Je ne réponds pas dans
l’immédiat à l’ensemble des problèmes importants soulevés par ce court
dialogue ; mais j’y reviendrai pour tenter d’éviter pour les prochaines
élections - j’ai donc un peu de temps - les aventures à la
Jean-Paul Brighelli / Marc le Bris des dernières élections, et
des précédentes d’ailleurs.
Donc deux simples remarques en guise de Table des matières :
*
* *
I) Avoir l’oreille du ministre est dangereux …
Citation :
«
Que s'est-il passé …, pour que des gens …. qui avaient plus ou moins
l'oreille de Darcos, se soient trouvés complètement évincés au point
que la Sarkozie ne profère plus que des conneries à la mode ? »
Mais qui croit que le fait que « Darcos ait donné son oreille » est contradictoire avec un autre fait « La Sarkozie profère des conneries à la mode » ?
L’objectif de cette partie du texte,
en fait relativement trivial au sens mathématique, est de montrer
qu’il n’y a pas, loin de là, d’oppositions entre ces deux attitudes de
la Sarkozie et qu’elles sont même complémentaires.
A) Prenons au sérieux l’affirmation de Jean-Paul Brighelli :
Il y aurait donc eu une lutte entre un camp « des hommes de culture », c'est-à-dire Xavier Darcos et « certains de ses conseillers » et de l’autre « les sarkozystes pur jus, qui sont une bande d'ignares comme vous ne pouvez pas même l'imaginer ».
Bon ; oublions, car c’est réellement secondaire, que Jean-Paul Brighelli a appelé à voter pour « une bande d’ignares » et en particulier pour leur chef et que Xavier Darcos l’a félicité pour ce choix courageux lors du discours de remise de sa rosette .
B) Essayons d’échapper à la niaiserie moyenne des représentants du corps enseignant
Pour analyser un peu plus précisément toute cette problématique qui
mêle l’action des ministres de l’éducation, la perception qu’en ont les
enseignants… , il faudrait déjà essayer d’échapper à la niaiserie
moyenne des représentants du corps enseignant qui estime que, aussitôt
qu’on lui fait une flatterie et qu’on le consulte, il s’agit d’estime
et qui pique ensuite des colères aussi violentes que sans suite
lorsqu’on le traite un peu méchamment ou simplement avec dédain.
C’est bien ce que l’on a vu
sous Claude Allègre. Le corps enseignant a été traité par le ministre
pour ce qu’il est dans une société qui méprise profondément la culture
et la connaissance - c'est-à-dire entre pas grand-chose et moins que
rien. Les enseignants, vexés, ont réagi parce que le ministre les
maltraitait mais il ont été incapables de dépasser ce stade puisqu’ils
ne sont pas opposés à la réforme de l’enseignement mais ont au
contraire demandé la démission d’Allègre au moment où le PS comprenait
bien que le maintien d’Allègre devenait un obstacle à la réforme que
lui - le PS -, avec l’accord du RPR, tentait de mettre en place.
En ce sens le mot d’ordre « Allègre démission
» - avancé également par tous par les antipédagos - était bien une aide
à la mise en place de la réforme Allègre. Et débarrassé du méchant
Allègre, les enseignants récupérèrent l’onctueux Jack Lang qui continua
la même réforme mais avec civilité. Et qui, dans ces conditions,
n’eut pas d’obstacles majeurs venant de la part du corps enseignant.
On peut en déduire une chose : si on met un peu vaseline, l’enseignant y croit.
JPB a montré ses capacités à
appliquer la vaseline de droite pour nous appeler à voter Sarkozy et
nous expliquer avec le plus grand sérieux possible que demain, ça
pouvait être « L’an 01 » 1 2 3 4 et aussi ma réaction – plus que très mesurée et je regrette maintenant de ne pas avoir été plus offensif - aux déformations que JPB fait subir aux déclarations que j’avais faite lors de ces réunions.
C) Prenons un peu de recul et voyons quelques traits permanents de la Vème République
1) A tout seigneur tout honneur : de Gaulle
Il arrive au pouvoir
soutenu par les colons en Algérie en leur disant explicitement «
Je vous ai compris ». Il est également soutenu par les paysans
français ( vielle veine catholique, poids du CNIP puis du CNI).
Pour l’Algérie : le vieux
nationalisme gaulliste sentait un danger dans le cas de mise en place
d’un statut démocratique de l’Algérie sans indépendance, celui de
l’envahissement de la France par les algériens. La « bonne solution »
était donc de donner l’indépendance à l’Algérie, seule issue pour que
les algériens n’aient pas la nationalité française puisqu’ils auraient
la nationalité algérienne. C’est extrêmement clair dans sa fameuse
déclaration - Mon village ne s’appellerait plus Colombey-les-Deux-Eglises, mais Colombey-les-Deux-Mosquées ! - rapportée par Alain Peyrefitte, déclaration [Note 1] dont il n’y a aucune raison de contester la validité.
Donc après ses « Vive l’Algérie française » et « Je vous ai compris », de Gaulle propose l’autodétermination.
Quant aux paysans, ils sont au début tout à fait favorables à de Gaulle et le divorce ne commence à apparaître qu’en 1963 / 64 [Note 2] .
Donc ceux qui font a priori
confiance en de Gaulle, et ont DONC son oreille, sont les porte paroles
de ceux qui en seront les principales victimes.
Youpi.
2) Passons à l’autre grand président : François Mitterrand.
Quelle est la couche sociale
qui le soutient et dont les représentants auront l’oreille du
président? Salariés, ouvriers, classes moyennes, profs.
Et qui arrive à stopper la
croissance de la part salariale dans les profits, à inverser cette «
tendance néfaste depuis 68 » : Mitterrand.
Qui développe le « néolibéralisme » ? Mitterrand.
Même leçon : ceux qui font a
priori confiance en Mitterrand, et ont DONC son oreille*, sont les
porte paroles de ceux qui en seront les principales victimes.
Et les enseignants en
soutenant massivement Mitterand feront ainsi la preuve non seulement de
leur naïveté, ce qui ne serait rien mais ils font aussi la preuve
qu’ils sont capables de soutenir massivement des mesures socialement
négatives.
Ils méritent donc bien la confiance que les divers gouvernements leur font pour éduquer la jeunesse.
*Et pas le contraire:
les gros niais
- ou des plus subtils - qui font confiance à un homme politique ont son
oreille parce qu’ils sont des gros niais, des profiteurs et /ou des
avaleurs de couleuvre.
3) Et finissons par Nicolas Sarkozy et Xavier Darcos
Dans les circonstances
entourant l’élection présidentielle, il fallait donc comme ministre un
personnage pour représenter les instructionnistes et les enseignants «
revenus de la gauche » qu’il fallait ‘au moins’ - et donc beaucoup plus si possible
- convaincre d’avoir une attitude neutre par rapport à la politique
scolaire de Nicolas Sarkozy. Xavier Darcos convenait très bien puisque
c’était un humaniste, qu’il connaissait bien l’appareil scolaire, etc…
C’est évidemment une personne cultivée, mais de Gaulle l’était aussi
et, dans le domaine scolaire, il a explicitement défendu, comme tout le
monde à l’époque, l’allègement des programmes du primaire (lien).
Mais, comme la base se méfie quand même un peu, il ne suffisait pas d’un ministre avenant, il fallait des idiots utiles [Note 3]
ayant une certaine influence sur les instructionnistes pour
pouvoir prétendre « avoir l’oreille du ministre » et expliquer qu’il
fallait avoir toute confiance en Nicolas Sarkozy et ses différents
ministres de l’éducation et en particulier Xavier Darcos.
Le principal idiot non seulement utile mais indispensable dans la « phase Darcos » fut Jean-Paul Brighelli.
Et pour s’en convaincre il suffit de mettre en perspective sa déclaration rapportée en début de texte.
Alors qu’en France depuis au
moins 30 ans, le niveau d’instruction baisse quels que soient les
ministres ou les majorités au pouvoir, que le problème n’est pas
national mais quasi mondial, qu’il s’agit donc de ce que l’appelle au
moins un « problème de structure » et d’une structure à fort effet
inertiel, Jean-Paul Brighelli, reproduisant les thèses des manuels
d’histoire de la IIIeme République ou de l’Eglise dans lesquelles
l’histoire est faite exclusivement par les grands hommes, nous explique
savamment qu’il s’agit essentiellement … de questions personnelles
: Ca tient à Darcos lui-même ou … à son épouse.
Citation plus complète du reportage de Jean-Paul Brighelli dans le magazine Nous deux :
Je
crois que ça a tenu à Darcos lui-même - et peut-être à son épouse… -
qui a cru pouvoir tenir la balance entre les sarkozystes pur jus, qui
sont une bande d'ignares comme vous ne pouvez pas même l'imaginer, et
des conseillers (réguliers ou occasionnels) qui étaient des hommes de
culture. Parce qu'il s'est cru, à un certain moment, premierministrable
- c'était invraisemblable, vu le gouffre culturel entre lui et le petit
Nicolas.
Et il ne s’agit pas ici d’une
attaque contre la personne de JPB mais, et ce n’est pas une formule
politesse, contre les idées qu’il défend. Et je m’en explique :
JPB théorise à partir de ses relations et connaissances - dont je ne nie pas qu’elles soient nombreuses et « bien placées » - pour en déduire la vérité qui serait donc ainsi la parole des élites qui veulent bien s’entretenir avec lui.
Il serait moins susceptible d’être un idiot utile s’il s’intéressait à deux aspects complémentaires de l’histoire
-son côté pratique
: l’histoire éminemment répétitive de ceux qui avaient eu précédemment
non seulement l’oreille des ministres mais aussi celles des présidents
- son côté théorique
: la nature et la forme des « réformes possibles » dans le contexte des
vingt/trente dernières années telles que je les définis par exemple
dans la Note 8 de « Pour mettre les points sur les i »,
«
Si les réformes sont socialement et politiquement régressives [et je
pense que l’on peut constater que c’est majoritairement vrai sur les
trente dernières années. MD, 1/1/2011] , et tant que la politique ne se
réduit pas strictement au bâton, les normes de la gouvernance rendent
obligatoire pour le pouvoir de présenter les reculs sociaux et
politiques comme des réformes au moine en partie positives.
Ce
mode de gouvernance est nettement insuffisant s'il n'existe pas des
représentants du peuple ou des diverses couches concernées - les
idiots utiles dont c'est la période de triomphe - pour présenter ces
réformes de manière si ce n'est complètement positives - ils seraient
en ce cas inutiles - mais au moins inévitables, point trop
négatives c'est-à-dire de toutes les façons négociables. »
Et Jean-Paul Brighelli suit exactement la trajectoire décrite dans le même texte :
«
Il est possible de prévoir aussi que, au moment où les négociateurs ont
perdu leurs crédits, ils essaient de se racheter en prenant des
positions velléitaires extrêmes, ce qui a été le cas des déçus du
socialisme et encore plus celui des déçus du sarkozysme. »
Et vous pouvez consulter,
pour vous convaincre de cette métamorphose de l’idiot utile qui passe
du suivisme le plus absolu aux positions « velléitaires extrêmes » de
déçu du sarkozysme, le texte de Jean-Paul Brighelli « À vendre : Éducation nationale, mauvais état, mais fort potentiel », paru sur ‘La lettre du lundi’ du samedi 16 octobre 2010 .
On se demande simplement
comment quelqu’un qui pensait il y a deux ans que nous étions à la
veille d’un possible changement radical du système scolaire s’appuyant
sur le sarkozisme (Série L’an 01), nous explique maintenant avec autant
d’aplomb que plus rien n’est possible … à cause du sarkozisme, surtout
lorsque l’on a défendu auparavant - légèrement certes car ce n’est pas porteur lorsque l’on vise les éphémères cénacles politiques
– l’idée que les réformes scolaires, positives ou négatives, ont
des effets qui ne se mesurent ni au trimestre ni à l’année mais sur des
délais d’ordre trentenaire car une réforme pédagogique ne prend toute
sa valeur qu’une fois que les enseignants en place ont été formés par
des enseignants qui ne savaient plus enseigner comme on le faisait
avant la réforme.
Et on se le demande surtout si l’on pense qu’une des vertus
essentielles à enseigner est la cohérence, comme le soulignait déjà la
pétition contre les programmes de 2002 dont le titre était
Cabanac, le 18 janvier 2011
Michel Delord
Notes de la partie I
[Note 1]
Citation :
« Il
ne faut pas se payer de mots! disait le Général. C’est très bien
qu’il y ait des Français jaunes, des Français noirs, des Français
bruns. Ils montrent que la France est ouverte à toutes les races et
qu’elle a une vocation universelle. Mais à condition qu’ils restent une
petite minorité. Sinon, la France ne serait plus la France. Nous sommes
quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture
grecque et latine et de religion chrétienne. (…) Les Arabes sont des
Arabes, les Français sont des Français. Vous croyez que le corps
français peut absorber dix millions de musulmans, qui demain seront
vingt millions et après-demain quarante ? Si nous faisions
l’intégration, si tous les Arabes et Berbères d’Algérie étaient
considérés comme Français, comment les empêcherait-on de venir
s’installer en métropole, alors que le niveau de vie y est tellement
plus élevé ? Mon village ne s’appellerait plus
Colombey-les-Deux-Eglises, mais Colombey-les-Deux-Mosquées ! »
Cité par Alain Peyrefitte dans C’était de Gaulle, Quarto Gallimard, p.66.
Et si l’on veut plus de détails, lire le compte-rendu du livre de Benjamin Stora dans le Figaro du 27/08/2009
«
Parce qu'il a été en butte aux attentats de l'OAS, certains ont fait de
De Gaulle un champion du tiers-mondisme. Si, au fil des événements, de
Gaulle a choisi l’option de l’indépendance, c’est d’abord parce qu’il
voulait enraciner la France dans l’Europe en la dégageant du fardeau
colonial. Surtout, de Gaulle ne crut jamais en la possibilité
d’intégrer les masses musulmanes algériennes à la République. « Il
a sur l’Islam le regard d’un homme pour qui l’histoire de la nation
française est le produit de la civilisation chrétienne. La civilisation
musulmane lui apparaît comme un corps étranger, inassimilable ».
Paul-François Paoli, Le malentendu algérien, Le Figaro, 28 août 2009
[Note 2] Voir, par exemple Yves Tavernier, Les aspects permanents de la crise paysanne en 1964, Économie rurale, Année 1964, Volume 62, pp. 5-10.
[Note 3] Eric Zemmour a de même très bien montré que Henri Guaino – qui n’a su quoi répondre – était bien l’idiot utile d’Alain Minc.
On peut lire sur un autre blog** l’analyse suivante d’un internaute qui signe baloo3004, analyse qui montre bien le degré zéro de la compréhension politique :
«
Quand l'on sait les combats que Guaino a mené contre l'Europe, qu'il
ait travaillé avec des personnalités comme Seguin et que l'on peut lui
prêter une certaine proximité intellectuelle avec des hommes politiques
comme Chevenement ou Dupont-Aignan, on se demande bien si Henry Guaino
est véritablement à sa place... »
Et bien oui, il est exactement à sa place.
*
* *
II) … surtout si ce n’est pas le ministre *
*qui était peut-être Raymond la Science.
Donc Jean-Paul Brighelli était en contact avec Mr Xavier Darcos.
Et alors ?
Car la question est : qui était le ministre, je veux dire celui qui prenait les décisions ?
La question se pose
effectivement pas seulement pour le ministre de l’Éducation mais pour
tous les ministres. Il y a eu en effet un net progrès depuis l’époque
de de Gaulle où la catégorie Godillot incluait surtout la catégorie Députés UDR tandis qu’elle recouvre maintenant la catégorie Ministres puisque, encore plus qu’avant, tout se décide à l’Elysée. Ou hors de l’Élysée mais ceci n'est pas la question du jour.
Une preuve : même François Chérèque le dit à propos des rapports « hiérarchiques » entre Xavier Darcos, alors ministre du travail, et Raymond Soubie :
Journaliste : Pour
un leader syndical comme vous quelle est la voie la plus efficace pour
vous faire entendre, c’est un rendez-vous avec le ministre Xavier
Darcos ou un entretien avec Raymond Soubie ?
François Chérèque: Vous
êtes fin ça m’a pas échappé, j’ai écouté l’émission. Deux fois il
[Bernard Thibault, MD] a dit : Je parle sous la responsabilité de M.
Soubie. C’est bizarre pour un leader syndical au lieu d’avoir un
rendez-vous, on en a deux.
Journaliste : C'’est-à-dire
que vous avez dit il y a un ministre, deux ministres , trois
ministres, vous les avez cité … mais il y a toujours un
Soubie.
François Chérèque : Oui mais bon voilà c’est comme ça on s’adapte. Donc on va voir M. Soubie, et on va voir Monsieur Darcos mais on a le sentiment que ce n’est pas toujours le ministre qui décide.
Journaliste : C’est pas toujours le ministre, c’est donc çà l’Élysée que ça se passe.
François Chérèque : Il le dit lui-même.
En fait François Chérèque joue les étonnés alors qu’il sait très bien et depuis longtemps de quoi il retourne [Voir Le deal CGT / Soubie ]
Revenons à M. Soubie dont
j’ai toujours trouvé qu’il était un personnage important et même
central. J’avais même essayé – sans succès dans le milieu républicain, et pour cause
- d’attirer l’attention sur son rôle dès 2003 en demandant à
Gilles Barbaste la possibilité de publier immédiatement sur mon site
son étude parue dans le Monde diplomatique « Dans les coulisses du gouvernement français » et en montrant, dans « Déconcentralisation », l’importance du personnage dans la genèse de la mise en place de la décentralisation .
Et, comme j'avais suivi l’importance du personnage depuis une dizaine d’année, ,j’ai essayé plus récemment en mars 2010 d’attirer l’attention du GRIP justement sur l’importance de M. Soubie.
Gilbert Molinier ayant signalé l’importance d’un article de l’IFRAP sur le statut des fonctionnaires, j’avais complété son message par le message suivant - *la phrase en gras italiques* l'est dans l’original -
De Michel Delord <micheldelordster@gmail.com>
A griprog@googlegroups.com
Date 1 mars 2010 09:21
Objet Re: [GRIP: 1801] statut des fonctionnaires
Tant qu'à faire lire ceci où l'on retrouve la Fondapol et l'inévitable Fourgous et cela qui désamorce sur le Figaro les bombes que l'IFRAP met en place par ailleurs.
Je dis plus haut "inévitable JPF" car je signalais en 2003 dans l'article "Déconcentralisation"
, fait pour un journaliste du Monde Diplo, la présence de JM Fourgous
dans le dédale de la grosse dizaine de lobbies regroupant "droite et
gauche" qui "gouvernent la France" en me centrant sur Raymond Soubie,
ce qui n'a pas été un mauvais choix, au vu de l'importance actuelle du
personnage qui est maintenant l'éminence grise de l'Elysée.
*Il
n'est pas utile de se vanter sur Internet des connaissances que l'on a
de ces réseaux même si c'est indispensable à connaître pour intervenir intelligemment au niveau des divers cabinets.*
Michel Delord
Si l'on a beaucoup d'articles sur Guaino pour attirer le chaland , on en trouve très peu sur Raymond Soubie d'où l'importance de celui, récent, du Figaro.
D'autre
part pour mettre en partie à jour - le reste demanderait de longues
explications - le réseau de liaisons que je donnais
en 2003 , lire cet article de Mediapart.
Et aussi ,ce qui n'est pas sans importance, la mise en avant voulue des bisbilles Guaino / Soubie en décembre dernier.
Ceci dit qu’en est-il de l’influence de Raymond Soubie depuis qu’il est à l’Elysée en 2007 ?
Dans son article «Raymond Soubie, le pacificateur » du Figaro du 12 février 2010 , Carl Meeus nous dit :
«Le
soleil ne se couche jamais sur son empire», s'amuse un ministre.
Raymond Soubie a en effet la haute main sur les Affaires sociales
(ministère de Xavier Darcos), la Santé (celui de Roselyne Bachelot), le
Travail (Laurent Wauquiez), l'Industrie (Christian Estrosi) et
l'Education nationale (Luc Chatel) !
Et il n’est pas question de lui désobéir :
Christian
Estrosi et Xavier Darcos savent à qui ils doivent d'avoir été félicités
par Nicolas Sarkozy en plein Conseil des ministres. Raymond Soubie
avait vanté devant lui leurs mérites quelque temps auparavant.
«Ceux qui sous-estiment son
rôle ont tout faux», prend soin de préciser un dirigeant de l'UMP. Il
faut dire que l'attitude de Raymond Soubie a de quoi déconcerter ceux
qui tentent de cerner la réalité de son influence. Préférant l'ombre à
la lumière, il ne s'attache ni aux honneurs ni aux signes extérieurs du
pouvoir. Il ne faut pas compter sur lui non plus pour les dîners en
ville ou les grandes sorties médiatiques. «Des grands chefs
d'entreprise ont essayé de le contourner et s'en mordent les doigts»,
assure un ancien ministre.
Xavier Darcos a rapidement
compris qu'il n'échapperait pas non plus à l'influence de Raymond
Soubie. A 62 ans, fort de ses réformes à l'Education nationale, Xavier
Darcos pouvait revendiquer une certaine autonomie dans la gestion de
ses dossiers. D'ailleurs, dès son arrivée Rue de Grenelle, il monte
seul au front sur le travail du dimanche et prend des contacts avec les
interlocuteurs traditionnels du ministère. Le ministre, fidèle à ses
habitudes, envoie ses notes à l'Elysée via Claude Guéant. Jusqu'au coup
de téléphone de Raymond Soubie : «Pour toute correspondance, il faut
passer exclusivement par moi» ! Le message est clair. Le ministre a
compris. Il arrivera quand même à sauver la tête de son directeur de
cabinet, Philippe Court, que le conseiller avait réclamée pour prix de
cette tentative de rébellion !
Et début 2009, c'est-à-dire l’an 01 selon le calendrier brighellien, «
Raymond Soubie, le conseiller social de Nicolas Sarkozy, devient le
principal actionnaire d'une agence de presse spécialisée sur
l'actualité sociale », l’AEF, l’agence de presse dédiée à
l’éducation. C’est ce que l’on lit dans l’article de David Servenay
publié dans Rue 89 le 18février 2009, article intitulé « Quand le conseiller social de Sarkozy retourne à la presse »
Les syndicats et le Medef du même avis : pas de commentaires
« Nous ne ferons aucun commentaire. »
Au bout du fil, le communicant de Force ouvrière est visiblement gêné
par le sujet. Raymond Soubie a toujours été proche de FO et FO a besoin
de l'Agence Emploi Formation (AEF), principale lettre professionnelle
sur l'enseignement, la formation professionnelle, les politiques de
l'emploi et la protection sociale. Idem pour le Medef… Fait rare en ces
temps de crise, le sujet fait l'unanimité chez les partenaires sociaux.
L'AEF ? Une agence de presse
inconnue du grand public, mais qui pèse lourd chez les décideurs.
Fondée en 1998 par un ancien prof de lettres, Pascal Bouchard, et un
journaliste d'Europe 1, Marc Guiraud, elle est devenue une entreprise
prospère, dont l'info est distribuée sur Internet et uniquement sur
abonnement. Avec plus de 50 journalistes, elle fournit, selon un
communiqué, « l'information utile en temps utile, produite par des journalistes experts, réactifs et neutres ».
Fin janvier, la holding
familiale du conseiller social de Nicolas Sarkozy est donc montée de 20
à 70% dans le capital de Groupe AEF. Toute son équipe vient de
débarquer dans les bureaux pour « accompagner le développement d'un groupe de presse ».
Son épouse ? « Pas de conflit d'intérêt »
En 2005, les fondateurs (70%
du capital) invitent Raymond Soubie au capital d'AEF. L'ancien patron
du groupe Altedia vient de faire fortune en revendant son groupe à
Adecco. Il prend 20% du capital. Ensemble, le nouveau pacte
d'actionnaires monte un LBO, financé par le Crédit du Nord. Un montage
qui leur permet de faire la culbute, tout en finançant le développement.
« En trois ans, tout a été remboursé, assure Philippe Kienast, le financier de l'équipe, on est positif au cash. » A quelle hauteur ? Pour quelle valorisation la holding Soubie a-t-elle acquis les parts de Guiraud ? « Cette information n'est pas publique », répond Kienast.
Danièle Deruy,
ex-journaliste, ex-dir » com » de l'AFP, cofondatrice d'Altedia, le
précédent groupe de Soubie, devient directrice déléguée en charge du
développement d'AEF :
« Il était temps de nous repositionner sur une nouvelle aventure professionnelle. »
Nous ? A la ville, Danièle Deruy est madame Raymond Soubie. Mais elle l'assure :
«
Il n'y a pas de conflit d'intérêts. Lorsque Raymond Soubie dirigeait
Liaisons sociales, jamais les journalistes n'ont ressenti la moindre
difficulté à faire leur métier. Il a une déontologie très forte. AEF
est une agence dont la neutralité est garantie par notre façon d'être
tous les jours. Ça se prouvera à l'usage. »
Lors
de l'annonce du changement de capital, à l'occasion des vœux de la
direction, un délégué du personnel a osé poser la question qui fâche à
ses nouveaux patrons :
« Que va-t-il se passer par rapport à nos contacts avec l'Elysée ? »
Réponse de madame :
« Raymond Soubie n'aura rien à voir avec la rédaction, il n'est qu'actionnaire. »
Réponse qui n'a pas convaincu tout le monde.
Ces quelques éléments semblent prouver que ce n’est pas toujours le ministre qui décide.
Mais Jean-Paul Brighelli nous dit : « Je crois que ça a tenu à Darcos lui-même - et peut-être à son épouse… ».
Et après tout si des Perceval se sont satisfaits de cette explication, ils n’ont qu’à pas lire ce que j’écris.
Cabanac, le 4 février 2011
MD
PS : Un point d’histoire à développer : Le deal CGT / Soubie
François Chérèque prend mal en 2009 le fait que Raymond Soubie, pour
préparer la « négociation sur les retraites », ait
imposé le retour de la CGT à l’Elysée comme interlocuteur
privilégié, CGT dont il sait d’une part qu’elle sait et peut modérer et
arrêter une grève, c'est-à-dire un rôle de contrôle social beaucoup
plus fort que celui de la CFDT, rôle indispensable en cas de
conflit dur. Mais ce retour de la CGT vers le pouvoir a aussi des
inconvénients puisqu’il use l’image d’indépendance de la CGT. Il est
difficile d’avoir le beurre et l’argent du beurre.
Mais il y a eu un deal entre Raymond Soubie et Bernard Thibault*,
probablement pas exposé sous cette forme à la CGT et encore
moins à sa base : Raymond Soubie, en ne touchant pas au rôle des
six derniers mois d’activité pour le calcul du montant de la retraite
des fonctionnaires, a fait un cadeau de taille à la couche des
fonctionnaires dont la CGT et les PCF sont à la fois des représentants
sociologico-politiques et en partie des membres : ce sont
quelques avantages aux acteurs de l’État providence en espérant
qu’ils ne seront pas trop regardants sur l’évolution négative ... de
l’État providence.
Mais justement comme l’épisode de la négociation sur les retraites a
terni le vernis contestataire de la CGT, il était assez judicieux de
lui passer du trompe-couillon : la CGT refuse donc d’assister aux
vœux du président de la république en janvier 2011, cette décision
pouvant être prise avec ou sans l’accord du Soubie de service. Ca
n’engage à rien et, si le nouveau Soubie le désire, ça n’empêche pas
d’avoir des réunions non officielles avec lui.
* «
C’est
lui, par exemple, qui a introduit Bernard Thibault, le dirigeant de la
CGT, syndicat longtemps snobé par le pouvoir, à l’Élysée. « Je trouvais
absurde que la première organisation française soit traitée comme si
elle était dangereuse », commente-t-il, intarissable sur l’histoire du
recentrage de l’ex-courroie de transmission du Parti communiste. Alors
les syndicats, comme les organisations patronales, qui auparavant
avaient leurs habitudes au ministère du travail ou à Matignon, le
savent : depuis 2007, c’est la porte matelassée beige du troisième
étage de l’Élysée, bureau de Raymond Soubie, qu’il faut pousser pour
être entendu »
Nathalie BIRCHEM, Raymond Soubie, le métronome du social, La Croix du 5 février 2010