A propos de la lettre ouverte du GRIP - Suite

Petite suite à La lettre ouverte du GRIP du 01/01/2012 - III

Extraits du Blog de Luc Cédelle 
Ciel ! Il y en a qui n’aiment pas le consensus en éducation…


I-Consensus ? - 15 mars 2012

II-Polémiques artificielles I - 23 mars 2012

III-Polémiques artificielles II - 25 mars 2012

IV-Minuscule bilan – 20 avril 2012

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I-Consensus ?

Luc Cédelle a écrit :

« MD condamne ce qui, en éducation, me semble le plus productif et le plus solide : le consensus.
Pour lui, c’est exactement l’inverse. Tout en s’opposant « à la diabolisation des positions de l’ennemi dont la seule fonction est de préserver l’esprit de secte », il estime que s’il y a des positions communes, ce sont « probablement les pires ». Je n’en crois rien, mais ses arguments vont cependant plus loin que les habituelles réactions automatiques qui parlent de « consensus-mou » et en restent là, croyant avoir clos la question par un bon mot éculé ».

J’éclaircis un peu ce que j’ai voulu dire. Nous sommes dans l’enseignement dans une situation où un courant constitué et puissant a dit, sur une question non secondaire qu’est l’enseignement de la lecture, que le déchiffrage était un obstacle à la compréhension [1]. Anerie absolue lorsque l’on parle d’une écriture alphabétique dont l’atome de base est la lettre. Je ne sais pas si ça continue et à quel degré mais il est sûr:
        1) qu’à un moment ce courant a existé, qu’il a été même majoritaire et de toutes les façons exprimé dans les directives officielles et que l’influence de Foucambert a été grande. J’ai tendance à penser:
       2) que ce courant a encore de forts appuis et qu’il n’existe pas que « dans des coins reculés et non contrôlés » puisque le Café pédagogique met en avant et encourage encore aujourd’hui des formes « d’écriture globale » [2] pratiquées par Bernard Devanne dont je me demande si un seul lecteur du blog souhaiterait que son enfant subisse ce traitement : allez voir ici et ici.
Et non seulement ça ne soulève pas de vagues mais c’est montré en exemple.

Dans ce type de conditions il ne peut y avoir de consensus, non ?

Lorsqu’il y a des erreurs « dans mon camp », je ne pratique pas l’esprit de secte, ce qui m’attire quelques ennuis et me fait une sale réputation. J’aimerais bien savoir ce que pensent de cette « expérience Devanne» des gens qui ne sont pas dans mon camp.

MD

[1] Ça ne veut nullement dire qu’il faut en rester au déchiffrage mais ça n’empêche que le déchiffrage est non pas un obstacle mais une condition de la compréhension.
[2] Si « l’écriture globale » de Bernard Devanne est une véritable hérésie, je suis un très sérieux défenseur de la méthode globale de Decroly. Je considère que ce qu’en dit Marc le Bris - par exemple : « La méthode [que le ministère condamne], puisqu’ils condamnent, c’est la méthode « Decroly », XIXème siècle, l’intenable méthode globale pure » - est une ânerie puisque la méthode globale pure est une méthode alphabétique qui reconnait l’importance centrale de la lettre. Decroly n’a jamais dit que le déchiffrage est un obstacle à la compréhension.

Michel Delord - le 15 mars 2012 à 23:14

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II) Polémiques artificielles I

« Vous voyez que les membres du GRIP ne chôment pas, et parmi eux moins que les autres les auteurs des manuels qui ont tous charge de classe.
Soit dit en passant, cela nous laisse assez peu de temps à consacrer à des polémiques artificielles.
Cordialement.
Rédigé par : guy morel | le 15 mars 2012 à 10:50 »

 Au vu de l’importance des sujets que j’aborde dans la critique du contenu de la lettre ouverte du GRIP, je m’attendais à une réponse de cet organisme d’autant plus qu’il avait tout fait pour populariser ce texte. S’il n’a pas répondu, notamment par l’intermédiaire de son secrétaire, est-ce qu’il considère donc qu’il s’agit d’une « polémique artificielle » ?
C’est tout à fait le droit du GRIP, dans un des seuls textes « officiels » produit par lui depuis un certain temps, texte auquel il a donné le maximum de publicité, d’approuver au moins implicitement les notions typiquement managériales d’évaluation et d’expérimentation et de surfer sur la vague sécuritaire en agitant la menace du collège « chaudron des déceptions ».

Si ce texte a pour lui cette importance, il semble illogique qu’il ne le défende pas : mais c’est aussi son droit.

L’autre raison de non réponse serait que les membres du GRIP sont très occupés. Mais là, j’ai quelques doutes sur l’argumentation. J’ai laissé passer, comme on peut le constater, un peu de temps pour donner aux membres du GRIP le temps de répondre. Et j’ai pu constater que aussi bien Catherine Hubby ou Guy Morel étaient certes occupés - je ne le nie pas - mais faisaient des interventions en assez grand nombre par exemple sur Neoprofs : je ne me suis pas amusé à tout compter depuis le message supra, c'est-à-dire depuis le 15 mars. Mais Guy Morel-Mareuil a laissé les deux derniers jours une quarantaine de contributions sur Neoprofs.

C’est aussi son droit mais qu’il ne dise pas qu’il est très occupé pour ne pas répondre à ce qu’il appelle des « polémiques artificielles ».
Ceci prouve simplement que le secrétaire du GRIP a du temps mais qu’il « ne veut pas » l’employer pour répondre à mes critiques qu’il trouve probablement artificielles, exagérées, inopportunes, pinailleuses, etc. etc.
C’est également son droit mais j’ai plutôt tendance à penser que le GRIP est incapable de répondre à mes critiques.
Bon, j’en finis avec ce refus de réponse du GRIP. Il en fera ce qu’il veut.

Mais il me semblait judicieux de traiter cette question avant d’en aborder une autre qui est la suivante : d’abord essayer de comprendre pourquoi le GRIP a eu des subventions (et pourquoi d’autres en ont aussi) et ça permettrait peut-être de comprendre pourquoi on les lui a supprimées. L’hypothèse de Luc Cédelle* est intéressante mais incomplète :
« Parce que la triste vérité est que le subventionnement du GRIP n’était qu’une petite pièce tactique dans une vaste opération de communication politique consistant, en 2008, à récupérer la mouvance « antipédago » pour neutraliser son pouvoir de nuisance et détourner l’attention des suppressions de postes. Cette opération ayant rendu tout son jus, la subvention devient, d’un point de vue politique, une anomalie résiduelle. »
Mais que doit-on en déduire pour la suite ?
Cordialement
MD, le 23 mars 2012

Michel Delord - le 25 mars 2012 à 15:37

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III-Polémiques artificielles II

Je disais précédemment que je souhaitais comprendre réellement pourquoi le GRIP recevait des subventions. Je passe sur la vision de Guy Morel qui parle ici de « subvention méritée » par le GRIP : il la mérite autant que Marc le Bris et Jean-Paul Brighelli méritent leurs décorations et j’ai vraiment tendance à avoir les plus grands soupçons sur des courants et des personnes dont le pouvoir explique qu’ils méritent quoi que ce soit.

Et je fais remarquer ma vision un peu plus réaliste du fonctionnement du ministère n’est pas nouvelle et que je [1] la défendais déjà à l’intérieur du GRIP dans des textes publics que sont les AG du GRIP ( ici ou ici):

Assemblée Générale du 13 mai 2007

 « M. Delord : Robien n'a jamais dit qu'il voulait mettre en place de nouveaux programmes conformes à ce qu'avance le GRIP et le GRIP doit dissiper la confusion entre deux choses non identiques : soutenir la politique d'un ministre - y compris si elle attire l'attention sur des sujets qui nous intéressent - et demander au ministère et au cabinet que SLECC soit autorisé effectivement. Il est donc important - même si nous ne soutenons pas la politique du ministre - qu'il y ait des interventions du ministère et du cabinet pour soutenir SLECC, comme ce qui s'est passé pour que SLECC puisse être autorisé à Roncq. Mais ce n'est pas parce que certains membres du ministère peuvent partager en partie nos idées que nous devons cacher nos positions et dissimuler nos critiques : de plus, on ne perd rien à terme à être sincère et critique avec ceux avec qui on discute. On est vu en ce cas non comme des courtisans mais comme des gens sérieux et les gens raisonnables du ministère, c'est-à-dire ceux qui ne souhaitent pas rencontrer que des courtisans, sont prêts à nous aider, même si le ministre fait des annonces que nous n'approuvons pas. Nous devons être avec eux, autant que possible, hors du cadre politicien.
Ce qui n'empêche que nous sommes et serons en permanence dans une position difficile : le ministère et les politiques essaieront de nous utiliser dans leur propre intérêt même s'il ne coïncide pas avec celui de SLECC et du GRIP et ils y arriveront en partie : c'est à nous de le prévoir systématiquement et de faire ce qu'il faut pour en minimiser les conséquences. »


Je dois dire, pour que le passage soit plus compréhensible, que j’étais obligé de prendre toutes les précautions oratoires possibles car se trouvait à ce moment-là dans le GRIP un Marc le Bris qui était au moins très favorable à Sarkozy qui prenait très mal toute critique le concernant. Je proposais donc explicitement la ligne de conduite donnée supra. A-t-on réellement l’impression que la lettre ouverte du GRIP participe de cette ligne de conduite ?

Le GRIP a tout à fait le droit (et le gauche, le centre, le haut, le bas…) de croire qu’il « mérite sa subvention » au lieu de « prévoir systématiquement en quoi le ministère et les politiques essaieront de l’utiliser dans leur propre intérêt ».

Je fais remarquer que ma remarque ne s’adresse pas seulement au GRIP mais à tous les groupes qui se plaignent du fait qu’on sucre leurs subventions : croient-ils principalement « qu’il les mérit(ai)ent » ou que « le ministère et les politiques les ont utilisé dans leurs propres intérêts ? »

Ils ne répondront pas, je crois, à cette question.
S’il répondent qu’ils les mérit(ai)ent, je n’ai plus rien à dire.
S’ils répondent « C’est une combinaison des deux » ou « Le ministère et les politiques nous ont utilisé partiellement dans leurs propres intérêts », je demande à voir où, publiquement, ils ont fait mention du fait qu’on tentait de les manipuler et sur quoi portait cette manipulation.

MD

[1]  Même si cela n’apparait pas dans le CR de l’AG, Rudolf Bkouche défend une position proche en expliquant que dans le cadre de SLECC, le GRIP était en permanence en équilibre.

Michel Delord - le 25 mars 2012 à 15:50

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IV-Minuscule bilan

Le GRIP vient d’annoncer qu’il a obtenu sa subvention. Je peux donc me permettre de prendre quelques instants pour répondre aux commentaires faits par Guy Morel sur Neoprofs à propos de ma critique de la lettre ouverte du GRIP.

Sur le blog de Luc Cedelle sur lequel je pouvais répliquer, Guy Morel avait botté en touche en expliquant que le GRIP était très occupé et avait d’autres activités beaucoup plus importantes que de me répondre. Mais ce même Guy Morel avait trouvé du temps pour commencer répondre sur Neoprofs, forum dont j’ai été banni l’été dernier et sur lequel je ne peux donc pas répliquer.

Spinoza1670 poste le 12 mars à 13h25 le message suivant sur le fil « Lettre ouverte du GRIP à Monsieur le ministre de l'Education nationale »
 Pour info, un début de réponse de Michel Delord sur les thèmes abordés dans la lettre du GRIP : évaluation, expérimentation, ...
http://micheldelord.blog.lemonde.fr/2012/03/09/lettre-du-grip-i/
C'est bien hardcore, comme d'hab.

Ce à quoi Mareuil - Guy Morel trouve rapidement du temps pour répondre dès 13h53 :

Cela n'a rien de hardcore. Sauf si "hardcore" signifie mettre son nez dans les affaires des autres et essayer de faire - et ce n'est pas la première fois - qu'une subvention méritée soit à nouveau refusée. Je note donc avec intérêt que vous vous faites le petit télégraphiste d'un monsieur dont l'obsession est, quels que soient les enrobages du propos, après avoir failli provoquer la disparition du GRIP, d'obtenir la mort de SLECC et de GRIP-Éditions.

Et, comme il a encore du temps, il rajoute à 14h10 :

Et les ficelles d'enrobage sont grosses comme des cordes d'amarrage d'un transatlantique. Dans la lettre du GRIP, le mot "nation" n'a pas de majuscule. Ce monsieur fait semblant d'en voir une, ce qui lui permet sa note sur Jean Ploncard d'Assac et d'insinuer que le GRIP - inconsciemment certes - est lié à l'extrême-droite.

Je reviendrai infra sur les détails mais je voudrais tout d’abord m’inscrire en faux par rapport à une affirmation de Guy Morel qui prétend que « [j’]essaye[r] de faire […] qu'une subvention méritée soit à nouveau refusée ». Je passe sur les raisons pour lesquelles  M. Chatel pourrait trouver que le GRIP mérite une subvention parce qu’elles pourraient ne pas être à l’honneur du GRIP.

Mais je suis sûr,  tout au contraire de ce qu’affirme Guy Morel est que, au cas certes peu probable où ce que j’ai écrit est parvenu à l’oreille des décideurs, la critique que j’ai faite de la lettre ouverte du GRIP n’a pu avoir qu’une influence TRÈS favorable sur l’attribution de la subventionEt que la première chose à faire par Guy Morel et le GRIP serait donc de me remercier et qui plus est chaleureusement.

Que Guy Morel réfléchisse en effet un petit peu au lieu d’écrire n’importe quoi : dans ma critique du contenu de la lettre ouverte du GRIP, j’explique successivement que, dans cette lettre, le GRIP
- flirte avec le nationalisme 
- approuve  la notion d’évaluation
- approuve implicitement les évaluations nationales
- défend la notion d’expérimentation qui est, comme la notion d’évaluation, une notion centrale du management
- réduit l’objectif que défendait jusqu’à maintenant le GRIP - refondation de l’école - en positivant la position de l’obscurantisme managérial «  réduction de l’échec scolaire à l’école primaire » 
- surfe sur l’ambiance sécuritaire
- etc.

Ce que j’affirmais donc explicitement le 14 mars - et qu’à mon avis je démontrais - est que « cette lettre ouverte du GRIP va dans le sens du poil du ministère et du gouvernement ».

Or si pour moi ce sont des critiques, je pense que l’UMP ne considère pas que surfer sur l’ambiance sécuritaire est un défaut, pas plus que de ne faire aucune critique de la notion d’évaluation ou s’appuyer sur la valeur des évaluations nationales… soient fondamentalement mal vus par l’équipe de Luc Chatel.

Donc si ma critique a eu un effet, il a surement été positif et Guy Morel devrait m’en remercier. D’autant plus que le fait que j’ai été exclu du GRIP est en quelque sorte un bon point pour le GRIP puisque l’on s’est débarrassé d’un « chiant » : rappelons que lorsque Xavier Darcos a voulu réunir, comme le dit Luc Cédelle, « le gratin des antipédagogistes », il y avait à l’origine deux personnes  que le cabinet ne voulait pas inviter : Laurent Lafforgue et moi-même. Donc mon exclusion du GRIP est en elle-même un bon point pour les rapports du GRIP et du gouvernement Fillon-Sarkozy.

Et lorsque je disais supra « cette lettre ouverte du GRIP va dans le sens du poil du ministère et du gouvernement », j’ai intentionnellement écrit ministère et non pas ministre car  je voulais signifier que les valeurs avec lesquelles le GRIP flirte ne sont globalement pas simplement celles de l’UMP mais celle du consensus droite-gauche qui, au-delà des petites oppositions montées en épingle, domine la gouvernance de l’éducation nationale au moins depuis le début de la Vème république.

Michel Delord - 20 avril 2012

Annexe : Ceci dit, on peut revenir rapidement sur les arguments « théoriques » de Guy Morel :

Et les ficelles d'enrobage sont grosses comme des cordes d'amarrage d'un transatlantique. Dans la lettre du GRIP, le mot "nation" n'a pas de majuscule. Ce monsieur fait semblant d'en voir une, ce qui lui permet sa note sur Jean Ploncard d'Assac et d'insinuer que le GRIP - inconsciemment certes - est lié à l'extrême-droite.

Reprenons :

Guy Morel : Et les ficelles d'enrobage sont grosses comme des cordes d'amarrage d'un transatlantique.

MD : Voyons donc ce que sont ces cordes d’amarrage. 

Guy Morel : Dans la lettre du GRIP, le mot "nation" n'a pas de majuscule. Ce monsieur fait semblant d'en voir une, ce qui lui permet sa note sur Jean Ploncard d'Assac et d'insinuer que le GRIP - inconsciemment certes - est lié à l'extrême-droite.

MD : Effectivement le mot nation n’a pas de majuscule dans la lettre du GRIP et en a une dans  le titre du texte de Jacques Ploncard d’Assac et dans la majorité des occurrences de nation dans le texte (mais pas dans toutes).
Et alors ?
Si c’est « gros comme les cordes d’amarrage d’un transatlantique », il doit être facile à Guy Morel d’expliquer en peu de mots quelle est la différence sémantique entre Nation et nation qui justifie cette mise en avant et surtout expliquer pourquoi  cette différence me permet « ma note sur Ploncard », tout en remarquant bien que ma principale critique de l’emploi de l’expression nation organisée par le GRIP n’est pas dans cette note mais dans le texte lui-même.