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debatnational.education.fr
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Auteur |
Message |
Michel Delord
Inscrit le: 04 Nov 2003 Messages: 126
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Posté le: Mar Déc 23, 2003 11:27 am Sujet du message: EDUCATION versus INSTRUCTION : quelques documents |
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Il
y a un certain nombre de lieux communs qui ont la vie dure. Parmi
ceux-ci figure l'idée quasiment axiomatique – c'est-à-dire que l'on
n'aurait pas à démontrer au vu de son évidence- que l'éducation
constitue toujours un progrès par rapport à l'instruction.
Je cite un exemple pris sur le forum du Grand Débat :
Citation: |
"Ainsi, éducation & instruction ne sont pas des entités
séparées mais intimement mêlées. D'ailleurs, notre ministère
(contrairement à ce qui se passait sous la 3ème République*) s'appelle
"Ministère de l'ÉDUCATION Nationale". Et l'Éducation comprend la
socialisation, le développement psycho-moteur et psycho affectif,
l'éducation artistique, ainsi que l'instruction c'est à dire les autres
apprentissages, plutôt destinés au cerveau gauche, très
majoritairement.
Séparer Éducation & Apprentissages conceptuels me paraîtrait être une très grave erreur car les deux sont indissociables.
.
* C'était "Ministère de L'INSTRUCTION publique". Là aussi, ne faisons pas de retour en arrière!
Bien à vous,
Zoltar " |
http://www.debatnational.education.fr/forum/viewtopic.php?p=33731
Il y a , de plus, ici un deuxième axiome en jeu: "Il ne faut pas faire
de retour en arrière ". D'une part, un retour en arrière n'est possible
physiquement que dans l'espace ( je reviens à la maison ) mais pas dans
le temps car on ne peut inverser la flèche du temps . Mais cette
manière de présenter les choses a une signification très simple : tout
ce qui arrive de nouveau dans le temps est un progrès ( ce qui est un
truisme si la caractérisation du progrès est que c'est nouveau dans le
temps ). Passons et revenons à éducation /instruction pur donner
quelques contre-exemples qui invalident l'idée que la mise en avant de
l'éducation contre l'instruction est, par principe, une "bonne chose"
qui n'a pas à être démontrée.
Contre exemple 1 : Education nationale / Instruction publique
En général , au début du XXéme siècle , les ministères chargés des
questions d'enseignement s'appelaient ministère de l'instruction. A ma
connaissance le premier qui va changer de nom est le ministère italien.
Citation: |
"Le régime fasciste
La vie scolaire
Le contrôle du fascisme s'étendit aussi à l'école : occasion privilégiée d'éduquer la jeunesse au fascisme.
Le 27 Avril 1923 fut approuvée la réforme présentée par Giovanni
Gentile qui réalisait un modèle d'école non encore spécifiquement
fasciste mais très proche de celui-ci.
Le 25 Mars 1927, le ministre de l'instruction Pietro Fidele déclara
qu'il voulait " fasciser l'école", ce qui signifiait en particulier
éduquer la jeunesse pour qu'elle " fasse partie du fascisme" et qu'elle
participe activement " à créer le climat historique favorable à la
révolution fasciste" . Dans le but de bien signifier la volonté
d'augmenter le contrôle de l'Etat sur tous les éléments de la vie des
jeunes , quelques années plus tard le Ministère de l'instruction
Publique fut renommé Ministère de l'Education Nationale"
http://www.storia900bivc.it/pagine/breia/breia1f.html |
Complément : Titres des ministères italiens de l'enseignement de 1922 à 1945
Citation: |
"1922 - 1924 Giovanni Gentile
1924 - 1925 Alessandro, Conte Casati
1925 - 1928 Pietro Fedele
1928 - 1929 Giuseppe Belluzzo
Ministers of National Education
Ministri dell'Educazione *****
1929 - 1932 Balbino Giuliano
1932 - 1935 Francesco Ercole
1935 - 1936 Cesare Maria De Vecchi
1936 - 1943 Giuseppe Bottai
1943 Carlo Alberto Biggini
1943 Leonardo Severi, first post-PNF minister
1943 - 1944 none
1944 Adolfo Omodeo
1943 - 1944 Giovanni Cuomo
Ministers of Public Instruction
Ministri della Pubblica istruzione
1944 Adolfo Omodeo
1944 Guido De Ruggero
1944 - 1945 Vincenzo Arangio-Ruiz "
http://www.geocities.com/CapitolHill/Rotunda/2209/Italy1871_19453.html |
Plusieurs remarques:
- Mussolini explique la reforme de l'enseignement en Italie est "la plus fasciste des réformes"
- en 45 , les italiens reviennent au nom Ministère de l'Instruction Publique
- la signification de la transformation du nom du ministère traduit
la volonté d'augmenter le contrôle de l'état sur la vie des jeunes.
- j'ai déjà développé cet aspect des chose de manière plus complète dans :
"Huile de ricin et CocaCola : aux sources troubles de la pedagogie de projet" :
http://www.sauv.net/ricin.htm
( Ce texte a été revu et approuvé par l'auteur , de gauche SVP, E.D.
Hirsch de " The school we need and Why we don't have them" Double Day
edition 1996)
- Vraiment, le moins que l'on puisse en dire, est que la phrase :
"C'était "Ministère de L'INSTRUCTION publique". Là aussi, ne faisons pas de retour en arrière! "
pose plus de problèmes qu'elle en résout.
Contre Exemple 2 :
"
L'éducation sociale, grande et simple comme la société elle-même,
consiste à donner à chacun de ses membres, non pas un vain superflu de
science, luxe dangereux de l'esprit, mais ce qui est nécessaire à
l'homme pour vivre en qualité d'être intelligent, la connaissance des
lois, de la vérité et de l'ordre."
Un vrai réactionnaire au sens historique qui est contre l'instruction au nom de l'éducation
Citation: |
"De l'éducation du peuple
Depuis qu'on a perdu la vérité, on veut que la science la supplée; on
veut qu'elle soit tout dans la société, religion, morale, bonheur; on
veut enfin que les enfants d'Adam vivent du fruit qui a tué leur père
(...). Voyons cependant quels sont les avantages qu'on s'en promet.
“ Plus les hommes seront instruits, mieux ils connaîtront leurs
intérêts. ” Tant pis; car, à ne considérer que ce monde, leur intérêt
n'est certainement pas d'obéir aux lois de l'ordre, de vivre dans
l'indigence à côté du riche, dans l'abaissement à côté des grands, dans
le travail à côté de ceux qui se reposent. Si la religion leur en fait
un devoir, si elle obtient d'eux ce grand, ce merveilleux sacrifice,
certes ce n'est pas au nom de leur intérêt présent; il est aussi trop
absurde, trop ridicule, trop odieux, de venir dogmatiquement dire aux
trois-quarts des hommes: “Souffrez, c'est votre intérêt ”.
L'instruction, ajoute-ton, leur procurera le moyen de parvenir à un
meilleur sort. Dites qu'elle leur en donnera un inutile désir, qui fera
leur tourment; elle les dégoûtera de leur état, et c'est le seul fruit
qu'ils en retireront. Il y a eu, il y aura toujours à peu près la même
proportion entre le nombre de ceux qui possèdent et le nombre de ceux
qui ne subsistent que de leur travail. Est-ce à troubler cette
proportion que vous tendez? Alors, en parlant du bonheur des hommes,
vous rêvez la destruction de la société.
On dit encore : “ Lorsqu'ils seront instruits, la crainte les
contiendra; ils sauront quelles peines les attendent, s'ils osent
violer les lois. ” Je n'avais pas oui dire qu'ils l'eussent ignoré
jusqu'à ce jour. Mais enfin j'entends, vous voulez qu'ils aient au
moins, dans leur misère, la douce satisfaction de pouvoir lire la loi
qui les condamne, s'ils en sortent, à vieillir dans un bagne ou à périr
sur un échafaud. L'attention est touchante, et bien digne de la
philanthropie de notre siècle. Il n'y a point de luxe assurément; c'est
le pur nécessaire en fait de consolation.
(...) Cependant, diraton, que concluez-vous? Faut-il laisser le
peuple sans éducation? Qui prétendit jamais rien de semblable? Non
certes, il faut que le peuple reçoive une éducation; c'est son premier
besoin. Mais, qu'on ne s'y trompe pas, j'entends une éducation
véritable, une éducation qui embrasse tout l'homme, et le forme à
l'état social;' car pour une futile instruction, qui devient, selon les
circonstances, un bien ou un mal, ce n'est pas plus l'éducation qu'une
académie n'est une société.
(...) Remarquez cependant que les vérités nécessaires à l'homme,
bien différentes des opinions qu'il peut ignorer sans inconvénient, et
qu'il est même souvent utile qu'il ignore, ne sont point soumises par
la société à son jugement, non plus que les préceptes qui en dérivent.
Elle dit : “ Il est ainsi, croyez ”. Elle les lui présente comme la
règle immuable de ses pensées et de ses volontés, comme les conditions
de la vie intellectuelle et morale.
Et ceci nous conduit à une conséquence importante; c'est que
l'éducation sociale, grande et simple comme la société elle-même,
consiste à donner à chacun de ses membres, non pas un vain superflu de
science, luxe dangereux de l'esprit, mais ce qui est nécessaire à
l'homme pour vivre en qualité d'être intelligent, la connaissance des
lois, de la vérité et de l'ordre."
La Mennais, In De l'éducation du peuple, Article du Conservateur, T1, page 145.
( Cité par Antoine Prost dans "Histoire de l'enseignement en France 1800-1967" ) |
La position de Ferdinand Buisson sur la discipline *
Citation: |
"Avant
tout , il faudrait ruiner dans l'esprit de nos maîtres une certaine
idée de la discipline, idée fausse qui les égare: c'est l'assimilation
à quelque degré de la discipline scolaire à la discipline militaire
[…]. Les prescriptions des règlements scolaires, l'uniformité
d'exercices et de mouvements, la loi du silence et de l'immobilité et
toutes les autres obligations que nous imposons dans nos écoles, ne
viennent pas de la nature des choses ou des principes de la pédagogie,
ce ne sont pas des devoirs moraux à proprement parler, mais seulement
des nécessités résultant du fait matériel de la réunion d'un grand
nombre d'enfants dans un même local, sous un même maître qui doit
suffire à tout et à tous. Ce sont autant de gênes et de limites à la
liberté , à la spontanéité, à la gaieté de l'enfance, qu'il nous est
impossible d'éviter, mais qu'il serait absurde d'ériger en axiomes ou
de prendre sérieusement comme points essentiels de discipline. Ils ne
constituent pas la discipline, ils en font plutôt l'embarras et la
complication.
Ferdinand Buisson,
Dictionnaire de pédagogie d'instruction primaire, 1887, in article Discipline" |
Ce qui me semble à retenir est précisément que l'éducation, comme
la discipline ne fait pas partie des devoirs de l'école ( ce qui ne
signifie rien sur le rôle des maîtres , à moins de prétendre que la
morale des maîtres et l'ensemble de leurs attitudes ainsi que celles
des élèves doivent être définies par des lois, ce qui est quand même un
tantinet totalitaire ) mais que la seule part éducative de l'école doit
être celle qui découle des nécessites de l'instruction. position à
discuter mais que je défendrai bec et ongles.
* Il y a un certain nombre
d'arguments développés , qui ne sont pas sans valeur , pour montrer que
la pratique réelle de la discipline – et même l'argumentation
théorique- n'était pas tout à fait cela. Ma position est de défendre le
meilleur de l'école de Jules Ferry et il me semble formulé dans la
citation supra.
Le poisson rouge, le perrier et l'instruction
Voici , la position , datant de 1993, des auteurs du "Poisson rouge
dans le Perrier" . Dix ans après , on peut dire que la mise en avant du
"socialiser " a été pour le moins inefficace du point de vue de
l'éducation et de la socialisation. Mais comme "l'école ne peut que
donner que ce qu'elle a , le savoir ", ce qui était prévisible est
arrivé : en diminuant l'importance du savoir à transmettre qui est le
que seul justificatif de "l'éducation à l'école" , et à condition
qu'elle serve exclusivement l'instruction, on a rendu quasiment
impossible l'instruction. Pourvu que ça dure.
Citation: |
"Que juger ?
Mais le socio-gestionnaire ne revendique pas seulement
l'exclusivité de l'appréciation des résultats de l'Ecole ; il veut
aussi que ce qu'il y a à apprécier à ce titre soit autre chose que le
niveau de connaissances qu'on peut attendre d'un élève moyen à un âge
donné ou, à tout le moins, ne soit pas seulement cela.
Le conflit des facultés, sur cette question, prend d'abord, en
général, la forme suivante : instruire ou éduquer ? Toujours peu avare
de barbarismes, le socio-gestionnaire a même inventé un vocable pour
désigner le par-delà l'éduquer : « socialiser ».
La plaisanterie est telle que nous ne savons pas bien si ce
détournement d'objet plaide en faveur de l'efficacité de l'Ecole : si
son but est d'éduquer ou de socialiser, éduque-t-elle ou
socialise-t-elle si bien que cela ? Rien n'est moins sûr. Sans parler
de la drogue ou de la délinquance [Le problème lui-même, que nous ne
méconnaissons pas et n'entendons pas méconnaître, sera abordé au
chapitre 4.], il est presque impossible de rencontrer un parent d'élève
ordinaire qui ne vous plaigne d'avoir à supporter sa progéniture, tout
simplement parce que lui-même a beaucoup de mal à y parvenir. De quoi
nous concluons, car l'agitation ou le mauvais comportement des élèves
ne nous semble aucunement le problème majeur de l'Ecole, même si ici ou
là ils empêchent purement et simplement d'enseigner, que les enfants
sont infiniment plus disciplinés, courtois et polis en classe qu'à la
maison.
Toujours est-il que notre adversaire prétend que la mission
(l'éduquer ou de socialiser est au moins aussi importante que telle
d'instruire et la supplante même. « L'école doit (...) oser éduquer »,
écrit, dans Le Monde du 2 avril 1993, une brochette d'éducateurs. Et ce
projet est, en effet, très audacieux, car il consiste à « oser éveiller
à la conscience morale », à « oser imposer les règles de la vie commune
». Mais qu'est-ce à dire exactement ? Qu'attend-on de l'instituteur ou
du professeur ? Qu'il persuade le bambin ou l'adolescent qu'il faut
dire bonjour à sa crémière ou qu'il faut dire du bien de Monsieur le
lPrieur ? Qu'il faut faire la grève ou qu'il faut dire merci patron ?
Qu'il faut être mitterrandiste ou qu'il est plus opportun d'être
balladurien ? Former des esprits libres, comme le dit le poncif, ce
n'est pas, par définition, leur dicter leur conduite, mais leur
permettre de la choisir. Hasard ou nécessité, la brochette en question
commet, au passage, cet illogisrne : « Comment expliquer
raisonnablement à des enfants les interdits fondamentaux du meurtre, de
l'inceste ou du vol ? » On pourrait donc expliquer des interdits. Non
point :on explique l'accord du participe passé ou le théorème de
Pythagore ; on n'explique pas, à proprement parler, ce qu'il faut ou ne
faut pas faire. Nous retrouvons ici, comme par hasard, la manie
gestionnaire et sociologisante de dériver les normes des faits : il y
aurait une morale objective, comme il y a une physique objective et,
bien sûr, une sociologie objective ; on la saurait de source sûre,
comme ces deux dernières et, partant, il n'y aurait plus qu'à
l'enseigner. On sait le nom que porte cette conception : le catéchisme.
Mais le gestionnaire sociologue ou le sociologue gestionnaire va
plus loin encore : il assigne à son audacieux endoctrinement moral une
fin sociale : « les qualités de cœur sont tout aussi nécessaires que la
raison pour refonder sans cesse, génération après génération, une
société solidaire et fraternelle ». Ça chaparde un peu partout ; ça
rackette ici ou là, ça viole parfois et ça tue à l'occasion ; mais,
grâce à l'audace d'éduquer, en disant « tu ne voleras point ; tu ne
violeras pas davantage et tu ne tueras surtout pas », nous forgerons,
c'est sûr, une société d'où tous ces maux seront éradiqués. De l'art de
persuader.
Si ce discours n'était bouffon, s'il fallait un instant le prendre
au sérieux, nous dirions à la brochette ceci : vous confondez, mes bons
amis, la cause et la conséquence, ce qui, logiquement, est grave. Il
est présumable, en effet, que l'Ecole a un effet moral et social. Tout
le monde sait que c'est dans les prisons qu'il y a le plus
d'analphabètes. Mais il ne s'agit là que d'un effet, et encore d'un
effet seulement probable, statistique si vous y tenez tant : d'une
bonne instruction, il y a lieu de penser que la plupart des gens
tireront des leçons de sagesse, sans qu'il soit possible d'exclure que
tel ou tel utilise ses connaissances en électronique pour pirater des
cartes bancaires ou ses connaissances juridiques pour frauder le fisc.
Relisez donc, mes beaux Messieurs, le début de L'école des femmes et
vous y verrez que vous y jouez le rôle du sot qui n'a pas compris qu'en
choisissant une femme instruite au lieu de s'en faire une ignare sur
mesure, il aurait pu éviter d'être sot au deuxième sens du terme. Et
notez bien que cet effet-là, seulement escomptable, est effet
d'instruction et non d'éducation. Vous trouverez confirmation de ce que
nous vous disons en allant un peu plus loin dans la pièce :
d'éducation, la pauvre Agnès ne manque pas ; elle a appris par cœur, la
malheureuse, les ineptes Maximes du mariage, qui ressemblent assez au
catéchisme sous lequel vous voulez étouffer l'Ecole. Et pourtant, elle
cocufiera son cocu d'importance. En revanche, d'instruction, elle
manque totalement. Et c'est tout ingénument, en arguant des règles
mêmes qu'on lui a inculquées, qu'elle cocufiera. Remarquez, au passage,
combien on apprend plus dans la littérature et la philosophie que dans
la littérature pédagogique et la philosophie de même farine.
Nous ne ferons qu'une concession apparente à la thèse éducative des
éducateurs : il est bien vrai que, quand un élève claque la porte trop
bruyamment, quand il bouscule le proviseur, quand il prend la parole
intempestivement, quand il prétend mâcher du chewing-gum ou écouter son
groupe préféré pendant le cours, nous ne l'entendons pas de cette
oreille ; mais nous ne chapitrons pas l'intéressé, nous ne lui faisons
pas de grands discours sur les interdits fondamentaux, nous ne lui
disons pas qu'il en va de l'avenir de la France et de l'Europe;
simplement, nous lui faisons comprendre qu'il n'a pas à agir ainsi,
qu'une porte doit être ouverte ou fermée et non claquée, qu'il est
convenu de laisser passer les grandes personnes et, en particulier, le
proviseur, que le chewing-gum empeste et qu'il faut choisir entre la
musique du baladeur et celle du cours. En général (mais pas toujours :
certains élèves ne savent pas fermer une porte et nous avons dû, l'un
et l'autre, donner des cours particuliers sur ce point purement
technique), la question est réglée sans autre explication, voire sans
explication du tout. C'est tout bonnement que les élèves savent tout
cela, même s'ils n'agissent pas en conséquence. C'est Ovide, cette
fois, qui nous en apprend plus que toute la technocratie et toute la
sociologie du monde : Meliora video proboque ; deteriora sequor. Nous
faisons donc bien de la morale, si l'on veut, mais de la vraie, de la
morale pratique, sans trémolos ni grandiloquence.
Nous savons bien que l'Ecole de Jules Ferry elle-même avait
institué, dans l'enseignement primaire et même au-delà, des leçons de
morale et, par là même, une sorte de catéchisme laïque. Si de cette
Ecole nous avions la moindre des nostalgies dont on nous accuse, ce
n'est pas là-dessus qu'elle porterait. Qu'on se souvienne un peu des
Tigibus et autres La Crique, qui, sitôt les grands principes énoncés,
copiés et récités, allaient les bafouer cruellement à l'endroit des
Velrans.
Comme la plus belle fille du monde, l'Ecole ne peut donner que ce
qu'elle a, le savoir. Après, et même pendant, c'est au petit bonheur la
chance. Un grand lycée parisien a réchauffé dans son sein, nous
confiait-on récemment, plusieurs voleurs et au moins un assassin
(passionnel heureusement). Et alors ? Les sermons de nos éducateurs
l'auraient-ils empêché ? Estimons-nous très heureux que ce lycée, comme
tant d'autres, ait produit, en bien plus grand nombre, des hommes et
des femmes d'une honnêteté au moins moyenne. Ce sont les mathématiques,
la littérature, la philosophie qui y auront contribué. Les prêches
uropéano-moralisants eussent plutôt eu l'effet contraire. Nous avons
interviewé André Gide sur la question et il a bien voulu confirmer
notre thèse.
Nous conclurons donc cet examen de la façon suivante mesurer :
l'efficacité de l'Ecole, c'est juger de son pouvoir d'instruire en
s'abstenant de tout autre jugement.
Marie Claude Bartholy , Jean Pierre Despin, La gestion de l'ignorance, PUF, 1993, pages 14 à 17." |
Bonnes vacances
Michel Delord |
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Zoltar
Inscrit le: 09 Nov 2003 Messages: 311
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Posté le: Mar Déc 23, 2003 6:08 pm Sujet du message: Re: EDUCATION versus INSTRUCTION : quelques documents |
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Michel Delord a écrit: |
Il
y a un certain nombre de lieux communs qui ont la vie dure. Parmi
ceux-ci figure l'idée quasiment axiomatique – c'est-à-dire que l'on
n'aurait pas à démontrer au vu de son évidence- que l'éducation
constitue toujours un progrès par rapport à l'instruction.
Je cite un exemple pris sur le forum du Grand Débat : |
Citation: |
"Ainsi, éducation & instruction ne sont pas des entités
séparées mais intimement mêlées. D'ailleurs, notre ministère
(contrairement à ce qui se passait sous la 3ème République*) s'appelle
"Ministère de l'ÉDUCATION Nationale". Et l'Éducation comprend la
socialisation, le développement psycho-moteur et psycho affectif,
l'éducation artistique, ainsi que l'instruction c'est à dire les autres
apprentissages, plutôt destinés au cerveau gauche, très
majoritairement.
Séparer Éducation & Apprentissages conceptuels me paraîtrait être une très grave erreur car les deux sont indissociables.
* C'était "Ministère de L'INSTRUCTION publique". Là aussi, ne faisons pas de retour en arrière!
Bien à vous,
Zoltar " |
http://www.debatnational.education.fr/forum/viewtopic.php?p=33731
Michel Delord a écrit: |
Il
y a , de plus, ici un deuxième axiome en jeu: "Il ne faut pas faire de
retour en arrière ". D'une part, un retour en arrière n'est possible
physiquement que dans l'espace ( je reviens à la maison ) mais pas dans
le temps car on ne peut inverser la flèche du temps . Mais cette
manière de présenter les choses a une signification très simple : tout
ce qui arrive de nouveau dans le temps est un progrès ( ce qui est un
truisme si la caractérisation du progrès est que c'est nouveau dans le
temps ). Passons et revenons à éducation /instruction pur donner
quelques contre-exemples qui invalident l'idée que la mise en avant de
l'éducation contre l'instruction est, par principe, une "bonne chose"
qui n'a pas à être démontrée. |
Pardonne-moi Michel mais où est-il dit que "la mise en avant de l'éducation contre l'instruction
est, par principe, une "bonne chose" qui n'a pas à être démontrée" ? Je
n'ai lu ça nulle part et surtout je ne saurais dire pareille chose
puisque je ne le pense pas du tout !
Merci pour tes exemples, mais tu t'efforces de démontrer l'inanité d' un postulat que personne n'a énoncé...
Ce que je dis, pour être plus précis, c'est que l'éducation d'un enfant
est indispensable et que, pour des raisons économiques et sociales
essentiellement, sociologiques un peu aussi (travail des femmes,
difficultés dans certains quartiers où les enfants sont livrés à
eux-mêmes et éduqués... par la loi de la rue), cette éducation est
conjointement partagée entre la famille et l'école première,
(coéducateurs) que tu le veuilles ou non.
Alors, définir la part d'éducation et d'instruction à l'École est
une tâche complexe d'autant que l'éducation sera très importante en
maternelle et diminuera régulièrement à l'école élémentaire, puis au
collège où elle changera de nature, puis au lycée bien sûr où elle
deviendra plutôt une éducation à la citoyenneté et à la vie. En même
temps, la part d'instruction augmentera en volume et en difficulté mais
les deux aspects resteront toujours présents, ne serait-ce que par
l'exemple du prof lui-même.
Je ne dis pas quant à moi que "l'éducation est un progrès par
rapport à l'instruction". Les deux sont distinctes & nécessaires à
des degrés différents et à des moments différents de la vie.
Sois gentil, si tu me cites, lis ce que j'ai écrit et n'interprète pas ma pensée.
- Et pour "l'éducation constitue toujours un progrès par rapport à l'instruction."
C'est faux ! L'éducation est première et l'instruction ne peut être dispensée sans éducation.
- Et pour "la mise en avant de l'éducation contre l'instruction
est, par principe, une "bonne chose" qui n'a pas à être démontrée."
- Enfin lorsque je fais allusion à des "retours en arrière", je ne
parle pas de ce qui est possible ou de ce que je souhaiterais ou même
que d'autres aimeraient... Je veux SIMPLEMENT dire qu'aujourd'hui,
compte-tenu de la situation sociale & économique, on ne peut
ABSOLUMENT pas se contenter d'instruire les enfants qui nous sont
confiés. On ne peut donc pas revenir à un ministère de l'Instruction
Nationale. Les enseignants qui sont impliqués tous les jours au niveau
du primaire (maternelle + élémentaire) savent vraiment, eux, exactement
de quoi je parle. Ce n'est pas une donnée abstraite.
Il y a aussi de multiples raisons extérieures qui ont conduit à
cette situation. Parmi les 2 plus importantes, je citerai l'action (à
priori généreuse) de Françoise Dolto et de Bruno Bettelheim qui ont
contribué puissamment à culpabiliser les parents et notamment les mères
lorsqu'elles osaient dire NON à leur enfant. Mai 68 aussi ! Le mythe de
l'enfant-roi, de l'enfan-tyran et du "concentré de perfection" était
né. Il rayonnait de mille feux et, à deux ans, de ce point de vue, tout
est joué !** Alors l'éducation, même si elle ne sera souvent qu'une rééducation
est indispensable à l'école et elle sera la compagne de tous les jours
de l'instruction dont elle est la condition sine qua none.
Éducation & instruction sont les 2 facettes de l'École d'aujourd'hui.
Revenir en arrière (non pas retour vers le passé, mais reculer) serait une faute grave.
Un excellent texte sur ce sujet dans "L'encyclopédie pratique de
l'éducation en France"*, dans la conclusion générale par Lucien Paye[1]
"Éduquer autant qu'instruire", p. 1170
[1] Ministre de l'Éducation 61-62
* IPN & SDE Publications Robert Laffont 1960
(Une foultitude d'informations & de documents...)
** C'est ça l'origine des problèmes actuels. Ma femme, qui a passé
presque toute sa carrière en maternelle l'avait pronostiqué il y a une
bonne quinzaine d'années, presque vingt ans. Elle m'avait dit "Tu
verras, un jour, ils seront ingérables. Ils ne sont plus élevés, par
leurs parents !" Et pourtant, elle a une autorité et une rigueur
naturelle avec les enfants très remarquables... Il s'est avéré qu'elle
avait vu juste !
Je t'enverrai un texte que je écrit à la fin des années 90 sur ce thème, à la rentrée maintenant.
Citation: |
Bonnes vacances
Michel Delord |
Bonnes vacances à toi aussi Michel
ainsi qu'à tous les participants à ces forums !
Zoltar |
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Michel Delord
Inscrit le: 04 Nov 2003 Messages: 126
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Posté le: Mer Jan 14, 2004 4:34 pm Sujet du message: Re: EDUCATION versus INSTRUCTION : quelques documents |
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Salut Zoltar
Et bonne année. Je te réponds et seulement partiellement* , sur l'autre fil sur la même question:
http://www.debatnational.education.fr/forum/viewtopic.php?p=39102#39102
Michel Delord
* parce que, à part ce que je te reproche, je sais que nous avons
un certain nombre de "valeurs communes " - pas seulement les rillettes-
puisque tu avais signé la petition primaire qui s'est d'ailleurs bien
relancée d'elle même avec le grand debat, et avec notamment beaucoup
d'instituteurs. |
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