L'objet des sciences de l'Education
Tout d’abord , l’école en soi n’existe pas car il n’y a que peu de rapport entre l’école du moyen âge et l'école actuelle à part si on la réduit au “processus d’apprentissage” considéré de manière tout aussi abstraite car lui aussi évolue de manière historique. Cette manière de voir tend à réduire la question sociale du rôle de l’école à celle du rapport inter-individuel entre “l’apprenant” et l’enseignant , quitte ensuite à réintroduire la question sociale pour faire de gauche ou même marxiste ( on a en général a peu prés la même manoeuvre idéologique dans tous les domaines : elle consiste à partir de l’individu pour redonner ensuite une teinte de classe comme si les classes sociales étaient la somme de leurs individus et les nuages la somme de leurs gouttelettes). Une fois cette étape accomplie, la question centrale - “l’objet” des “sciences de l'éducation" depuis qu’il est à la mode de faire de l'épistémologie: voir l’article de JM Levy Leblond :la Chauve souris et la Chouette- devient celle de la pédagogie : en ayant posé d’abord cette abstraction qu’est l’individu, elle a en en fait posé l’individu réel qui est derrière, cad l’élève dans l'école bourgeoise avec toutes ses limites , et comme l’individu n’existe qu’en liaison avec l’ensemble de la société, elle a donc posé comme objet l'école bourgeoise. Il est donc naturel qu’elle trouve des solutions compatibles avec l’ordre existant puisqu’elle en a intégré toutes les caractéristiques en posant le problème. La question réelle de la vacuité rigolote des discours des “scientifiques de l’éducation” et la volonté de garder leurs sinécures à tout prix est donc secondaire: en ne choquant pas telle ou telle personnalité un moment au pouvoir, en se moulant dans le champ des réformes - suivre le mot d'ordre “apprendre à apprendre” au moment ou il est en vogue par exemple- , surtout en ne touchant pas aux questions de fond - les notes, le programme , l’utilité d’un enseignement des “sciences économiques” ..... et en théorisant la nécessité de ne pas le faire, ils respectent la loi qui est justement faite pour assurer globalement leurs promotions. Nous oublions volontairement que, si l’on veut faire sérieux et donc obtenir une rente et des crédits , il vaut mieux actuellement passer pour un scientifique. D’ou la pullulation de nouvelles sciences.....
Ceci dit, si l’objet des sciences de l'éducation est l'école
bourgeoise et plus précisément impérialiste, cela
interdit-il que ces scientifiques fassent des “découvertes”: Non,
ils peuvent en faire et il est normal dans la logique du système
qu’ils en soient rémunérés.
MAIS : de quels découvertes s’agit-il?
Au moyen âge, il y a eu un grand débat sur le sexe des
anges dans lequel de grandes vérités ont été
découvertes sur ce que l’on pourrait appeler les “sciences de l’angélisme"
, objet de recherche qui n’est pas plus délirant que celui des sciences
de l’éducation - la masse espérait en Dieu et maintenant
la masse espère qu’elle va être massivement promue par l'école:
à l’ancien jeu, il suffisait d’être pauvre pour être
élu et l’on n’avait même pas besoin des bourses qui sont distribuées
de manière parcimonieuse- et qui entretenait avec l'idéologie
religieuse dominante de l'époque des liens aussi étroits
que que la psychologie cognitive avec l'idéologie dominante de l'école
même démocratique, laïque, unique et obligatoire. Mais,
dira-t-on, il s’agit de recherches scientifiques alors qu’il s’agissait
de recherche religieuse? On y reviendra et prenons un exemple scientifique
et moderne: l’automobile qui en ces jours de “Mondial Automobile” parisien
est bien le lieu d’une immense application des "dernières découvertes
de la science et de la technologie”. Imaginons une “Science Automobilistique”
qui met actuellement au point la technique de guidage automatique des voitures
dont la télé cette semaine a bien voulu nous abreuver en
montrant cette petite voiture qui se déplace automatiquement sans
qu’on la conduise. Il s’agit bien là de découverte scientifique
et de technologie ( et donc pas de religion à priori) mêlant
la dynamique, la thermodynamique, l'électronique , l’informatique......,
cad des vraies sciences dures et, qui plus est, liées de manière
interdisciplinaire , cad que cette Science réalise complètement
le rêve des pédagogues actuels les plus extrémistes
dans l’interdisciplinarité ( l’interdisciplinarité
étant la socialisation de la connaissance sous la domination
du marché, cad la collaboration des spécialistes) . Oui mais
toutes ces découvertes sont entièrement déterminées
par la “nécessité de l’automobile” comme les découvertes
des Sciences de l'Éducation sont entièrement déterminées
par la “nécessité de l'École". Or, la nécessité
de l’automobile ne réside que très secondairement dans son
utilisation individuelle qui est d’aller d’un endroit à l’autre
( exactement dans la mesure ou il faut cependant que l’achat corresponde
à un besoin social “naturel”, créé ou imposé
an sens strict d’imposable comme l’est justement la vignette automobile)
: il réside plutôt dans un complexe d'intérêts
convergents ou divergents évoluants dans le temps - le normalien
supérieure ancien locataire de l’Elysée qui avait dit que
la ville doit s’adapter à la voiture semble avoir moins la cote
-dans lesquels on peut citer pèle mêle:
Dans ce sens, on en sait beaucoup plus sur l’automobile en étudiant les conflits du Proche-Orient et les contradictions engendrées par la rente foncière qui , en augmentant démesurément la taille des villes, rendent nécessaires son utilisation qu’en observant l’objet technique appelé automobile et même en ajoutant tout l’appareillage statistique incluant toutes les corrélations possibles.
La "nécessité de l'École" , objet des sciences de l’éducation , est particulièrement aveugle également au rôle de l’école : elle apporte certes des connaissances ; la science automobilistique apporte aussi des connaissances utiles comme la mise au point des porte cannettes de Coca-Cola qui empêchent que ce liquide précieux - vu le rapport entre son prix et ce qu’il contient -se renverse dans notre automobile. Mais elle apporte surtout des connaissances qui, dans un monde non mercantile, auront l’utilité des démonstrations sur le sexe des anges et des connaissances basées sur “ la multitude de fonctions parasites qu’il [le capitalisme] engendre et rend plus ou moins indispensables”( Marx Le Capital Livre 1 Tome 2 p 201).
Poser réellement “le problème de l’école”,
c’est donc avant tout critiquer l'école réelle et les besoins
qu’elle satisfait. Lorsque l’on aura critiqué tous les besoins qui
sont des besoins délétères et au mieux inutiles
crées par la nécessité des la production généralisée
des marchandise, il se peut que l'idéologie bourgeoise ne reconnaisse
pas son école et prétende que “l’on veut supprimer l'école"
: elle aurait globalement raison car il ne resterait pas grand-chose de
l'école qu’elle aime: en effet à quoi sert pour une production
non marchande la nécessité de mettre des notes, d’enseigner
chaque matière dans un jargon spécialisé, d’organiser
l'émulation scolaire entre élèves, d’enseigner
des matières qui justifient elle-mêmes la production des marchandises
comme l’histoire et les sciences économiques et de donner et de
valoriser des diplômes et des honneurs qui reconnaissent l’infamie
d'être le meilleur pour produire de la plus-value ou de réaliser
le meilleur retour sur investissement? Cette liste n’est pas exhaustive
car ce texte ne vise pas à créer un catalogue de revendications
mais est un tout bête essai de réflexion.
La majorité des revendications énoncées ci-dessus
( et d’autres ainsi que ce que l’on peut lire en creux dans ce texte) ont
été appliquées , dans les années 20, en URSS,
pays qui pourtant ne s’était pas débarrassé du capitalisme
et de la production marchande: elles ont abouti à la plus rapide
lutte contre l'analphabétisme que le monde ait connu. Elles ont
été aussi des revendications avancées par des fractions
syndicales certes minoritaires mais non négligeables historiquement
de nombreux pays européen.
Ces revendications sont dans le droit fil de ce que le citoyen
Marx déclarait en 1869 au Conseil General de l’AIT:
La réponse moderne est que la démocratie est la neutralité et qu’il n’existe donc plus de sciences de parti: donc l’histoire démocratique est neutre, l'économie de marché aussi. On peut donc les enseigner et Marx est un imbécile. L'histoire récente est assez rigolote: elle fait que le ministre Allegre veut supprimer non pas les sciences économiques dans l’enseignement mais même simplement l’agrégation de cette noble matière et n’y arrive pas tandis que M. Bourdieu , homme très à gauche s’il en est, signe une pétition pour défendre le nombre de postes à cette même agrégation.
Et pour éviter la polémique et les digressions,
nous avons volontairement oublié de citer ce qui suit et qui vient
de la même séance de l’AIT:
La réponse moderne est que, depuis
plus d’un demi-siécle, les “marxistes de renom” ne parlent plus
de cette simple recommandation. Cela leur évite un débat
houleux: être contre signifie ne plus rentabiliser leurs boutiques
dont l’enseigne prétend qu’ils défendent Marx : ils laissent
donc entièrement la critique de l’enseignement -supérieur
à “l’inférieur” - à la haine originaire des banlieues
dont, cependant, ils regrettent quelquefois que la police soit trop violente
avec les casseurs dont on n’a pas prouvé, pour contrer la position
de Marx, qu’il soit constitué d’une majorité de boursiers
de l’enseignement non-inférieurs et en particulier d’élèves
de la Rue d’Ulm.
MAIS: jusqu’aux années 30, de rares tendances syndicales
ont soutenu le point de vue de Marx en considérant que la
”promotion sociale par l'école" était une couillonade
démocratique car leur morale était basée sur le “refus
de parvenir”( J Boyer- Ecole et Morale- ITE Octobre 1926) et la fierté
d’appartenir à leur classe “qui entretient toute la société”.
La participation des classes inférieures des sociétés
avancées des métropoles au festin colonial est une bonne
explication de la base matérielle de ce phénomène,
passage intégral des positions des classes inférieures d’une
société bourgeoise sur celles de la classe dominante qui
n'empêche pas les grèves mêmes “dures” mais qui se bornent
à la réforme de l'école et l’augmentation des crédits
au lieu de viser l’abolition du salariat.Les clés se trouvent chez
Lénine et Marx (avec des renvois explicites de l’un à l’autre):
References Marx, Engels, Lenine
1) Lénine en 1907
Le congrès socialiste international de Stuggart (extrait)
Ensuite, on a vu se manifester ici un trait négatif du mouvement ouvrier européen, susceptible de porter pas mal de préjudices à la cause du prolétariat, et qui mérite pour cette raison une attention soutenue. Marx a signalé à maintes reprises un aphorisme de Sismondi, d'une portée considérable: les prolétaires du monde antique vivaient aux dépens de la société; la société contemporaine vit aux dépens des prolétaires.
Rédigé à la fin d'août et au début
de septembre 1907.
Paru le 20 octobre 1907 dans le journal « Prolétari »
n° 17
Tome 13, pp. 59-61 (éd. russe)
La référence de Lénine est “Le Capital TI
Livre III p 36”
2) Marx, pour sa part souligne déjà le rapport entre la nullité de la classe ouvrière anglaise ( voir la fin pour la France) et l'impérialisme: en 1872 , Marx expliquait au congrès de La Haye que “tous les prétendus chefs des travailleurs anglais sont plus ou moins vendu à la bourgeoisie et au gouvernement”, opinion sur laquelle il revient plusieurs fois dans sa correspondance :
Engels à Bernstein, 17 juin 1879 :
Engels à A. Bebel, 30 août 1883:
Engels à Kautsky, le 12 septembre 1882 : “Vous me demandez ce que les ouvriers anglais pensent de la question coloniale . Eh bien, exactement la même chose que ce qu'ils pensent de la politique en général, soit exactement ce qu'en pensent les bourgeois - il n'existe pas ici de parti ouvrier, mais uniquement des conservateurs et des radicaux libéraux. et les ouvriers mangent allégrement leur part du monopole anglais sur le marché mondial et les colonies.”
Enfin , pour que les champions du monde français ne pensent pas
qu’ils n’ont pas été à l’avant-garde eux aussi :
Engels à Marx, le 8 décembre 1882 :« A propos
de la délégation syndicale - lorsqu'au congrès des
possibilistes, les Français ont entonné la Marseillaise en
leur honneur, l'honorable Shipton et consorts crurent qu'il fallait leur
rendre la pareille, et ils entonnèrent d'une seule voix le God save
the Queen”. »
Si, presque un siècle et demi après leurs rédactions, les revendications de Marx réapparaissaient sur l'écume du mouvement social, il est sur que les seuls “scientifiques de l'éducation" qui ne les combattraient pas - s’il y en a - seront ceux qui auront compris que leur spécialité est une science du bon fonctionnement du capitalisme parasitaire. Ce qui me permet de citer en conclusion un extrait des théories de la plus-value qui décrivaient déjà assez bien les principes de fonctionnement d’une société basée sur le marché.
Théories
sur la plus Value Tome 1 p 452/455
Digression
(sur le travail productif)
Un philosophe produit des idées, un poète des
poèmes, un pasteur des sermons, un professeur des traités,
etc. Un criminel produit des crimes. Si on considère de plus près
le rapport de cette dernière branche de production avec l'ensemble
de la société, on reviendra de bien des préjugés.
Le criminel ne produit pas seulement des crimes, il produit aussi le droit
criminel et, par suite, également le professeur qui fait des cours
sur le droit criminel et, en outre, l'inévitable traité dans
lequel ce même professeur jette sur le marché général,
ses conférences comme "marchandises ". Cela entraîne une augmentation
de la richesse nationale. Sans compter la jouissance privée que
le manuscrit du traité procure à son auteur, comme nous le
[dit] un témoin compétent, le professeur Roscher .
Le criminel produit en outre toute la police et toute la justice criminelle, les sbires, juges, bourreaux, jurés, etc.; et chacune de ces différentes branches professionnelles, qui constituent autant de catégories de la division sociale du travail, développe différentes facultés de l'esprit humain, créant de nouveaux besoins et de nouvelles manières de les satisfaire. La torture, à elle seule, a suscité les inventions mécaniques les plus ingénieuses et elle a occupé une masse d'artisans honorables à la production de ses instrumenta.
Le criminel produit une impression, en partie morale, en partie tragique, c'est selon, et fournit ainsi un “service s aux sentiments moraux et esthétiques du publie qu'il met en mouvement. Il ne se borne pas à produire des traités sur le droit criminel, des codes pénaux et, partant, les auteurs de ces codes, il produit aussi de l'art, de la littérature, des romans et même des tragédies, comme le prouvent non seulement Die Schuld [La Faute] de Mullner2 et Die Râuber [Les Brigands] de Schiller, mais aussi OEdipe et Richard III. Le criminel rompt la monotonie et la sécurité quotidiennes de la vie bourgeoise. Il la préserve par là de, la stagnation et suscite cette tension et cette agitation inquiète sans lesquelles l'aiguillon de la concurrence lui-même s'émousserait. Il fournit ainsi un aiguillon pour les forces productives. Le crime élimine du marché du travail une partie de la population en surnombre et, ce faisant, il diminue la concurrence entre les travailleurs et empêche, jusqu'à un certain point, le salaire du travail de tomber au-dessous du minimum, tandis que la lutte contre le crime absorbe une autre partie de cette même population. Ainsi le criminel intervient comme l'une de ces “compensations” naturelles qui établissent un niveau correct et ouvrent toute une perspective de branches professionnelles “utiles”.
On peut prouver jusque dans le détail l'influence qu'exerce
le criminel sur le développement des forces productives. Les serrures
auraient-elles jamais atteint leur perfection actuelle s'il n'y avait pas
de voleurs! Dam la fabrication des billets de banque serait-on parvenu
au fini atteint de nos jours s'il n'y avait pas 11183 de faux-monnayeurs?
Le microscope aurait-il réussi à pénétrer dans
la sphère commerciale courante (voyez Babbage) sans la fraude dans
le commerce? La chimie pratique ne doit-elle pas autant à la falsification
des marchandises et aux efforts pour la découvrir qu'à un
honnête zèle dans la production? Le crime, par les moyens
toujours nouveaux qu'il a d'attaquer la propriété, fait naître
des moyens toujours nouveaux de la défendre et, du coup, son effet
sur l'invention des machines est tout aussi productif que les strikes [grèves].
Et si on quitte la sphère du crime privé: sans crimes nationaux,
est-ce que le marché mondial serait jamais né? Et les nations
elles-mêmes? Et, depuis l'époque d'Adam, l'arbre du péché
n'est-il pas en même temps l'arbre de la connaissance? Dans la Fable
of the Bee [Fable des abeilles] (1705), Mandeville avait déjà
démontré la productivité de toutes les professions,
etc. possibles et, en général, la tendance de toute cette
argumentation:
“Ce que nous appelons, dans ce monde, le mal, aussi bien moral que naturel, c'est le grand principe qui fait de nous des créatures sociales, la base solide, la, vie et le soutien de tous les métiers et de toutes les occupations sans exception; c'est ainsi que nous devons chercher la véritable origine de tous les arts et de toutes les sciences; et du moment où le mal cesserait, la société devrait nécessairement se dégrader, sinon périr complètement. ”
Seulement Mandeville avait, bien sûr, infiniment plus d'audace et d'honnêteté que les apologistes philistins de la société bourgeoise".
Théories
sur la plus-value p 188/190
[4. Comment l'économie politique bourgeoise vulgaire définit le travail productif]
Voici les circonstances qui ont surtout suscité la polémique
contre la distinction que fait A. Smith entre le travail productif et improductif:
cette polémique cependant se limite principalement aux dii minorum
gentium [dieux mineurs], (Storch reste le plus important d'entre eux);
on ne la trouve pas chez un seul économiste important, personne
de qui on pourrait dire qu'il a découvert quoi que ce soit en économie
politique: en revanche, elle est le cheval de bataille des second-rate
fellows [individus de second ordre], et particulièrement des pédants
compilateurs et auteurs de manuels, des amateurs férus de beau style
et des vulgarisateurs.
La grande masse des travailleurs dits “supérieurs” -fonctionnaires
de l'État, militaires, virtuoses, médecins, prêtres,
juges, avocats, etc. -tous ces gens qui, non seulement ne sont pas producteurs
mais sont essentiellement destructeurs, et qui savent toutefois s'approprier
une grande partie de la richesse “matérielle ”, soit en vendant
leurs marchandises “immatérielles”, soit en les imposant de vive
force, n'étaient guère flattés de se voir relégués,
au point de vue économique, dans la même classe que les buffoons
[saltimbanques] et menial servants [domestiques] et de n'apparaître
que comme des consommateurs parmi d'autres, parasites des véritables
producteurs (ou plutôt des agents de la production). C'était
là une étrange désacralisation des fonctions qui précisément
étaient entourées jusqu'alors d'une auréole et jouissaient
d'une vénération superstitieuse. L'économie politique,
à sa période classique, tout comme la bourgeoisie à
l'époque où elle est une parvenue, se montre sévère
et critique vis-à-vis de l'appareil d'Etat, etc. Par la suite elle
comprend et apprend par expérience -ce qui se révèle
aussi dans la pratique -que de sa propre organisation surgit la nécessité
de la combinaison sociale de tout“ ces classes, pour une part totalement
improductives, dont elle a hérité.
Dans la mesure où ces "travailleurs improductifs" ne
créent pas des biens de consommation et où l'achat
en est donc entièrement déterminé par la façon
dont l'agent de la production veut dépenser son salaire ou
son profit -disons plutôt dans la mesure où ils sont ou se
rendent indispensables parce qu'existent des maux physiques (c'est le cas
des médecins), ou des faiblesses de l'esprit (c'est le cas des prêtres)
ou encore en raison du conflit opposant les intérêts privés
aux intérêts nationaux (c'est le cas des personnels de l'État,
de tous les lawyers [juristes], des policiers, des soldats), ils apparaissent
à A.Smith comme au capitaliste industriel ainsi qu'à la classe
ouvrière comme des faux frais de production* qu'il convient donc,
autant que faire se peut, de réduire au strict minimum et d'obtenir
aux moindres frais. Sous une forme qui lui est propre la société
bourgeoise reproduit tout ce qu'elle avait combattu dans la forme féodale
ou absolutiste. Ce sera donc une des principales tâches des sycophantes
de cette société, surtout ceux des classes supérieures,
que de procéder, sur le plan de la théorie, à la restauration
de la fraction purement et simplement parasitaire de ces “travailleurs
improductifs”, ou bien encore d'établir le bien-fondé des
prétentions exagérées de la fraction de ceux-ci qui
est indispensable. C'était en fait proclamer les liens de dépendance
unissant les classes d'idéologues, etc., aux capitalistes.
Mais deuxièmement: tantôt l'un, tantôt l'autre
de ces économistes démontrait qu'une partie des agents de
la production (il s'agit de la production matérielle) était
“improductive”, ce qu'a fait par exemple pour le propriétaire foncier
la catégorie d'économistes qui représente le capital
industriel (Ricardo). D'autres (par exemple Carey) ont considéré
le commerçant* proprement dit comme un travailleur improductif.
D'autres enfin allèrent jusqu'à déclarer que le capitaliste
lui-même était improductif ou voulaient du moins réduire
ses droits sur la richesse matérielle au salaire, c'est-à-dire
à la rémunération d'un "travailleur productif". Nombreux
étaient les travailleurs intellectuels qui semblaient partager ce
scepticisme. Il était donc temps d'adopter un compromis et de reconnaître
qu'étaient productives toutes les catégories que n'englobait
pas directement celle des agents de la production matérielle. Passe-moi
la rhubarbe, je te passerai le séné et, comme dans la "fable
of the bees" [fable des abeilles], il fallait démontrer que
même du point de vue économique, du point de vue "productif",
le monde bourgeois avec tous ces “travailleurs improductifs” constitue
le meilleur des mondes; d'autant plus que les “travailleurs improductifs
” se livraient de leur côté à des considérations
critiques sur la productivité des classes “fruges comumere nati”
[nées pour consommer les produits de la terre Horace: Epitre8, Livre
1, Epître 2, 27] -ou même sur les agents de la production,
comme les propriétaires fonciers, qui ne font rien du tout, etc.
Ceux qui ne faisaient rien aussi bien que leurs parasites devaient trouver
leur place dans le meilleur des systèmes universels.
L'Actualité est passagére et changeante mais elle
apporte quelquefois la vision de la pointe de récifs qui forment
le sous-sol social:
Le Courrier International (17-23/9/98) cite un article paru dans le
quotidien économique et financier italien "Il Sole/24 Ore" :
"Conformément aux volontés de Bruxelles, l'institut
de la statistique italien a décidé d'intégrer l'argent
du crime dans la comptabilité nationale. Reste à définir
la méthode de calcul.
"L'Union Européenne a décidé qu'à
partir de l'an 2.000, les activités illégales entreront officiellement
dans les comptabilités nationales. Par illégales, on entend
les activités interdites par la loi (la pro-duction de drogues,
par exemple), et celles qui peuvent être légales en elles-mêmes
mais qui ne le sont plus quand elles sont exercées en dehors du
cadre prévu par la loi (comme l'exercice d'une profession par des
personnes non habilitées)". L'Institut de la statistique italien
annonce que "ces deux types d'activités devront figurer dans la
comptabilité nationale, au poste production, à condition
de générer des biens et des services pour lesquels il existe
une véritable demande du marché ". Autre critère retenu
"ne seront prises en compte que les transactions où il existe un
accord entre vendeur et acheteur (outre la drogue, on pense à la
marchandise volée et à la prostitution), tandis que les autres
(extorsions, vols, cambriolages) en seront exclues. "
On passe de l'étape vertueuse qui nie l'existence de ce
qui est interdit à l'étape de la vertu comptable étatique
qui, pour en toucher les dividendes, veut le recenser. Tout en l'interdisant,
vertu oblige, car l'interdiction elle-même est une source de profit
extra. Marx écrit "Mieux vaut encore sur ce point des hommes comme
Malthus qui défendent directement la nécessité et
l'utilité des "travailleurs improductifs " et des parasites purs
et simples." Ce n'est certainemant pas l'avis que croit avoir Bernard CASSEN
( Un Autre Monde est possible": Les "dix commandements" citoyens: p 10-11)
qui veut "reconstruire le champ de l'économie à partir d'un
lexique qui lui donne du sens en ne réduisant pas la personne humaine
à une valeur comptable": la solution est de "faire apparaitre dans
une rubrique négative ce qui détruit les humains et la nature
(accidents, pollution,etc.); à l'inverse faire apparaitre positivement
les non-dépenses dues à la prévention". Au sens propre
il est assez difficile, à part pour Dieu, un magicien ou un financier
qui prouve tous les jours que "l'argent rapporte", de faire apparaitre,
positivement qui plus est, des choses qui n'existent pas. Si cette idée
dépasse donc le fait que d'appeler table un chien l'empêche
de mordre et que renommer les choses les change , à quel fait
correspondra-t-elle? Un excellent travail de préparation pour
l'Union Européeenne qui pourra taxer le crime pour le reverser (Peut-etre?
Car ne vaut-il pas mieux investir dans ce qui rapporte?) à la vertu
dont l'augmentation en volume dépendra ainsi légalement du
dévellopement du crime. Sans criminels, pas de citoyens. Heureusement,
cette joyeuse perspective sera progressiste car c'est "un chantier urgent
pour les économistes non englués dans le libéralisme".
L'invite du point 1 " Se donner de nouveaux outils d'analyse" était:"Impossible
de penser un monde nouveau avec les mots et les catégories de l'ancien".
Mais tant que le marché demeure, seuls les mots et les catégories
changent car le marché échange réllement le bien contre
le mal par l'intermédiaire de l'argent dont on sait qu'il n'a pas
d'odeur.
" Gold? yellow, glittering, precious Gold?
Thus much of this, will make black, white; foul, fair;
Wrong, right; base, noble; old, young; coward, valiant"
Shakespeare "Timons d'Athenes"
Il y a un rapport profond avec les sciences de l'Education qui vise une école adaptée au monde et à ses changements : cette directive de l'Union européenne ouvre un champ de recherche fécond pour la formation à de nouveaux et excitants métiers.