Sanctuariser l'école ?

Je ne sais si la notion de sanctuaire est caduque, si la loi  actuelle garantit - selon certains - ou ne garantit pas - selon d’autres - le caractère de sanctuaire de l’école, y compris pendant les voyages scolaires.
Mais je crois comprendre que présenter le problème sous l'angle du caractère présenté comme progressiste de la "sanctuarisation de l'école"  n'est pas - innocemment ? - sans conséquences.

Ce qui a été dénoncé majoritairement n’est pas le fait que Léonarda ait été expulsée mais le fait que cela ait été fait devant ses professeurs et ses camarades, comme le dit  Le Monde.


« La compagne du président de la République, Valérie Trierweiler, s'émeut également sur cette question, lors d'une rencontre avec la presse à Angers : "On ne franchit pas certaines frontières et la porte de l'école en est une." "Il semble que cette intervention sur le temps scolaire soit une erreur", ajoute Cécile Duflot, ministre du logement. Le ministre délégué à la ville, François Lamy, estime quant à lui que "la souplesse nécessaire n'a pas été appliquée" et la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, déclare que "si les choses se sont passées telles qu'elles sont décrites ici ou là", elles sont "éminemment choquantes". »

Laurent Joffrin nous dit  aussi :

« Il y a quelques années, l’interpellation d’immigrés sans papiers aux abords d’établissements scolaires avait provoqué un vaste mouvement d’indignation où les plus actifs n’étaient pas forcément des militants de gauche, mais souvent des familles animées par un simple sentiment de solidarité avec leurs voisins. C’est la faute des policiers de Manuel Valls de ne pas avoir senti que l’expulsion d’une jeune fille interpellée dans le Doubs au cours d’activités parascolaires pouvait déclencher, de manière fort compréhensible, une réaction similaire. Si l’école est un sanctuaire, dans le cas de la jeune Léonarda, ce sanctuaire a été violé. La République – et le gouvernement - seraient bien inspirés de prendre en compte cette circonstance particulière pour traiter de ce cas particulier. »

Il a bien raison, Laurent Joffrin : une école sanctuarisée - ainsi que ses abords - aurait évité ce désordre bien regrettable. On aurait dû se saisir démocratiquement de Léonarda au petit matin ou au milieu de la nuit dans un endroit où elle ne connait personne. Je sais, c’est dur à trouver : le peuple et surtout le petit peuple a des liaisons partout - "il grouille" selon certains auteurs - et même si ses membres ne se connaissent pas, ils sont bien capables d’avoir brutalement des sentiments de solidarité réciproques. C'est dire à quel point le petit peuple est mal elevé - qui aurait l'idée de s'adresser à un inconnu ? - et donc inhumain.

Donc sanctuarisons et nous aurons beaucoup plus d’expulsions, propres et sans bavures.


Et un grand spécialiste de l’immigration, du voile et de l’école  est tout à fait d’accord avec mon analyse. Jean-Paul Brighelli titre en effet son papier sur Tableau noir : « Sanctuariser l'école ? Chiche, M. Peillon ! »[3]. Au vu de ses autres textes aussi, on ne peut le soupçonner de vouloir  s’opposer aux expulsions et il est - donc ou donc? - favorable à la sanctuarisation de l’école.
Mais n’est-ce pas une erreur de sa part d’homme d’ordre d’avoir signé en son temps en 2009, et parmi les premiers, la pétition, au moins "hautement progressiste" de Riposte Laïque contre la burka ? En effet si l’expulsable est vêtu* d’une burqa**, même ses meilleurs amis ne le reconnaissent pas et cela diminue d’autant les possibilités de solidarité active à son égard.


Petite remarque grammaticale et logique : dans la phrase supra, si, entre donc et donc ?, il faut choisir donc, c'est que la seule fonction de la sanctuarisation de l'école est de favoriser les expulsions. Justement, que choisissez-vous, cher lecteur ?

Michel Delord- 23 /10/2013
* Ce masculin est voulu ; si l’on veut se donner les moyens d’effectuer les expulsions, on doit envisager sérieusement l’obligation de port de la burqa  pour les garçons.

** Lire aussi Michel Delord, "Des gamins de Paris, de la Burqa et de la disparition d'Oussama", 3 mai 2011.