Sur le blog Bonnet d’âne / 18 janvier 2011 ...
Jean-Pierre Chevènement,
Ministre de l’éducation nationale*
et donc, même pas ministre de l'Instruction publique
I) Jean-Pierre Chevènement …
... siffle la fin de la récré
J’ai regardé samedi soir avec un grand plaisir les discours jubilatoires de J.-P. Chevènement et Eric Zemmour dans « On n’est pas couché » tant il est vrai qu’à côté du discours à la Alain Minc , ils font la différence. On peut comprendre [1]
que quand l’ensemble du plateau, à part Zemmour et Naulleau, ignore ce
qu’est une coquecigrue et admire cette merveilleuse connaissance de la
langue française de JPC, la différence n’est pas difficile à faire.
Ceci explique d’ailleurs
pourquoi JPC peut exercer une certaine influence sur l’intelligentsia
puisque au royaume des aveugles les borgnes sont rois.
Mais le fait que j’ai passé
un relatif bon moment à écouter JPC et EZ montre justement
qu’il faut être capable de critiquer ce que tout le « monde républicain
» croit être un arrêt dans la dégénérescence de l’école républicaine,
c'est-à-dire le moment du passage de JPC comme ministre de
l’éducation.
Je comprends tout à fait que
le courageux anonyme qui signe « diviseur » et nous fait supra un
panégyrique du nationalisme et de la défense du drapeau à l’école
considère que JPC a été un fier combattant de l’école républicaine
puisqu’il a rétabli la marseillaise. C’est son droit absolu de se
placer sur ce terrain.
Mais mon critère
d’appréciation de la valeur des programmes n’est pas celui-là et il
vise principalement les contenus d’enseignement et les programmes pour
l’arithmétique et le français et en particulier pour le primaire et les
débuts de l’enseignement primaire. Et dans ce domaine qui est
fondamental on peut constater, à la lecture des programmes 1985 du
primaire signés Chevènement, que celui-ci n’enraye pas la
dégénérescence de l’école mais l’accompagne.
Mais me direz-vous , les programmes Chevènement du primaire ne sont pas disponibles sur Internet.
Exact. Le programmes du
primaire de tout niveau depuis 1880 ne l‘étaient pas non plus et j’ai
donc été le premier à les mettre en ligne et, à l’heure actuelle , il
n’y aucun autre site sur Internet qui les fournit.
Pensez-vous que ce soit un
hasard que tout ce qui permettrait d’avoir quelques éléments de
référence sérieux ne soit pas sur Internet ? Je répondrai
ultérieurement en détail à la question mais il faut
remarquer que ceux qui construisent leur information en faisant
du Google et en donnant une abondance de liens Internet ont peu de
chances de sortir des positions un tant soit peu non conformistes.
Ceci dit les programmes Chevènement du primaire pour le Français, les maths et les sciences sont à http://michel.delord.free.fr/pgprim-che85.pdf
Pour les maths du CP, je cite simplement la partie Arithmétique :
« Classement et rangement des objets et des collections d'objets selon des critères simples ou composés.
Écriture et nom des nombres
de un ou deux chiffres selon la numération décimale. Découverte des
nombres de plus de deux chiffres.
Utilisation des écritures additives.
Distinction du nombre ordinal et du nombre cardinal.
Comparaison de deux nombres.
Utilisation des signes : = (`égal'), ≠ (`différent de'), < (`inférieur à'), > (`supérieur à').
Écriture d'une suite de nombres dans l'ordre croissant ou décroissant.
Problèmes faisant intervenir la somme de deux ou plusieurs nombres.
Familiarisation avec l'utilisation des parenthèses ; construction, utilisation et mémorisation de la table d'addition.
Construction et utilisation de la technique opératoire de l'addition, en particulier avec retenue.
Problèmes exprimés sous la forme : a + . = c.
Initiation au calcul mental»
On constate que l’on est
toujours dans l’allégement puisque, alors que jusqu’à 1970, les quatre
opérations était au programme du CP, il n’y a ici explicitement que
l’addition au programme Chevènement … Mais l’on voit que
les élèves doivent utiliser … des parenthèses ( pourquoi pas un peu
d’algèbre, tant qu’à faire), ce qui est donc de la pure esbrouffe.
Quant à l’enseignement
de la lecture en CP, alors que le foucambertisme bat son plein, il est
introduit par le fameux « Lire, c’est comprendre
» formulation programmatique des destructeurs de l’apprentissage de la
lecture dont l’objectif est de réduire l’importance de la
combinatoire.
Rappelons au contraire la définition de « Lire » dans le TLFi « Établir
la relation entre les séquences de signes graphiques (alphabétiques,
idéographiques) d'un texte et les signes linguistiques propres à une
langue naturelle (phonèmes, mots, marques grammaticales) » dont la formulation serait donc, selon les adeptes de « Lire, c’est comprendre », la preuve que les auteurs du TLFi … ne savent pas lire et ne comprennent rien.
Et, après cette introduction
qui, dans les programmes Chevènement comme dans les autres programmes «
pédagogistes » , met en avant ce qui n’est pas essentiel, il est
logique que la combinatoire soit seulement décrite comme « nécessaire
», alors qu’elle est fondamentale.
Citation :
«
Lire, c'est comprendre. Le maître n'engage donc pas l'enfant dans un
apprentissage mécanique et passif. La maîtrise de la combinatoire
(c'est-à-dire du lien des lettres et des syllabes entre elles, et du
rapport des signes écrits aux [23] sons qui leur correspondent) est
nécessaire : elle implique des exercices appropriés ; mais elle n'a de
valeur qu'associée à la compréhension de l'idée exprimée, à la
perception de la structure de la phrase, à l'intelligence du sens des
mots. »
Je ne m’aventurerai pas plus aujourd’hui – tant la tâche est grande – dans la critique des programmes Chevènement. Voir
infra l'ajout du 26 mars 2011 sur les les programmes mathématiques du
collège,exemple qui montre en core plus que ceux cités plus haut la
degradation de l'enseignement introduite par les programmes
Chevènement.
Mais
je dois ajouter que J.-P. Chevènement a aussi dégradé
l’enseignement par un autre biais : partant du principe qu’il « sifflait la fin de la récréation »
et de l’anarchie ( et même de la chienlit), il a développé la nécessité
de la discipline et de l’obéissance à la hiérarchie … qui se
trouvait être la hiérarchie pédagogistes dont il a augmenté le pouvoir.
Rudolf Bkouche montre également comment ce processus de
caporalisation a touché le domaine central la formation des enseignants
: alors que les organismes de formation, c'est-à-dire les MAFPEN,
étaient rattachés aux universités qui n’avaient aucun pouvoir
hiérarchique sur les enseignants, il les a rattaché au rectorats
et aux inspections.
Rompez les rangs . Vous pouvez fumer.
Je compléterai ultérieurement ce « petit portrait pédagogique » de JPC
en décrivant quelques aspects de la réunion sur la formation des
maîtres qui s’est tenue le 16 octobre 2004 à la Sorbonne et à laquelle
JPC participait. Et l‘on peut facilement montrer, à cette occasion,
qu’il est beaucoup plus fin et politique que ses admirateurs.
Cabanac, le 18 janvier 2011
Michel Delord
[1] Sans
aborder le fait que ces braves gens n’ont aucune
connaissance scientifique même TRÈS élémentaire, je veux dire même pas un niveau de seconde
scientifique d’il y a 30 ans …
* *
*
II) Jean-Pierre Chevènement bis, …
...beaucoup plus fin que les chevènementistes.
« Je compléterai
ultérieurement ce « petit portrait pédagogique » de JPC en décrivant
quelques aspects de la réunion sur la formation des maîtres qui s’est
tenue le 16 octobre 2004 à la Sorbonne et à laquelle JPC participait.
Et l‘on peut facilement montrer, à cette occasion, qu’il est beaucoup
plus fin et politique que ses admirateurs »
Allons-y , c’est bref mais instructif.
Donc le 16 octobre 2004 se tient à la Sorbonne un colloque « Faut-il en finir avec les IUFM ? » organisé par VLR et DLR qui comprend les interventions suivantes :
-
Rachel Boutonnet, institutrice, auteur du Journal d’une institutrice
clandestine : IUFM, ou comment ne pas apprendre le métier d’enseignant.
- Chantal Grandchamps, institutrice : Le désarroi d’une institutrice face aux IoUMpFs.
- Michel
Delord, professeur de collège, membre de la Société mathématique de
France : L’enjeu des programmes dans la formation des enseignants.
- Élisabeth Altschull, auteur
de L’école des ego. Contre les gourous du pédagogiquement correct
: Les Américains aussi veulent abolir leur IUFM !
- Pierre Schapira, professeur
de mathématiques à l’université Paris VI : Pourquoi l’université
doit être au centre de la formation des enseignants.
- André Warusfel, Inspecteur général honoraire de l’Éducation nationale : La dérive trentenaire de l’éducation nationale.
- Pedro Cordoba, maître de conférences à Paris IV : Faire l’économie des IUFM.
Lorsque, avant le début des
exposés, j’explique en coulisse ce que je vais raconter et que
plusieurs organisateurs et sympathisants de JPC s’aperçoivent que mon
exposé comporte un chapitre intitulé « Bref historique de l’évolution
des programmes depuis 30 ans » qui va montrer une dégradation des
programmes durant toute cette période, ils s’affolent et disent : « Mais tu ne va pas dire devant JPC que son passage au ministère fait partie de la dégradation de l’école ? ».
Ce à quoi je réponds « Bien sûr que si » ce qui glace un peu
l’atmosphère. Et sans aucune provocation qui aurait été déplacée
lors de mon exposé, j’explique devant JPC de manière assez argumentée
cette dégradation.
La grande majorité des
conférenciers aura une attitude qui variera mais félicitera toujours
JPC de son rôle en tant que ministre de l’Éducation nationale et seul
un autre orateur le critiquera expressément mais sans agressivité,
André Warusfel, dans un exposé dont le tire était explicite : La dérive trentenaire de l’éducation nationale.
Et bien lorsque JPC conclura
la réunion , il remerciera bien sûr en général tous les orateurs mais
ne mentionnera en particulier et pour les complimenter que André
Warusfel et moi-même.
Cabanac , le 26 janvier 2011
Michel Delord
* *
*
III) Jean-Pierre Chevènement ter ...
... la suppression des IUFM…
Après la publication de la partie bis, l'inénarrable DdG - Dugong du GRIP - répondit :
"lorsque
JPC conclura la réunion , il remerciera bien sûr en général tous les
orateurs mais ne mentionnera en particulier et pour les complimenter
que André Warusfel et moi-même." MD
Peut-on en déduire que JPC a ouvert les yeux le 16 octobre 2004 ?
Et qu'avant il était plongé dans la nuit et le brouillard ?
Écrit par : dugong | 18 janvier 2011
Justement non. Il faut suivre, Dugong !
: si j'ai expliqué plus haut que Jean-Pierre Chevènement
était un fin politique, c'est justement que les points que j'avais
évoqué n'ont pas grand intérêt pour lui. Mais il juge en fonction des
rapports de force et de
l'intérêt qu'il a à se ménager la possibilité future de pouvoir se
rallier quelques personnalités. Or André Warusfel - inspecteur général et seul inspecteur général à être un véritable mathématicien - et moi-même - à ce moment-là membre du CA de la SMF et initiateur de la pétition contre les programmes de Luc Ferry de 2002-
étaient deux personnalités de ce type qu'ils pouvaient essayer de
flatter, ce qu'il n'avait pas à faire avec ses godillots républicains.
Ceci dit je ne refuse pas du tout le contact avec JPC - en son temps
j'étais rentré en contact avec Claude Allègre comme j'étais rentré en
contact avec tous les ministres - mais la condition pour ce faire est
d'avoir une vision critique et ne pas la cacher. C'est la position que
je défendais au sein du GRIP contre celle de Marc le Bris( Voir l'AG du GRIP d'octobre 2008 et en particulier l'intervention de Marc le Bris - intitulée "Le texte Delord" -, pages 18 ssq ).
Contrairement à l'hypothèse
de Dugong, on ne peut donc rien en déduire sur un changement de
position théorique de Jean-Pierre Chevènement sur la question des
programmes. Mais on peut déduire de la question de Dugong -
voulait-il montrer, subtilement ?, que j'étais un incroyable prétentieux prétendant avoir modifié l'opinion du Che - que Dugong n'est pas un aigle politique.
On peut même observer que ma
remarque est tout à fait vraie pour tout le courant républicain, qu'il
soit de droite ou de gauche, c'est-à-dire qu'y domine un espèce
d'œcuménisme malpropre : voyez par exemple la Convention nationale sur
l'école républicaine de Debout la république
du 5 février 2011 : y étaient présents
d'une part une bonne barrette d'antipédagos patentés tels que Natacha Polony, Marc Le Bris, Claire Mazeron .. et Luc Ferry, principal responsable des
programmes "pédagogistes" de 2002 - qui sont encore la référence
de tous les pédagogistes contre les programmes Darcos. Je ne dispose d'aucun compte-rendu de ce qu'ont dit Natacha Polony, Claire Mazeron ou Marc Le
Bris - qui faisait partie des présignataires de la pétition contre les programmes de 2002 -, mais je suis persuadé qu'aucun d'entre eux n'a
fait la moindre remarque "désobligeante" au prince du pédagogisme
qu'est Luc Ferry. Et de plus, le CR de la réunion nous dit " Nicolas Dupont-Aignan a clôturé la convention par un discours très proche de celui des intervenants"
. Or si l'on observe ce discours de Nicolas Dupont-Aignan " si
proche de celui des intervenants",
on n'y retrouve aucune critique sur les programmes de 2002, ni aucune
critique des positions de
Luc Ferry.
Quant à ce dernier, il défend toujours "ses" programmes de
2002. Face à une telle opposition, pourquoi s'en priverait-il ?
Ceci dit, passons à la question de fond : l'objet de la réunion du 16
octobre 2004 qui était "Faut-il en finir avec les IUFM ?".
Voici le début de mon intervention, j'y souligne les passages importants :
L'enjeu des programmes dans la formation des enseignants
Si le GRIP a choisi de s'appeler ainsi c'est qu'il considère que
la question des programmes est l'enjeu central dans la conjoncture
actuelle. Et si elle est
centrale, bien qu'il ne s'agisse pas de la seule question importante,
elle doit l'être aussi pour la formation des enseignants. Je le
montrerai par un seul exemple choisi ainsi pour éclairer mon propos :
si les programmes actuels du primaire sont maintenus, la formation des
professeur des écoles en IUFM n'a pas à être modifiée puisque la
formation débilitante et obscurantiste dont nous venons d'avoir des
exemples s'accorde tout à fait avec le contenu de ce qui doit être
enseigné en primaire. Lors de l'écriture de la pétition
proposant le retrait des programmes du primaire de février 2002, nous
les avons caractérisés, sans aucune exagération, de la manière suivante
: sous le titre "Ne plus apprendre à lire, écrire , compter et calculer, proscrire toute forme de pensée cohérente", nous expliquions que "surtout,
l'on détruit déjà chez l'enfant toute possibilité d'accession à la
rationalité, on lui apprend au contraire systématiquement à « penser »
de manière incohérente" et on lui apprend à "parler de tout sans rien
connaître".
Je vais donc essayer de définir ce qu'est un "bon programme" et
donner quelques conséquences de cette définition sur la formation des
enseignants. Lorsqu'un élève me demande une recette pour résoudre un
problème particulier, je tente toujours de lui donner-ce qu'il
considère souvent d'abord comme une non-réponse sous l'influence d'un
cursus qui a réduit, au mieux, l'enseignement l'apprentissage de
"compétences" - les savoirs qui permettent de comprendre les tenants et
les aboutissants qui font que cette recette est efficiente pour la
classe de problèmes envisagés, ce qui lui fait d'ailleurs quitter le
statut de compétence pour l'amener à celui de connaissance. Je
ferai même moins pour la question des IUFM et tenterai simplement de
donner quelques éléments qui permettent simplement d'éviter de poser le
problème de la formation de manière incohérente et exclusivement de
manière formelle "en termes de structures" ou de "restructuration des
structures". Mais j'ai une excuse : je ne parle que de ce qui
doit être enseigné aux élèves, question fondamentale de la formation
des enseignants, la deuxième étant naturellement : "Comment le faire?".
Il s'agissait donc pour moi - et cela était entièrement conforme aux positions du GRIP -
de se démarquer très explicitement de la fausse problématique
managériale - qui sépare la
forme du contenu - qui proposait le changement de la
structure de formation des enseignants sans le lier aux contenus des
programmes et progressions. En effet cette position que je défendais
depuis longtemps "ne passait pas" et je voulais au minimum
que l'on ne
puisse pas, dans le futur, me rendre responsable d'une position dont je
jugeais catastrophiques les conséquences possibles. Rappelons que
cette problématique était hégémonique dans le mouvement
antipédagogiste comme le montre les termes de la "Pétition nationale pour la suppression des IUFM"
hébergée par "Reconstruire l'école" qui fait des propositions
purement managériales sans les lier à une quelconque modification des
programmes et contenus disciplinaires et qui était, par exemple,
signée par Guy Morel, ce qui indique bien que peu de membres de
l'antipédagogisme échappaient à cette position [2].
Quant à l'intervention de Pedro Cordoba "Faire l’économie des IUFM" du 16 octobre 2004, elle avait l'avantage d'être
doublement claire pour le pouvoir : elle proposait la suppression des IUFM sans toucher aux contenus enseignés - ce qui dans la négociation à venir permettait
de plus à chacun de placer ses copains pédagos ou antipédagos - et elle
était un appel du pied direct à tout gouvernement qui sait ce que veut
dire "Faire l'économie", et encore plus dans une période de crise.
Et les antipédagogistes obtinrent ce qu'ils avaient demandé [3]
- il y a bien une suppression des IUFM
- la réforme de la formation des enseignants permet de faire des économies, effectivement
- la suppression des IUFM veut dire que, hors nettoyage bureaucratique qui en général touche seulement les moins arrivistes, la majorité des membres des IUFM, pédagogistes selon les
antipédagos, se retrouve directement à l'Université, ce qui est tout
simplement une victoire du pédagogisme.
On se fait manipuler d'autant plus facilement que l'on a des thèses manipulables ...
Cabanac, le 05/03/2011
Michel Delord
Notes :
[2] J'avais ce texte en projet de puis
longtemps parce qu'il me semblait nécessaire de montrer la véritable
nature des positions du républicanisme dans sa version chevènementiste (
et aussi dans sa version gaulliste).
J'avais donc été rechercher en octobre 2010 sur le site de Reconstruire
l'école les traces de la pétition de 2003 demandant la suppression des
IUFM. On les trouve sur la page http://www.r-lecole.freesurf.fr/Actions/acti.html qui donne trois liens que je copie à partir de l'original :
Ces trois liens fonctionnaient en octobre 2010 mais maintenant, comme vous pouvez le constater, la cible du troisième - la liste des signataires - , a été supprimée du site de Reconstruire l'école.
Mais rassurez-vous, étant méfiant de nature, je l'avais enregistrée et elle est à http://michel.delord.free.fr/sign.html , puisque http://r-lecole.freesurf.fr/Actions/sign.html n'est plus disponible.
[3] La position beaucoup plus antipédagogique qu'antipédagogiste de Marc le Bris* et la mise en avant des "maîtres expérimentés",
notion particulièrement trouble puisque indépendante des
contenus disciplinaires - et notion à la présence de laquelle je
m'étais opposée dans la rédaction de l'Appel pour la refondation de l'école -, n'ont pas peu contribué à justifier la position du ministre sur la formation des maîtres.
* Débats à l'AG du GRIP de 2008, page 20, position de Marc le Bris :
Je
vais abandonner la critique littérale, parce que la coupe, à mon avis
déborde largement déjà. Mais, avant d'en arriver à une
conclusion, je cite tout de même la note 16 du 3ème texte d'orientation
de Michel Delord :
Le
fait que Jean-Claude Milner n’ait pas défendu les pédagogues du XIXème
et notamment ceux qui sont les pères de l’instruction publique permet
d’interpréter la citation suivante comme un déni général de la
pédagogie : « Nous mettons au défi ceux qui ont si souvent sur
les lèvres le prédicat pédagogique (qu'il soit appliqué à l'acte, ou
l'innovation, ou aux technologies) de citer une proposition assurée, un
argument incontestable, un texte rigoureux ou simplement intéressant,
ou, plus simplement encore, bien écrit : il n'y en a pas »( Jean-Claude
Milner, De l’école, Paris, 1984) . Aucun pédagogue n’a été
capable de produire un texte simplement bien écrit : il
suffit de lire Ferdinand Buisson, James Guillaume, Gabriel
Compayré, etc... pour se convaincre de la fausseté d’une telle
affirmation.
Parce que je suis assez
largement d'accord avec Milner : il n'y a eu pour l'instant, à mon
avis, aucun texte pédagogique rigoureux, et très peu d'intéressants. Je
n'ai bien sûr pas lu tout Buisson, ni Guillaume, et seulement des
extraits de Compayré, mais je ne suis absolument pas prêt porter au
pinacle, ni à l'adoration publique, aucun texte ni aucun pédagogue du
passé et du présent. La pédagogie générale théorique n'existe pas. Je
prononce très clairement un déni général de la pédagogie. Je ne crois
qu' à la seule pratique.
IV) Retour sur les programmes Chevènement de 1985 :
le coup de grâce à l'enseignement des mathématiqes et de la rationalité
Les exemples cités plus haut tirés des programmes du primaire ont montré que, sur des questions fondamentales,
Jean-Pierre Chevènement ne s'est pas opposé à la dégradation
de l'enseignement. Mais l'exemple des programmes "Chevènement" de maths
au collège montre beaucoup plus : on y voit de manière très explicite que Jean-Pierre
Chevènement non seulement ne s'est pas opposé à la dégradation - dite pédagogiste
- mais qu'il en a rajouté et a apporté lui-même sa propre pierre à cet
allègement des programmes destructeur de rationalité. Ce qui fait que cette dégradation est pédagogiste et républicaine (
ce que l'on pouvait déjà dire en considérant la position de de Gaulle).
Pour montrer cela, je
m'appuierai sur deux points, qui sont des allègements sur des points fondamentaux que l'on peut vérifier dans les programmes
Chevènement de collège qui sont reproduits ici :
- Ne figure plus au programme l'axiome d'Euclide dont un énoncé peut-être "Par un point donné passe une et une seule parallèle à une droite donnée". Or, comme le montre très bien Rudolf Bkouche dans De l'enseignement de la géométrie paru en 2009 et dont vous trouverez infra
un extrait intitulé "Critique des programmes actuels", sans cet axiome
il est impossible de démontrer des pans entiers de la géométrie et en
particulier et sans être exhaustif le théorème de Thalès, le
théorème qui dit que la somme des angles d'un triangle vaut deux
angles droits ou le fait que les deux définitions du
parallélogramme "1- un parallélogramme est un quadrilatère dont les côtés
opposés sont parallèles" et "2- un parallélogramme est un quadrilatère dont les
diagonales se coupent en leur milieu" sont des définitions équivalentes.
- Les programmes de Chevènement de 85 sont aussi le moment où disparait des programmes du collège toute l'arithmétique et
notamment les notions de nombres premiers, de PPCM (Plus Petit
Commun Multiple ) et de PGCD (Plus Grand Commun Diviseur )
de deux nombres entiers.
Or cette disparition est extrêmement grave
-
quantitativement : rappelons que ces notions étaient au programme du
primaire de 1882 jusqu'en 1970 et que le premier allégement des
programmes dû aux maths modernes les fait passer au collège. Mais
lorsqu'elles disparaissent du collège en 85, elles sont également
supprimées de tout l'enseignement du lycée sauf pour les élèves de
terminale C qui prennent l'option maths. Ce qui veut dire que l'on
peut, grâce à Chevènement avoir le bac C et ne pas savoir ce qu'est un
nombre premier. Ce qui veut aussi dire que des connaissances fondamentale enseignée à
tous à 11 ans n'est plus enseignée, 20 ans plus tard, qu'à l'age de
17/18 ans à moins de 10% d'une classe d'âge.
- qualitativement : on ne s'étonnera pas ensuite de la non maitrise du calcul fractionnaire
puisque le PPCM intervient pour le calcul du dénominateur commun de
la somme de plusieurs fractions tandis que la simplification d'une
fraction est obtenue en divisant son dénominateur et son numérateur par
le PGCD de ces deux nombres. Mais surtout ces
notions d'arithmétiques étaient extrêmement importantes car, à partir
d'un ensemble réduit de notions compréhensibles par le plus grand
nombre, elles permettaient de faire de véritables démonstrations dans
un domaine qui n'était pas la géométrie.
Conclusion rapide :
Ce qui est une si ce n'est la caractéristique des mathématiques est
bien la démonstration. Or les programmes Chevènement de 1985 détruisent
les possibilités de l'enseignement de ce cœur de la matière aussi
bien en arithmétique qu'en géométrie. Et
les conséquences en seront catastrophiques puisque ce ratage du
début de l'enseignement de la démonstration fragilisera à jamais la
majorité des élèves : n'ayant pas pu apprendre à faire un
raisonnement rigoureux sur des questions simples, ils seront bien sûr
incapables de le faire sur des questions plus complexes. La conséquence
en sera que la majorité des élèves ne saura jamais - conforment aux
programmes actuels du lycée - ce qu'est une démonstration, tandis que
la minorité des élèves qui devra faire des démonstrations
aura de grosses difficultés puisqu'ils sont partis sur de mauvaises
bases.
Reste une question de fond à laquelle je donnerai ultérieurement une réponse :
pourquoi aucun des publicistes - journalistes, auteurs ,
militants-, défenseurs de la transmission, non seulement n'a
jamais vu le rôle éminemment négatif de Jean-Pierre Chevènement
sur l'enseignement mais l'a même au contraire présenté comme un
défenseur "d'une école qui instruit " tout en participant le plus souvent aux divers comités
de soutien à sa personne et à sa politique ?
30 mars 2011
Michel Delord
Critique des programmes actuels.
Extrait de Rudolf Bkouche, De l'enseignement de la géométrie , 2009.
Nous avons rappelé dans l'introduction comment la
contre-réforme qui a suivi la réforme des mathématiques modernes a, au nom d'un
prétendu retour au concret, conduit à vider l'enseignement scientifique de tout
caractère théorique. Le refus de tout caractère théorique a contribué non
seulement à occulter le caractère hypothético-déductif de la géométrie mais à
réduire ce que l'on peut appeler le caractère expérimental de la géométrie à
quelques manipulations dont on espérait qu'elles amèneraient les élèves à
redécouvrir la géométrie conformément au slogan devenu classique « on observe,
on conjecture, on démontre ». Cela a conduit à la fois un appauvrissement de
l'enseignement et à des exigences inutiles.
Nous nous contenterons de donner deux exemples de cette
inconsistance des programmes, le premier relevant d'un excès d'exigence sous
prétexte de modernité, l'autre au contraire conduisant l'enseignement de la
géométrie à la limite du faux. Mais qu'importe le faux si les élèves ne s'en
aperçoivent pas !!!
Après la réforme des mathématiques modernes que l'on peut
considérer comme une caricature de Hilbert, la contre-réforme peut se définir,
en ce qui concerne la géométrie, comme une caricature du Programme d'Erlangen
de Felix Klein. On sait8, depuis le Programme d'Erlangen, que la géométrie est
l'étude de l'action d'un groupe de transformations opérant sur un ensemble et
des propriétés invariantes par cette action. Il fallait donc construire
l'enseignement de la géométrie autour de la notion de transformation, donc
trouver des transformations convenables pour élaborer un programme
d'enseignement, de là vient la progression inventée pas les programmes
Chevènement de 1986 : symétrie axiale en sixième, symétrie centrale en
cinquième, ensuite les translations et les rotations9. Cette progression
présente deux inconvénients, d'abord les transformations ainsi définies ne
transforment pas les objets sur lesquels elles opèrent10, ensuite elles sont,
en ce qui concerne les translations et les rotations, le résultat d'un
mouvement, ce qui exige de distinguer mouvement et transformation, distinction
qui ne va pas de soi et que l'on ne saurait exiger d'un élève de collège.
Ainsi, au nom de la modernité et du concret réunis, on introduit une notion
difficile, et ce, pour éviter les classiques cas d'égalité des triangles
renvoyés dans les poubelles de l'histoire de la géométrie. Il est vrai que les
cas d'égalité, sous le nom de cas d'isométrie, ont été réintroduits en seconde,
c'est-à-dire bien tard, alors qu'une progression cohérente eût été de parler de
cas d'égalité des triangles au 3 collège et d'aborder la question des relations
entre mouvement et transformations au lycée devant des élèves qui ont acquis
une première pratique géométrique.
Il faut signaler ici une incongruité des programmes, l'usage
de l'expression "figures isométriques" plutôt que de parler de
"figures égales", ce que l'on peut considérer comme un résidu de la
réforme des mathématiques modernes11. Nous reviendrons plus loin sur cette
incongruité. Le second exemple qui constitue une lacune dans l'enseignement
vient de l'absence de l'énoncé du postulat des parallèles. Comment, dans ces
conditions, peut-on démontrer que la somme des angles d'un triangle vaut deux
droits, comment peut-on démontrer les propriétés des angles inscrits et comment
peut-on démonter que les deux définitions du parallélogramme :
1- un parallélogramme est un quadrilatère dont les côtés
opposés sont parallèles
2- un parallélogramme est un quadrilatère dont les
diagonales se coupent en leur milieu
sont équivalentes.
C'est encore le postulat des parallèles qui permet de
montrer la propriété suivante (composition des parallélogrammes) :
"Si ABCD est un parallélogramme et si CDEF est un
parallélogramme, alors ABFE est un parallélogramme"
propriété qui est à la base de la notion de translation et
du calcul vectoriel.
On sait aussi que c'est le postulat des parallèles qui
permet de montrer le théorème de la droite des milieux et par conséquent le
théorème de Thalès, tout au moins pour les rapports rationnels. En l'absence
d'une théorie des nombres réels, on peut admettre, au collège et au lycée, que
le théorème de Thalès, démontré pour les rapports rationnels, est encore vrai
pour les rapports irrationnels, mais ce qui importe, dans l'enseignement de la
géométrie élémentaire, c'est le lien avec le postulat des parallèles.
Il faudrait, pour être complet, parler de la similitude, du
calcul des aires et de la géométrie analytique. Passer sous silence le postulat
des parallèles revient ainsi à fausser l'enseignement de la géométrie
élémentaire.