurs que sont les parents - renforce bien sûr la
position patronale qui veut se défausser du coût de la formation
professionnelle ; affirmant cela, je ne critique pas, bien sûr,
l’industriel qui constate que son employé ne sait pas faire un texte de
dix lignes sans quinze fautes d’orthographe, ne sait pas faire une
division ou prend sa calculette pour diviser 3 par 0,5 car ce ne sont
justement pas des connaissances relevant de la formation
professionnelle, mais de la formation académique au Savoir Lire Ecrire
Compter Calculer, qui conditionne la possibilité d'existence d'une formation professionnelle quelle qu'elle soit.
Mais il faut observer ce que veut dire « proposer des problèmes de la vie réelle dans le cadre scolaire
». Soit ce sont de « vrais problèmes de la vie réelle » et en ce cas,
ils sont beaucoup trop compliqués (notamment par l’abondance de
paramètres) pour être résolus autre part que dans le cadre dans lequel
ils se posent réellement, c'est-à-dire pas dans le cadre scolaire. Soit
il s’agit de « faux vrais problèmes réels » qui sont complètement
stupides comme problèmes de la vie réelle - qui voudrait embaucher le menuisier PISA du paragraphe suivant ? – et qui de toutes les façons perdent leur caractère instructif car ils coupent le problème posé de ses fondements mathématiques.
*
Voici les termes exacts de la charte de l'APMEP : "
Que
l’enseignement des mathématiques soit analysé dans son contenu, dans sa
forme pédagogique, ou dans son rôle social ou économique, il est
certainement très remarquable que les conclusions soient
convergentes ; ce qu’on appelle un peu vite la mathématique
moderne, ce qu’il conviendrait mieux d’appeler la conception
constructive, axiomatique, structurelle des mathématiques, fruit de
l’évolution des idées, s’adapte « comme un gant » nous
permettrons-nous de dire, à la formation de la jeunesse de notre temps.
Il est important que tous les citoyens et en premier lieu tous les
éducateurs en comprennent bien les raisons et dans quelle voie
favorable cela conduit l’enseignement... La mathématique est une science vivante :
le foisonnement des découvertes s’y conjugue avec une réorganisation de
son architecture ; les notions ensemblistes acquises à la fin de
XIXe siècle, la notion de structure qui sert d’armature à l’oeuvre de
Bourbaki peuvent être comparées, quant à leurs effets, au rôle
qu’aurait un urbaniste disposant de crédits pour supprimer les
bidonvilles.
"
** La grosse pelleteuse creuse 1/5 de la
tranchée en 1 heure. Les deux ensemble creusent 1/3 de la
tranchée en 1 heure. La petite creuse donc 1/3 – 1/5 en 1 heure,
c'est-à-dire 5/15 – 3/15 = 2/15 d’heure. Elle creuse donc la tranchée -
puisque la durée du travail et la quantité de travail sont inverses
l’un de l’autre - en 15/2 heures, c'est-à-dire 7 heures et demi.
E) La vie selon PISA
Les extraordinaires aventures du menuisier PISA et du fermier PISA
Voyons quelle est la sorte la sorte de mathématiques testée par PISA, le tout expliqué par PISA
« L’enquête PISA vise à évaluer
dans quelle mesure les jeunes adultes de 15 ans, c’est-à-dire des
élèves en fin d’obligation scolaire, sont préparés à relever les défis
de la société de la connaissance. L’évaluation est prospective, dans le
sens où elle porte sur l’aptitude des jeunes à exploiter leurs savoirs
et savoir-faire pour faire face aux défis de la vie réelle et qu’elle
ne cherche pas à déterminer dans quelle mesure les élèves ont assimilé
une matière spécifique du programme d’enseignement. Cette orientation
reflète l’évolution des finalités et des objectifs des programmes
scolaires : l’important est d’amener les élèves à utiliser ce qu’ils
ont appris à l’école, et pas seulement à le reproduire. »
On est donc bien, avec PISA et selon ce qu’en disent ses concepteurs, dans l’évaluation de « l’aptitude des jeunes à exploiter leurs savoirs et savoir-faire pour faire face aux défis de la vie réelle ». On va vérifier une fois de plus ce que représente la volonté d’avoir, comme le disait Antonio Gramsci des « écoles professionnelles, c'est-à-dire préoccupées de satisfaire des intérêts pratiques immédiats ».
Prenons un exemple - tiré du 1er PISA et mis en avant par les organisateurs de PISA eux-mêmes - , celui des étagères :
Il s’agit donc d’un problème dit de « vie réelle ».
On va donc voir ce qu’est un « menuisier PISA ».
Passons sur le fait que l’on ne voit pas très bien pourquoi le
menuisier a « en stock » des planches qui font pile la bonne dimension
; un menuisier normal a en stock des planches de longueur standard
(1m, 1,20 m, 2,40m…) qu’il ne découpe à dimension que pour
fabrication. On peut dire que le menuisier PISA n’est pas un bon
menuisier puisqu’il a un stock de planches découpées qui l’encombrent
depuis un certain temps dans son atelier, qui représentent du capital
immobilisé et qui sont un stock avec lequel - au vu de la question
- il ne sait même pas combien il peut faire d’étagères. Le
menuisier PISA est donc nul en gestion de stock. Rappelons aussi le
sommet d’imbécillité du problème : le menuisier PISA n’a ni 509
vis ni 511 vis : IL A 510 VIS !
Il les a donc comptées une par une puisque pour des grandes
quantités on achète les vis et pointes au poids et pas à l’unité. On a
donc un autre renseignement sur le menuisier PISA : il n’a pas beaucoup
de travail puisqu’il a eu le temps de compter 510 vis.
Mais là n’est pas le plus important.
Intéressons-nous à un vrai menuisier, il ne stocke pas des planches
prédécoupées, il ne compte pas les vis, il ne fait pas des étagères
pour le plaisir. Il les fait pour les vendre et, en ce cas, il ne part
pas de son stock pour se demander combien il va pouvoir faire
d’étagères. Il a, par exemple, une commande de 50 étagères et il
sait qu’il lui faudra donc 200 planches longues, 300 planches courtes,
600 petites équerres, 100 grandes équerres et 700 vis. Il calepine un
petit peu puisqu’il ne commande surement ni des planches courtes ni des
planches longues car les planches pré-coupées sont excessivement chères
... et sont commandées exclusivement par ceux qui ne sont pas menuisiers.
Il calcule donc le nombre des planches standard nécessaire et passe
commande. C’est fini, il se met au travail. Et il ne se pose pas la
question PISA « Combien d’étagères complètes le menuisier peut-il construire ? » car, justement, le nombre d’étagères n’est pas pour lui la réponse à une question mais une donnée de départ.
Donc le problème de la « vie réelle » du menuiser PISA n’existe pas … pour un menuisier.
Supposons, par pure mansuétude pour les rédacteurs de l’item, que ce
problème ait un sens et qu’un menuisier - un vrai - veuille le
résoudre. Je passe sur le fait que ledit menuisier range mal son
atelier et qu’il a de l’argent dormant sous forme d’un stock inutile.
Supposons donc qu’il ait effectivement un stock de planches longues, de
planches courtes, de grandes équerres, de petites équerres et de vis et
qu’il veuille en faire des étagères du modèle donné. Vous avez remarqué
que je ne donne aucun nombre de planches, de vis, d’équerres, etc… car
le menuisier n’a aucun intérêt, dans ce cas, à faire des calculs qui
représentent exclusivement une perte de temps. Il prend ce qu’il lui
faut pour faire une étagère et il la fait. Et il recommence l’opération
jusqu’à ce qu’il lui manque quelque chose pour faire l’étagère
suivante. Il compte alors les étagères déjà faites et répond ainsi à la
question PISA : Combien d’étagères complètes le menuisier peut-il
construire ?
On voit donc que ce problème ne représente en aucun cas ce qu’il est censé représenter pour PISA, « l’aptitude des jeunes à exploiter leurs savoirs et savoir-faire pour faire face aux défis de la vie réelle ».
Et
n'oublions pas que PISA est un organisme dépendant de l'OCDE
"Organisation de Coopération et de Développement Économiques" :
son appui au menuisier PISA semble indiquer une étrange conception du
développement économique, celle que nous connaissons bien et qui fait
que le management et la gouvernance tant à l'honneur peuvent devenir
des obstacles à la réalisation du profit industriel.
Ajoutons une précaution : puisque les responsables de PISA se montrent
extrêmement attentifs aux injustices et autres inégalités et handicaps,
ils doivent, pour les enfants de menuisiers, compter
toute réponse comme une réponse juste à cet item: connaissant un
peu le métier, les enfants de menuisier sont en effet incapables de
produire une bonne réponse modèle PISA.
On peut montrer exactement les mêmes tendances pour tous les items de PISA.
Prenons en un autre exemple pour monter un autre aspect de la tromperie
de PISA sur la marchandise, c'est-à-dire un exemple dans lequel
PISA annonce quelque chose qu’elle ne fait pas. Pour satisfaire son
obsession à ne pas traiter de questions scolaires, et ce dans des tests censés
évaluer la qualité des systèmes scolaires!!, PISA annonce : «
L’important est d’amener les élèves à utiliser ce qu’ils ont appris à
l’école, et pas seulement à le reproduire ». Mais ceci devient en fait
l’occasion pour les élèves d’inventer des procédures bancales non
généralisables dont ils n’ont pas appris le fondement mathématique à
l’école. Pour comprendre ce qu’il en est, prenons l’exemple d’un autre
test - également mis en avant par PISA pour son exemplarité -
celui du paysan PISA - test qui vaut bien celui du menuisier PISA.
Le paysan PISA
A suivre
F- Conclusions provisoires et immédiates : poursuite de la grande manip de la refondation?
Résultats
de la France aux tests PISA 2003/2012
|
|
Mathématiques
|
Compréhension de l’écrit
|
Sciences
|
2012
|
495
|
505
|
499
|
2009
|
497
|
496
|
498
|
2006
|
496
|
488
|
495
|
2003
|
511
|
496
|
511
|
Différence
2009 / 2012
|
- 0,4%
|
+1,8%
|
+0,2%
|
Différence 2006/2012
|
- 0,2%
|
+3,5%
|
+0,8%
|
Différence 2003/2012
|
-3,2 %
|
+1,8%
|
-
2,3%
|
Le
cœur du problème est celui-ci : cette régression serait plus acceptable
si elle ne s'accompagnait pas d'un accroissement des inégalités.
Vous trouverez le nom de l'auteur de cette pensée éminemment
égalitaire et démocratique à la fin du paragraphe. Je voudrais simplement faire
remarquer - sans avoir le temps de développer mais il est cependant
indispensable d'attirer l'attention sur le sujet - que, à mon
sens, nous vivons majoritairement dans un « système de pensée
numérologique », c'est-à-dire dans lequel domine une tendance
scientiste à voir derrière tout discours incluant des nombres une
possibilité d’interprétation du monde. Or on peut constater
que si l’on ajoute +deux+ liquides, on trouve en général +un+ liquide
et donc qu’en ce cas 1+1=1. Et cette numérologie ambiante se manifeste
d'autant plus lorsqu'il est question de statistiques qui est le nouveau
Dieu auquel on doit donc croire. Donc, si je peux m'exprimer ainsi, "je
ne crois pas à PISA" pour les raisons exprimées plus haut. Mais "pour
aider les croyants à ne plus croire", on peut faire les remarques suivantes :
- Enquête PISA : PISA 2012
aborde trois sujets : les mathématiques (test majeur cette année), la
compréhension de l'écrit et les sciences. Les résultats de PISA 2012
montrent que, par rapport aux derniers tests, ceux de 2009, les résultats en compréhension de l'écrit [+1,8%]et en science [+0,2%] sont
en hausse mais de manière non statistiquement significatives. Toujours
pr rapport à 2009, la baisse de niveau repérée pour les mathématiques
[-0,4%] est également non significative. Si l'on compare les résultats
en mathématiques entre 2003 et 2012, on a une baisse qui fait passer de
l'indice 511 en 2003 à
l'indice 495 pour PISA 2012, c'est-à-dire en gros une baisse 16/511,
soit à peu prés 3% en 9 ans. Mais cette baisse de 16 points, minime
donc et à la limite du significatif qui est ici de 3 ou 4% - un ancien
responsable PISA explique même que; si l'on avait fait repasser les
mêmes tests aux même élèves le jour suivant les résultats pouvaient
être inversés -, correspond à une baisse de 14 points entre 2003 et
2006, soit une
baisse de 2 points de 2006 à 2012, soit une baisse très faible pour la
période complète et non significative pour la période 2006 jusqu'à
maintenant.
- Baisse de niveau en calcul 1986 -2012 : Là, nous n'avons pas une baisse non significative mais au contraire ce que Rémi Brissiaud appelle un EFFONDREMENT des performances des élèves en calcul de 1986 à 1999, les performances restant en gros stables à ce bas niveau depuis cette date. Et Rémi Brissiaud précise "Parler
d' « effondrement » ne relève en rien d'une rhétorique catastrophiste :
entre 1987 et 1999, la moyenne des performances des élèves de CM2 a
baissé de 66% de l'écart-type initial ! Or, il est légitime de
s'inquiéter à partir de 20% et, dans d'autres enquêtes du même type,
une année d'apprentissage correspond à environ 50%. Ainsi, c'est plus
d'une année d'apprentissage que les élèves de CM2 ont perdu entre 1987
et 1999. "
Or on constate
- que Vincent Peillon - son staff, ses spin doctors,ses conseillers syndicaux -
- ne mentionne même pas la baisse catastrophique et massive existante en calcul, connue depuis maintenant plusieurs années
- mais parle de "résultats inacceptables "pour
PISA, alors que la baisse enregistrée est faible et inexistante depuis
plus de 6 ans ; il ne s'agit pas d'une erreur d'interprétation des
résultats de PISA puisqu'il prépare très tôt le terrain : dès le 10 octobre il déclare au Grand Journal de Canal+ « Vous allez voir en décembre la nouvelle étude PISA. La France décroche totalement », ce qui est complètement faux; dès le 16 novembre, il continue à faire monter la pression en déclarant « Nous sommes sous le choc Pisa, pour l'instant, et ça va être encore pire » : il s'agit donc bien d'une volonté de manipulation suivant un "véritable plan de com".
- s'intéresse principalement au
caractère inégalitaire de PISA qu'il présente comme question
fondamentale alors que la baisse, réelle cette fois, des
capacités en calcul des élèves de 1986 à nos jours est, elle,
particulièrement ... démocratique puisque, comme le note Rémi Brissiaud
dans l'interview déjà cité " [Cet effondrement des performances] s’effectue
dans les mêmes proportions chez les enfants de chômeurs, d’ouvriers
agricoles… que chez ceux d’ingénieurs, de professions intellectuelles… »
- que l'ensemble de la presse et des médias a oublié
apparemment depuis bien longtemps son role d'investigation puisqu'ils
reprennent en général sans sourciller les analyses du staff Peillon - à
moins que
ce soit le contraire : quoi qu'il en soit il y a une forte convergence
de vue entre le pouvoir et les médias- , les plus critiques remarquant
certes que le ministre exagère mais ne se posant pas la question du
pourquoi de cette action.
On peut en déduire plusieurs choses et essayer de comprendre les
"intentions du ministre", une fois que l'on a compris qu'il est bien
clair que Vincent Peillon, son successeur et ses prédécesseurs ne
s'intéressent que très peu aux "performances des élèves sur les
fondamentaux".
Mais dans l'immédiat - et bien que la compréhension des
objectifs du ministère et de la stratégie qu'il compte employer soit
fondamentale - je me bornerai, en renvoyant cependant à mon texte en cours sur la refondation, à une seule remarque : l'attitude
du ministre qui consiste à focaliser l'attention sur une fausse baisse pour se désintéresser de la baisse réelle des
performances des élèves au nom de la lutte contre les inégalités est un
grand classique du groupe de pression composé de tous ceux qui ont
inspiré des programmes déplorables et des progressions irréalisables.
On comprend bien que tant que l'on se focalise sur l'inégalité des
résultats, ça
permet d'éviter la question, délicate pour eux, de la baisse de niveau
de tous.
On peut rajouter que l'idée que la baisse de niveau générale n'est pas
importante tant qu'elle se fait démocratiquement n'est pas
nouvelle et qu'elle n'est pas seulement de gauche puisque
Xavier Darcos déclarait le 7 decembre 2002 dans le Figaro Magazine :
Nos
vétilleuses injonctions grammaticales leur paraissent d'une étroitesse
un peu dérisoire. Faut-il s'accoutumer à l'idée que nos élèves
maîtrisent moins bien la lecture et le calcul que leurs aînés de 1920 ?
Et ne remontons pas si loin: à l'entrée en 6 e , en 2001, ils étaient
deux fois plus nombreux qu'en 1992 à manquer de ces mêmes bases. Sans
nous résigner à ce recul, nous savons que tel fut le prix à payer de la
massification de l'enseignement, authentique progrès que l'on doit à
l'engagement de la nation et de ses professeurs. Le
cœur du problème est celui-ci: cette régression serait plus acceptable
si elle ne s'accompagnait pas d'un accroissement des inégalités.
De toutes les façons, j'ai eu une vaccination très précoce contre la
mise en avant de l'argument démocratique de la lutte contre les
inégalités pour refuser toute critique du contenu enseigné et
même - aussi stupide soit-il-pour le justifier
: lorsque l'on essayait de montrer en 1970 / 1975 aux membres de
l'APMEP et aux divers partisans de Piaget et des maths modernes que
l'idée de rendre la rédaction des leçons et des problèmes la plus
formaliste possible était une aberration, on se faisait aussitôt
accuser méchamment et avec mépris au minimum de défendre les
inégalités sociales - si ce n'est d'être en général un suppôt de la
réaction- car le vocabulaire formaliste des maths modernes était
démocratique tandis que le français - surtout écrit - était élitiste.
Michel Delord, 17 décembre 2013
A suivre